4. Vatican : pourquoi un État ?
Bienvenue à Rome, la ‘cité éternelle’ ! C'est ici qu'habite le pape, le Souverain Pontife de l’Eglise Catholique.
Voix off : « Sr. Federica, mais le pape habite-t-il à Rome ou au Vatican ? »
« Oui, justement, au Vatican ». C'est ici qu'arrivent les nouvelles et les problèmes des Églises du monde entier...
Voix off : « Désolée Sr. Federica, mais ces trucs arrivent-ils à Rome ou au Saint-Siège ? »
« Au Saint-Siège, merci !
Voix off : « Mais non, tu as raison, c'est à Rome parce qu'on dit que le pape est l'évêque de Rome. »
Ok ! On recommence... Bienvenue à Rome, ‘le grand embouteillage de l'église’... Venez, on y va déboucher les malentendus !
Pourquoi l’évêque de Rome a-t-il un rôle particulier dans l’Eglise ?
Les premiers fidèles de Rome sont soutenus par la présence des apôtres Pierre et Paul, qui arrivent jusqu'ici pour annoncer, enseigner et témoigner de l'évangile jusqu'au martyre.
En l'apôtre Pierre, l'Église naissante reconnaît son premier pape et la communauté croyante de Rome son premier évêque. Pierre est le Vicaire du Christ et le Chef des apôtres, par mandat reçu de Jésus lui-même : « Sois le berger de mes brebis ! » (Jean 21 : 15-17). Le lien entre Rome et tout successeur légitime de Pierre est très fort et ainsi l'Église de Rome devient bientôt une référence pour les autres communautés chrétiennes.
La primauté du siège romain s’affirme ensuite, au fil du temps, surtout dans le but de combattre les hérésies des premiers siècles et de sauvegarder la foi. Saint Irénée de Lyon (130-202), a été parmi les premiers pères de l'église à affirmer que « avec cette Église [= celle de Rome], doit nécessairement s’accorder toute église », car en elle a été conservée la Tradition qui remonte aux apôtres Pierre et Paul (Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Livre III,3.2).
Le pape est donc d'abord l'évêque du diocèse de Rome. Et avant d'être élu pape, il est à tout égard un évêque comme les autres évêques.
Qu'est-ce que le Saint-Siège ?
Le Saint-Siège ou Siège Apostolique, c’est le Siège épiscopal de saint Pierre : en pratique, c’est le Pape et ses organes de gouvernance pastorale de l'Eglise.
Le Saint-Siège est reconnu comme un sujet de droit international, qui entretient des relations diplomatiques avec plus de 180 États et beaucoup d’organisations internationales (parmi elles, l’UE, l’ONU, la FAO, l’UNICEF, l’UNESCO).
Du point de vue institutionnel, le Siège Apostolique a pris, au fil des siècles, les instruments dont le pontife romain se servait dans le gouvernement de l'Église :
le Synode romain, au premier millénaire,
le Collège des Cardinaux, après l'an mille,
les Congrégations, depuis le Concile de Trente (XVI° sec.),
les Conseils Pontificaux, après le Concile Vatican II.
Tous ces organismes constituent ensemble ce que nous appelons la Curie Romaine.
La Curie Romaine est née de la nécessité d'assurer au pape une cour, une suite de collaborateurs illustres, à l'imitation des courtisans des rois.
Alors, aujourd’hui, c’est quoi la Curie Romaine ?
Comme la Curie d’un évêque est l'ensemble des collaborateurs qui l'aident à gouverner le diocèse, ainsi la Curie Romaine est pour le pape l’ensemble des organismes qui l’aident à accomplir sa mission de Pasteur de l'Eglise universelle.
Ces organismes sont appelés "dicastères" et, un peu comme des ministères, chacun s’occupe d'un domaine particulier de l'Église, par exemple :
- l'évangélisation,
- la doctrine de la foi,
- la vie des laïcs, du clergé, des consacrés,
- la liturgie,
- la justice,
- l'économie,
- la charité,
- le développement humain,
- la culture,
- le dialogue interreligieux,
- la communication sociale...
Tous les dicastères sont juridiquement égaux entre eux et sont coordonnés par un chef de dicastère, un secrétaire et au moins un sous-secrétaire ou un secrétaire adjoint. Mais, parmi les dicastères, la Secrétairerie d'État a cependant une place éminente car, en plus d'être le secrétariat personnel du pape, elle est aussi l’organisme chargé des relations avec le monde entier, et son chef (le Secrétaire d'État) équivaut au Ministre des Affaires Étrangères.
On dit que « l'histoire de la Curie Romaine est aussi l'histoire de son éternelle réforme » (Curia romana semper reformanda). C’est vrai ! Aujourd'hui, la Curie Romaine traverse une nouvelle et importante phase d’adaptation. Cette réforme est un grand défi, une œuvre qui ne finira jamais, une mission visant à ce que l'Église puisse être de mieux en mieux insérée institutionnellement dans la société, mais spirituellement attentive au service de l'Évangile.
