10. La liturgie byzantine raconte Noël
Savez-vous ce que signifie l'Emmanuel. Emmanuel signifie « Dieu est avec nous ». C'est un nom que l'on entend souvent dans la préparation à la fête de Noël, dans le temps de l'avent, puisque c'est souvent sous ce nom que l'on invoque le Christ que l'on attend. Eh bien ici, vous êtes au monastère de l'Emmanuel à Bethléem, un monastère de rite grec-catholique byzantin.
Catholique de rite orthodoxe et arabe ?
Peut-être ne savez-vous pas ce que ce que signifie le terme grec-catholique ? Alors pour faire simple, c'est la partie orientale de l'Église catholique. Donc nos prières sont comme celles de nos frères orthodoxes. Nous chantons de la même manière. Nos traditions sont les mêmes. Et nous les représentons en quelque sorte dans l'Église catholique, en apportant toute cette richesse de l'Orient dans la grande église catholique latine. On nous nomme aujourd'hui les églises orientales.
Parmi ces Églises orientales il y a des églises de tous les rites orthodoxes d'origine. Vous avez des Arméniens catholiques, des Éthiopiens catholiques, des Syriens catholiques. Et nous, nous sommes la branche issue du monde grec. Et c'est pour cela que on nous appelle les Grecs catholiques.
On a en plus une petite particularité. C'est que nous sommes ici en Terre Sainte, de langue arabe. Donc on a en plus le titre de melkite, qui désigne proprement les fidèles de l'église grecque-catholique de langue arabe.
Noël byzantin
Dans l'église byzantine, le cycle de Noël culmine dans la fête du 6 janvier, qui est la fête des saintes théophanies du Seigneur, où l'on célèbre sa nativité dans la chair, sa manifestation dans le Jourdain comme le fils du Père dans l'Esprit et sa manifestation comme Messie lors de son premier miracle aux Noces de Cana.
Cet usage de l'Eglise ancienne de célébrer donc la fête de Noël avec les saintes Théophanies le 6 janvier, s'est perdu petit à petit. Et dans l’ église occidentale on a distingué ces deux fêtes de la Nativité du Seigneur et du baptême du Christ. On les a mises à des dates différentes. La fête de Noël, la fête de la Nativité a été déplacée au 25 décembre, qui était aussi la fête du solstice d'hiver. C'était une manière de christianiser une fête païenne et en même temps de donner une importance nouvelle à ce grand mystère de la Nativité du Seigneur, en prenant un temps liturgique pour ces deux fêtes.
On voit que du vivant de saint Jean Chrysostome, cet usage est déjà bien établi. Donc on parle du IVe siècle.
Prier avec la liturgie, le sens du mystère
Ce qui me touche le plus dans cette poésie liturgique byzantine, c'est la manière dont elle nous force à l'étonnement. Elle ne cherche pas à nous expliquer le mystère d'une manière cartésienne mais elle va plutôt utiliser des contraires, une poésie qui va mettre en lumière la chose extraordinaire que nous sommes appelés à contempler.
Par exemple, la Vierge va devenir le trône des chérubins. Le sein fini de la Vierge va devenir la demeure de l'Infini. La Terre va accueillir en une grotte le Dieu trop grand pour notre entendement. Les Mages qui sont des adorateurs des astres, des adorateurs païens, vont être guidés vers le Christ par une étoile qui vient du ciel.
Passé et présent
L'Office byzantin de Noël, loin d'être la mémoire d'un événement historique est comme une actualisation du mystère.
Donc nous sommes appelés à revivre ce qu'ont vécu tous les personnages, toutes les personnes qui ont été impliquées dans ce mystère, dans la réalisation de cet événement du salut. Et nous allons entendre, nous, fidèles, le questionnement de la Vierge Marie, le questionnement des anges, le questionnement des mages devant le mystère.
