9. L’Église contemporaine
Nous avons laissé l’Église au siècle des Lumières entrant timidement dans la modernité avec le regret de la chrétienté unie derrière le souverain pontife. On a vu que sa prétention à l’universalité, mise en échec par le passage au protestantisme de nombreux états, trouva à se déployer dans l’ardeur missionnaire en dehors de l’Europe. Si l’Église grandit par les missions au loin, elle semble en revanche se rétrécir encore en Europe. Les Lumières cantonnèrent la religion dans les limites de la raison et s’attaquèrent aux superstitions. Ce faisant, elles accélérèrent la sécularisation de la société, c’est-à-dire son éloignement de la religion et même de la foi.
La Révolution
Ce n’était pourtant qu’une entrée en matière par rapport à la tornade révolutionnaire qui s’abattit sur l’Église à partir de 1789, non seulement en France, mais dans toute l’Europe. On assista à une tentative de mettre l’Église sous tutelle, notamment pour lui arracher ses privilèges et ses biens, mais aussi pour la reconfigurer selon des principes rationnels. On vit la promotion ouverte d’une religion naturelle et dans le droit fil de la déclaration d’indépendance américaine, la Déclaration des droits de l’Homme posa la liberté de conscience comme un droit qu’on dirait aujourd’hui fondamental. On sort donc brutalement du mythe de l’unité religieuse d’un état. Cela permit par ailleurs à nombre de catholiques d’Allemagne, de Hollande et même d’Angleterre d’obtenir des libertés en pays protestants.
Résiliences de l’Église
La suppression des vœux religieux témoigne en revanche d’une mécompréhension de certaines réalités spirituelles par les législateurs de 1790 et d’une incompréhension qui va aller grandissante entre l’Église et cette société en voie de sécularisation. On va avoir au sein de l’Église même des approches très diverses du rapport au monde : certains vont développer une pensée contre-révolutionnaire à l’image de Joseph de Maistre au début du XIXe s, mais d’autres vont tracer un sillon libéral illustré par Henri-Dominique Lacordaire. A la tête de l’Église, des papes antilibéraux comme Grégoire XVI alternent avec des papes, plus au fait des évolutions du monde comme Léon XIII. Dans la seconde moitié du XXe°s, on voit des traditionalistes côtoyer des charismatiques ou des catholiques à la fibre plus sociale et libérale.
Quelle place pour l’Église dans la société ?
L’un des grands enjeux des deux derniers siècles fut de conserver ou de promouvoir la place de l’Église catholique dans des états sécularisés, parfois anticléricaux comme l’Italie de la fin du XIX° siècle ou la République française du début du XX° siècle, voire totalitaires comme l’Allemagne nazie ou les états du bloc soviétique. Cette situation nouvelle favorisa sans doute l’émergence de laïcs engagés notamment grâce à « l’action catholique » mais aussi par l’émergence d’instituts qui leur furent destinés comme l’opus Dei ou plus récemment encore la communauté de l’Emmanuel. La pression sur les catholiques vira parfois à la persécution comme en France sous la Révolution, au Méxique, en Espagne et en Allemagne dans les années 30. La place même du Souverain Pontife dans le concert des nations est profondément renouvelée par la perte de ses états en 1870 ; loin de l’affaiblir, il en tira un prestige moral inégalé.
Le rôle des papes
Ce prestige est d’autant plus fort que les interventions des papes se sont resserrées sur des affaires dépendantes de son pouvoir spirituel : tant par des discours ou des visites que par des lettres dites « encycliques », les souverains pontifes abordent des questions qui sont soit directement de foi comme la proclamation de l’Immaculée Conception de Marie en 1854, soit des points sur laquelle la foi peut apporter son éclairage comme les questions sociales abordées notamment par Rerum Novarumen 1891, les totalitarismes par Mit brennender Sorge en 1937, la morale sexuelle par une série d’encycliques dans la lignée d’Humanae Vitae parue en 1968… Ils purent encore se soucier de préoccupations politiques comme la promotion de la paix entre les états, notamment lors des deux guerres mondiales, ou entre les religions, notamment par les rencontres tenues régulièrement à Assise depuis 1986.
La mondialisation de l’Église
La croissance de l’Église tant en Amérique du Nord, qu’en Afrique, Australie ou en Extrême Orient depuis la fin du XVIII°s l’oblige à prendre un certain recul avec les préoccupations strictement européennes d’autant qu’elle permit une certaine adaptation aux cultures locales. Par ailleurs consciente d’être entendue et regardée au-delà de ses limites, l’Église prit soin, d’une part de s’adresser non seulement aux catholiques, mais aussi à tous les hommes de bonne volonté, notamment au concile Vatican II, d’autre part de chercher à résorber les causes de scandales, à commencer par la division des chrétiens en accompagnant le mouvement dit « œcuménique » de rapprochement des églises séparées, mais aussi en prenant une option pour les pauvres comme le firent les évêques d’Amérique du Sud à la conférence de Medellin en 1968, ou plus récemment en tachant de lutter contre les abus sexuels. D’aucuns trouvèrent cela trop timide, mais certains appels teintés de marxisme ou de relativisme remettait en cause des données fondamentales de la foi.
Globalement le peuple de Dieu a suivi, et tandis qu’on annonce régulièrement la mort de l’Église catholique, des foules se réunissent encore, attirées par des apparitions comme à Lourdes, ou plus récemment par tel ou tel voyage apostolique du saint Père.
Vous l’aurez compris ce parcours à travers 20 siècles de l’Église nous la montre telle qu’elle est avec toutes ses imperfections qui font que nous croyons que l’Église est une sainte, catholique et apostolique, mais que nous ne le voyons pas encore ! Si Dieu veut nous la verrons au Ciel, purifiée, « toute resplendissante sans tache ni ride, ni rien de tel, mais sainte et immaculée. »
frère Maxime Arcelin
Le frère Maxime Arcelin est dominicain de la Province de Toulouse. Il est spécialisé en histoire de l'Eglise. En 2021, il réside au couvent de la Sainte-Baume. En 2019, il a publié le livret ThéoDom "Histoire(s) d’Église", aux éditions du Cerf.
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