Pourquoi le Vatican est-il un Etat ?
L'étudiant en droit canonique apprend dès le premier jour de classe qu'il y a deux mots interdits dans son vocabulaire juridique : « Rome » et « le Vatican ». Ce ne sont pas de ‘mauvais’ mots, mais ce sont des mots ‘incomplets’ qui doivent être précisés pour prendre le bon sens.
Pour comprendre ce qu'est le Vatican aujourd’hui, il faut remonter au VIIIe siècle, à la naissance de l'État Pontifical, grâce à Charlemagne, ou plutôt à son père, Pépin le Bref. Pépin renverse le dernier roi mérovingien, mais pour être un roi légitime, il a besoin du soutien du pape. De son côté le pape Etienne II est menacé par les Lombards ; il a besoin de la protection du roi des Francs. Résultat : le pape consacre Pépin roi des Francs, et Pépin donne au pape les territoires centraux de la péninsule italienne. L'État Pontifical est né, le pouvoir temporel de l'Église commence (en l’an 752).
Cet état va durer environ 1000 ans. Lorsque les populations italiques souhaitent se réunir en un seul état, l'État Pontifical devient une barrière à combattre et à démanteler. C’est le Risorgimento, avec ses guerres pour l’unité de l’Italie. Résultat : Rome est conquise, l'État pontifical est dissout, le pouvoir temporel de l'Église est fini (en 1870).
Presque 60 ans plus tard, par la signature du Traité du Latran, le roi d'Italie accorde au pape le Vatican, c’est-à-dire une colline de Rome, située sur la rive droite du Tibre. Ainsi naît, au cœur de la capitale de l'Italie, un nouvel État effectivement reconnu au niveau international : le 7 juin 1929, l'État de la Cité du Vatican est né.
En résumé, l’Etat du Vatican, c’est l’enveloppe juridique et territoriale créée pour garantir au pape à la tête du Saint-Siège l'indépendance nécessaire à la poursuite de sa mission de Souverain Pontife de l’Église Catholique. C’est pour cela que le pape est un Chef d'État.
Concrètement, l'État de la Cité du Vatican, qu’est-ce que c’est ?
Allons regarder de plus près !
Regardez : ici, je suis Via della Conciliazione, à Rome ; et ici je suis Piazza San Pietro, à la Cité du Vatican. Me voici en Italie ; et me voilà à l'étranger.
Ceci est rendu possible par le Traité du Latran qui reconnaît l'État de la Cité du Vatican, avec une superficie de 0,49 km2 et une population de moins de 500 habitants : c’est le plus petit État du monde!
Ce Traité établit les critères de compétence concernant la collaboration entre les forces de police respectives, l'utilisation de l'espace aérien au-dessus, la fourniture des services d'eau, de téléphone, de poste, de chemin de fer vers la Cité du Vatican.
L'État de la Cité du Vatican est sans doute unique en son genre. Du point de vue constitutionnel, il s’agit d’une monarchie théocratique absolue, créée pour poursuivre des buts non pas politiques mais religieux.
Mais pour être reconnu comme un État, il faut aussi qu'il se comporte un peu comme un État. Saviez-vous, par exemple, que l’Etat de la Cité du Vatican a :
- son propre drapeau ;
- son hymne national, composé par Charles Gounod ;
- son propre système de tribunaux, à ne pas confondre avec les Tribunaux Apostoliques de l'Église ;
- une plaque d’immatriculation spéciale ;
- des propres timbres ;
- des musées ;
- un service national de radio-télévision et un quotidien officiel ;
- un institut financier, une pharmacie ;
- un observatoire astronomique ;
- deux forces armées (la Garde Suisse Pontificale et la Gendarmerie de l’ECV)
- et un corps de sapeurs-pompiers.
Comment le pape peut-il superviser tout cela et en même temps accomplir sa mission de pasteur de l’Eglise universelle et de Chef de l'Église ?
Eh bien, tout le monde ne sait pas qu'à côté de la Curie Romaine il existe un autre organisme très important, qui agit au nom du pape pour la réalisation de toutes les affaires internes et administratives de la Cité du Vatican ; c’est une sorte de super-ministère-tout compris qui s'appelle Gouvernorat de l'État de la Cité du Vatican.
En conclusion le pape est à la fois un évêque diocésain, un chef religieux, un chef d'État. Et maintenant on peut mieux comprendre pourquoi il nous répète tous les jours de prier pour lui…
Soeur Federica Casaburi
Soeur Federica était avocate avant d'être dominicaine de la Congrégation Romaine de Saint Dominique. En 2021, elle vit au couvent de Poitiers.
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