4. Le chrétien doit croire ou agir ?
On a déjà mentionné que la théologie dogmatique porte sur ce que nous devons croire, plutôt que sur ce que nous devons faire. Est-ce que cela implique une opposition entre la théologie dogmatique et la théologie morale, ou entre l’orthopraxie (l’agir droit) et l’orthodoxie (la droite opinion ou la vraie croyance) ?
L’orthopraxie contre l’orthodoxie
Blanc – Dieu, s’il existe, est loin de nous, et inconnaissable. Connaître Dieu et parler de lui, c’est peut-être un bon projet de vie pour des philosophes, des mystiques, des moines… Mais pour les humains ordinaires, le challenge quotidien est d’agir d’une manière juste, compatissante, sincère et altruiste, et les dogmes n’aident point avec tout ça.
Noir – Oui, en soi, Dieu est inconnaissable. Notre intelligence et notre langage sont faits sur mesure pour comprendre et parler des choses de ce monde. Comprendre et parler du Dieu transcendant serait « mission impossible », si nous devions faire ça tout seul. Mais… Dieu s’est révélé à nous. C’est la révélation, surtout la révélation dans les paroles et les gestes de Jésus Christ, qui fonde notre connaissance de Dieu et notre discours sur lui. Même si Dieu reste beaucoup trop grand pour être compris par nos petits esprits, nous pouvons affirmer des vérités sur lui, grâce à la révélation. Quand un chrétien récite le Crédo, il n’invente pas des idées sur une divinité vague, il ne se base même pas sur sa propre recherche de Dieu, mais il monte avec assurance sur une échelle que Dieu a descendu.
Blanc – D’accord, mais l’enseignement de Jésus porte sur les questions morales : il faut aimer son prochain et ses ennemis, il ne faut pas être hypocrite, comme les pharisiens, il ne faut pas servir l’argent, il faut être chaste, il faut prier d’une manière sincère etc. Tout ça, c’est l’orthopraxie. Si tu veux vraiment répondre à la révélation faite en Jésus Christ, il faut tout simplement suivre ces instructions morales. Peu importe les idées dans ta tête.
Noir – Oui, en effet, l’enseignement de Jésus a beaucoup insisté sur la morale, mais on ne peut vraiment pas y réduire tout son enseignement. Il a beaucoup enseigné sur l’identité et les qualités de son Père. Il a donné des enseignements aussi sur lui-même, la Voie, la Vérité, et la Vie, et sur son Esprit. Il a enseigné sur le baptême et l’Eucharistie. Et, après la Résurrection, quand il est apparu aux deux disciples sur la route d’ Emmaüs, il ne leur a pas donné des indications morales, mais il a lu l’Ancien Testament avec eux, « en expliquant dans toutes les Ecritures ce qui le concernait ». C’est-à-dire, il a fait un peu de théologie dogmatique et il les a mis sur la voie de l’orthodoxie, une orthodoxie qui va produire, bien sûr, des fruits au niveau de l’action aussi. En tant qu’hommes, composés de matière et d’esprit, nous ne pouvons pas séparer nos pensées des actions que nous posons, et l’enseignement de Jésus implique l’intégralité de l’homme.
Blanc – Bon, mais ce sont nos actions qui sont visées par Dieu, quand il se révèle à nous, n’est-ce pas ? Il veut que nous devenions saints et les saints, c’est ceux qui posent de bonnes actions : Mère Thérèsa, saint Vincent de Paul etc ?
Noir – Oui, c’est vrai, mais comme vous savez grâce au cinéma, nous avons tous une « final destination », la mort. Les bonnes actions que nous posons dans cette vie, avec l’aide de la grâce, sont une manière de nous sculpter et transformer, pour que nous soyons prêts, à la fin de cette vie, à voir Dieu face à face. « Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure », c’est la foi, « mais alors nous verrons face à face » (1 Corinthiens 13, 12). C’est ça le vrai but de Dieu pour nous : le voir et le connaître clairement, une vision et une connaissance qui inclut tout bien, tout amour, tout plaisir, toute joie imaginable. L’orthopraxie nous amène à cette vision, mais cette vision elle-même est l’aboutissement de l’orthodoxie.
Dans notre destination finale, il n’y aura ni théologie morale, ni théologie dogmatique, mais dans l’entretemps, il faut les deux.
frère Conor McDonagh
Le frère Conor McDonagh, dominicain de la province d'Irlande est titulaire d'un Master de théologie de l'Université de Fribourg (Suisse). Il y prépare une licence canonique. Il est spécialisé en théologie dogmatique. En 2021, il enseigne la théologie dogmatique au studium de Dublin.
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