6. Vendredi saint, le chemin de croix
Le vendredi saint donne l'occasion au peuple de Dieu de manifester plus particulièrement et fortement sa dévotion envers la mort rédemptrice du Christ, hors de la liturgie proposée par l'Église, à travers une pratique traditionnelle, très ancienne, celle du Chemin de Croix, le « Via Crucis ».
L’origine du chemin de croix
Comme je le disais, cette pratique est très ancienne. Elle nous vient de l'Orient Chrétien par l'intermédiaire des Franciscains. Les Franciscains se sont installés en Terre Sainte à partir de 1220 et en 1342 ils fondent la Custodie de Terre Sainte : sous le régime d'invasion des Mamelouks ottomans, ils se chargent d'être les gardiens des lieux sacrés conservant la mémoire de la vie, de la prédication et de la mort du Christ. En Terre Sainte les Franciscains se trouvent confrontés aux liturgies et aux pratiques dévotionnelles des communautés chrétiennes locales, orientales ou byzantines. C'est grâce à eux qu'ils découvrent la pratique du Chemin de Croix déjà en place chez nos frères séparés. À l'origine le nombre de stations, entre les épisodes de la Passion relatés dans les évangiles et ceux provenant d'autres sources (les évangiles apocryphes, la dévotion de l'un ou l'autre promoteur de cette pratique, etc.) a pu varier entre sept et trente-sept stations ! Tout en se réappropriant cette pratique et en la diffusant en Occident, en Italie d'abord, les Franciscains en fixent l'usage pour nous.
Les 14 stations
On fixe alors le chemin à quatorze stations.
- 1e station : Jésus est condamné à mort
- 2e station : Jésus est chargé de sa croix
- 3e station : Jésus tombe sous le bois de la croix
- 4e station : Jésus rencontre sa Mère
- 5e station : Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
- 6e station : Véronique essuie la face de Jésus
- 7e station : Jésus tombe pour la seconde fois
- 8e station : Jésus console les filles de Jérusalem
- 9e station : Jésus tombe pour la 3e fois
- 10e station : Jésus est dépouillé de ses vêtements
- 11e station : Jésus est attaché à la croix
- 12e station : Jésus meurt sur la croix
- 13e station : Jésus est descendu de la croix et remis à sa mère
- 14e station : Jésus est mis dans le sépulcre
aujourd'hui, on ajoute volontiers, une 15e station : au tombeau vide avec Marie, dans l'espérance de la résurrection. Par cette station toutes les autres sont en finale reliées à l'événement de la Résurrection.
La diffusion d’une pratique
À partir du XVIIe siècle et jusqu'au XIXe, les papes vont encourager cette pratique, la promouvoir pour toute l'Église Universelle et favoriser l'installation de Chemins de Croix, dans nos églises ou d'autres lieux pieux, d'abord en grandeur nature puis de manière plus symbolique au moyen de tableaux ou de simples numéros.
La signification de cette diffusion et du succès de cette pratique est simple : alors que les pèlerinages en Terre Sainte sont suspendus, donner l'occasion d'un pèlerinage spirituel en suivant, par l'esprit, le même chemin qu'avaient coutume d'emprunter les pèlerins de Jérusalem méditant sur la Passion du Christ entre Gethsémani et le Golgotha ; mettre nos pas dans les pas du Christ... Il s'agit dans une contemplation active d'entrer dans l'amour de Dieu pour le monde manifesté en son Fils, Jésus. Et une telle démarche n'a de sens que dans la perspective de la Résurrection. Jésus souffre sa Passion et ressuscite au troisième jour, c'est l'ensemble du mystère pascal qu'il nous faut considérer. Suivre le Chemin de Croix c'est se laisser toucher physiquement et spirituellement sous trois aspects : la marche, la méditation et l'intercession.
La marche
Marcher, c'est épouser pas à pas les sentiments du Christ, creuser la route avec lui, de station en station. Au déplacement physique correspond un déplacement intérieur. En suivant le Christ sur le Chemin de sa Passion, nous entrons plus profondément dans notre condition de disciple. La situation particulière que nous vivons cette année, ne nous permettra pas de vivre cet exercice de la marche. Nous serons inviter par nos pasteurs à une date ultérieure à vivre physiquement le Chemin de Croix, autour de la fête de l'Exaltation de la Croix, le 14 septembre, par exemple. C'est pourquoi le deuxième aspect doit pour nous, cette année, être plus approfondi, celui de la méditation.
La méditation
D'une station à l'autre l'essentiel est d'avoir au cœur et à l'esprit le chemin accompli par Jésus lui-même. Notre chemin avec le Christ doit se nourrir de l'Évangile. Il nous faudra compte-tenu de la situation vivre le Chemin de Croix en ce vendredi saint, la Bible à la main ou nous appuyer sur les commentaires que nous pourrons trouver dans des publications ou grâce aux moyens modernes de communications. Tout au long du Chemin de Croix, la contemplation de Jésus souffrant doit nous amener à la découverte progressive de la miséricorde du Père et à voir dans le visage du Christ, Serviteur souffrant, plus profondément, le Serviteur de l'amour du Père pour l'humanité.
L’intercession
Entrer dans la marche d'un pèlerinage c'est aussi prier les uns pour les autres. À travers la Passion nous souhaitons nous rendre proches de tous ceux qui ont à vivre des situations de souffrance, d'épreuves, la mort ; toutes les vies des hommes et des femmes de ce monde que le Christ, dans son mystère pascal, a remises au Père. En ces temps de crise sanitaire mondiale et de confinement nous prions spécialement pour les défunts qui nous précèdent dans le Royaume, pour les malades, les personnels soignants, ceux qui souffrent de solitude, ceux qui poursuivent leur travail pour que nous ne manquions pas du nécessaire...
« [Christ,] Tu as connu la mort, Tu es ressuscité et Tu reviens encore pour nous sauver ! »
frère Thomas-Marie Gillet
Frère Thomas-Marie Gillet est dominicain de la Province de France. Après une expérience au Pérou, et quelques années au couvent de Lille, en 2021 frère Thomas-Marie vit au couvent de Tours, d'où il continue ses études sur Jean Chrysostome.
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