6. Imaginons la vie quotidienne de Jésus. Un archéologue enquête
Dieu s'est incarné dans un homme. S'il est vraiment incarné, il faut qu'il soit un homme, un vrai homme, donc un habitant de la Galilée ou de la Judée. Il appartenait à population orientale, en partie juive avec une culture et des habitudes propres.
la Palestine
Alors la Palestine de l'époque, ou la Judée ou la Galilée est un pays pauvre. Ce qu'on appelle aujourd'hui la Terre Sainte est l'endroit le moins riche, le moins développé économiquement de toute la région. Alors les villages sont petits, les villes sont un peu plus grandes parce qu'elles sont romanisées.
C'est une population mixte entre une population qui se romanise, qui vit à l'occidentale et qui est très attirée par la vie à l'occidentale. Le reste de la campagne est resté très traditionnel. Les villages sont petits, même très petits, disons 20 maisons, 30 maisons, pas plus.
Les maisons
Et les maisons sont modestes. L'archéologie montre que les maisons sont construites avec des pierres non brutes, non taillées. Ils montent des murs. Ensuite sur les murs, ils font des petites fenêtres avec des linteaux en bois, des portes en bois et puis une toiture en bois ou en roseau. Dessus il y a du pisé, ce qu'on appelle du pisé, c'est-à-dire de la boue avec de la paille qui sèche et qui est étanche à l’eau. On la répare après chaque hiver.
Entre dehors et dedans
On a là des maisons extrêmement simples, sombres, pas très grandes. Une pièce, deux pièces, trois pièces pour les plus nantis.
Les gens vivent autant dehors que dedans. Dans le récit évangélique Jésus va de village en village. Il va sur le bord du lac et rencontre les pêcheurs. Il y a tout un ensemble qui est très populaire. Il faut s'imaginer le contexte humain du Nouveau Testament dans un milieu très populaire.
Dans les maisons
La vie dans les maisons est évidemment une vie simple. On couche par terre ou sur des banquettes en bois pour éviter les insectes qui rentrent dans les maisons.
Et il n'y a pas beaucoup de meubles. Il y a des coffres où on préserve les habits. Il y a un autre coffre où on préserve la batterie de cuisine, qui est modeste. Et puis il y a le long du mur de grandes jarres assez grandes, avec le fond plat posé par terre, pour conserver la base de la cuisine, c'est-à-dire une jarre d'eau, une jarre d'huile, une jarre de grains.
La gastronomie
On peut évidemment imaginer un peu la gastronomie locale, c'est-à-dire les grains. Ce sont différentes sortes de blé. Il y a le blé. Il y a l'orge. Il y a l’épeautre, il y a des lentilles, il y a surtout les fèves, les haricots etc…
Ce sont les fruits que même jusqu'en Europe on a gardé comme la gastronomie de l'hiver. Donc c'est une gastronomie pauvre. Et le repas c'est une bouillie, c'est des fruits secs, c'est des légumes secs, c'est des laitages et du pain. Les gens s'asseyaient assis le long du mur. C'est un repas assez codé où, évidemment il y a un plat. Chacun plonge sa main dans le plat. Le pain en général est mélangé autour du plat bouilli.
Les habitudes à table
En général il est malséant de parler. Ce sont des repas plutôt en silence où on demande poliment d'être aidé ici ou là. Mais on ne parle pas parce que il ne faut pas cracher dans le plat. Donc vous voyez il y a tout un code.
Les femmes ne se mettent pas à table, même dans le monde romain. Elles ne se mettent pas à table tout comme les enfants, et le voisinage. Ce que l'on laisse dans le plat est pour eux. Donc là aussi c'est un geste social très sensible.
La viande
En général la viande est considérée comme festive... on relit Isaïe : « Vous vous régalerez de viandes savoureuses ! » (Isaïe 55, 2). La viande est un festin, c’est assez rare si vous voulez.
Il y a la chèvre et le mouton. La chèvre parce qu'elle est bon marché, le mouton qui est plus solennel parce que plus cher et il faut reconnaître plus savoureux. Mais il y a aussi les volatiles. On peut manger des pigeons ou des bécasses qu'on peut chasser. On ne mange pas beaucoup le poulet, les poules, parce que dans leur esprit les poules étaient des animaux qui pondaient des œufs.
Donc les poules sont là pour pondre les œufs. Alors il y a dans la gastronomie même quotidienne, il y a les œufs, qui peuvent améliorer le plat. Les œufs sont souvent accommodés avec des graines, du vinaigre.
Donc le mouton est un festin. Il est célébré lorsqu'un invité arrive, ensuite lorsqu'on a un vœu qui qui a été accompli ou qu’on veut faire. On le mange aussi lorsqu’on veut faire le fameux sacrifice du mouton, quand on a fini la maison, quand on a mis la dernière partie de boue sur l'angle du toit, on sacrifie le mouton. Pour les mariages il y a toujours le mouton, c'est obligatoire. Et enfin on sacrifie le mouton pour la Pâque. Le festin avec le mouton est un concept assez dense, c'est-à-dire qu'il est toujours couplé avec le sacrifice, c'est pourquoi le mouton est sacrifié, il est saigné à la gorge. On plie le cou. Il doit être saigné.
Le poisson
Alors évidemment en Galilée on est au bord du lac. Alors au bord du lac, eh bien les gens sont des pêcheurs. Il y a des barques.
Le poisson évidemment est la base de la nourriture au bord du lac. Au moins donc au bord du lac c'est un pays de cocagne, puisqu'on mange du poisson frais. Mais partout ailleurs où on mange du poisson, il va être assez cher, parce qu'il est conditionné. C'est-à-dire qu'il est fumé ou salé et transporté dans des jarres.
Evidemment la vie de Jésus était traditionnelle dans son village. Pendant 20 ans il a été un artisan il a vécu comme tout le monde, peut-être même presque inconnu ou non repéré comme un être exceptionnel sauf par sa gentillesse et sa charité... il n'était pas visible.
frère Jean-Baptiste Humbert
Frère Jean-Baptiste Humbert est dominicain depuis 1965. Il est archéologue et a mené de nombreuses fouilles en Palestine et en Syrie.
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