Voici par exemple un extrait de notre office : « Pourquoi Marie te frappe d'étonnement ce qui se produit au fond de toi ? », et Marie répond : « C'est que j'enfante dans le temps un fils intemporel, sans que la conception de l'Enfant m'ait été enseignée. Etant vierge, comment puis-je avoir un fils ? Qui vit jamais virginale conception ? » et cette conclusion qui arrive, qui est une conclusion qui n'explique rien, une conclusion de foi, un cri de foi : « Mais lorsque Dieu le veut ainsi, l'ordre naturel est vaincu ! c'est écrit, le Christ né de la Vierge à Bethléem de Judée. »
Prier avec la Création
Dans cette poésie de l'office byzantin, la Création toute entière est interpellée et nous entraîne dans ce mouvement d'adoration vers le Christ qui vient de naître dans la grotte de Bethléem. C'est pourquoi il va interpeller tous les éléments de la Création.
La grotte de Bethléem va être comme personnifiée. On lui dit : « Prépare-toi, car voici qu'arrive la brebis qui porte en ses entrailles le Christ. » La crèche aussi doit se préparer : « Crèche, accueille celui dont le verbe nous délivre, nous mortels de nos œuvres sans verbe ni raison. » C'est comme si nous, les humains, nous étions enseignés, nous étions évangélisés par toute la Création, qui elle célèbre déjà le Christ qui est venu dans la chair, et qui est déjà dans la compréhension du mystère.
Prier avec la fresque de la Nativité
Je vais vous expliquer un petit peu plus particulièrement la fresque de la Nativité, qui va se trouver comme en écho, juste en face de la fresque de la Résurrection. Et si je souligne ces deux pôles, c'est que beaucoup d'éléments vont se retrouver de part et d'autre, et ça a une grande signification, parce que ça nous dit que lorsque les fresques ou l'office byzantin nous expliquent un mystère, ils nous l'expliquent toujours de manière holistique, c'est-à-dire d'une manière globale. Dans la fresque de la Nativité va être aussi intégrée la préfiguration de la mort du Christ et de sa Résurrection pour notre Salut.
Alors, il faut comprendre qu’une fresque, une icône n'est pas une photo. En fait elle nous raconte toute l'histoire du Mystère sans nous l'expliquer, mais tous les personnages sont là. Ils sont comme rassemblés en un seul instant.
On va s'attacher à la scène du milieu, qui est proprement la scène de la Nativité. Vous pouvez voir que l'enfant Jésus est enveloppé de langes. Et il est déposé dans une crèche, qui est un peu étrange. Elle a plus l'aspect d'un tombeau. Cette crèche est mise dans une grotte profonde, elle rappelle un peu la grotte des enfers que le Seigneur va briser. Les enfers, au pluriel, c'est le lieu où se trouvaient les justes, dans l'attente de la Résurrection du Seigneur, dans l'attente du salut. Et donc cette grotte sur laquelle Jésus est désormais tout-puissant, le Christ est venu descendre, pour descendre dans nos ténèbres pour nous ramener à la lumière.
La Vierge offre son enfant au monde. Et puis vous voyez que le doute de Joseph est aussi représenté. Cela c'est un chic aussi de la tradition byzantine, de ne pas effacer les moments de doute. De même qu'on va parler énormément du doute de Thomas au lendemain de la résurrection du Christ, on va parler du doute de Joseph dans le mystère de la Nativité. Nos doutes sont inclus dans cette histoire sainte.
Alors vous voyez que ces rayons qui descendent sur l'Enfant Jésus, avec l'étoile au bout, sont trines, c'est-à-dire qu’il y a trois rayons. Et ça rappelle évidemment la Trinité, que le Fils de Dieu est en même temps l'un de la Trinité, donc sa divinité est extrêmement prononcée. Et pour insister aussi sur son humanité puisqu'il est vrai Dieu et vrai homme en une seule personne, on va inclure dans cette grande fresque de la Nativité le premier bain de l'Enfant Jésus. C'est une manière de dire, voilà cet enfant qui est tout divin, il est en même temps pleinement de notre chair.
Mère Marthe, de Bethléem
Mère Marthe est bénédictine melkite, supérieure du monastère de l'Emmanuel à Bethléem.
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