8. La procédure de nullité du mariage
Chaque année dans le monde environ 35000 couples voient leur mariage reconnu nul par l’église catholique. Cette reconnaissance a lieu au terme d'une procédure appelée procès canonique en nullité de mariage.
Des mots qui ne sonne pas très romantiques pas très spirituels et qui semble assez éloigné de ce que nous connaissons habituellement de l'Église. Prenez le mot « procès » pourquoi une instance d'église proposerait tel un « procès » à ses fidèles. Prenez le mot nullité de mariage ? L'Église déclarait t-elle nul ce qu'un couple a vécu pendant sa vie commune ?
Un petit point s'impose donc pour savoir comment se passe concrètement un procès canonique en nullité de mariage et découvrir, de ce fait, tout un aspect de la vie de l'église souvent méconnu.
Déjà, il faut le rappeler. L’église ne dissout jamais un mariage, un mariage sacramentel et consommé, dans le sens où elle déclarerait que ce qui a été vécu par un couple n'a pas de sens où est entièrement pourri. Elle peut en revanche déclarer nul, pour diverses raisons que le frère Albert a développé dans cette vidéo, un mariage, même célébré plusieurs années auparavant. Ici on va se pencher sur la manière dont les choses se passent concrètement quand un procès canonique en nullité de mariage est lancé.
Il y a généralement quatre étapes :
Le premier entretien
Dans la première un couple ou un des membres du couple qui doute de la validité de son mariage peut se présenter à son curé, à un prêtre, ou à une personne qu'il connaît dans l'église. Il présente les éléments qui lui font dire que son mariage n'est pas valide. Cet entretien n'est pas une enquête de police mais un accompagnement qui peut permettre aux personnes d'exprimer les difficultés qu'elles rencontrent et de voir s'il y a lieu ou non d'aller jusqu'à demander une déclaration de nullité de mariage. Eventuellement, une procédure de déclaration en nullité de mariage peut être engagée.
La rédaction d’une demande
Un des membres du couple peu dans une seconde étape rédiger un document dans lequel il va détailler les raisons qui le poussent à faire cette demande, il l'adresse alors au diocèse dans lequel ils résident ou au diocèse dans lequel son mariage a été célébré.
Dans une troisième étape, cette demande va être examiné par le diocèse. Différentes personnes vont alors entrer en scène. Il y a tout d'abord le juge. Le juge, dans un diocèse, c'est tout simplement l’évêque. Mais l’évêque confie la tâche de juger à un prêtre expérimenté et spécialisé dans le droit de l'église. Ce prêtre, on l'appelle le vicaire judiciaire ou encore l’official du diocèse. C’est ce vicaire judiciaire qui va décider, recevant la demande rédigée, d'ouvrir ou de pas ouvrir la cause de nullité.
S'il décide de l'ouvrir il en avertira la personne qui en a fait la demande, ainsi qu'un second acteur qu'on appelle le défenseur du lien. Le défenseur du lien peut-être un laïc où un prêtre spécialisé en droit canonique. Comme son nom l'indique, son rôle est de défendre la validité du mariage et de présenter tout ce qui, dans le cas du couple qui lui est présenté, s'oppose au fait que le mariage soit déclaré nul. Ni le prêtre chargé par l'évêque d'être son vicaire judiciaire, ni le défenseur du lien ne sont pas là pour compliquer la vie des couples. Mais ils sont là pour rappeler l'importance de l'engagement pris, tout en tenant compte de la situation concrète dans laquelle se trouvent les personnes. Ainsi le défenseur du lien veille à ce que rien ne remette en cause le sérieux de l'engagement pris lors du mariage et que les personnes se situent en vérité par rapport à l'engagement qu'elles ont pris et qui ne peut être traité à la légère. Le prêtre qui est vicaire judiciaire n'applique pas automatiquement un règlement mais il est là pour regarder dans chaque cas singulier ce qui a été vécu par le couple ou par la personne qui se présente à lui. C'est bien une démarche de miséricorde proposée par l'église. D'ailleurs c'est en fonction des situations à chaque fois différentes que le vicaire judiciaire décide d'ouvrir ou de ne pas ouvrir un procès proprement dit.
Le procès, la forme brève
S'il décide d'ouvrir le procès, il doit aussi choisir en fonction de la situation du couple, si le procès sera de forme brève ou de forme ordinaire. La possibilité du procès bref a été introduite récemment par le pape François dans sa lettre Mitis Iudex Dominus Jesus entrée en vigueur en 2015. Ils cherchent à traiter des situations où les époux sont tous les deux d'accord pour faire une demande de nullité de mariage et où ils sont tous les deux d'accord sur les éléments qui peuvent conduire à considérer leur mariage nul. C'est une procédure qui est appelée brève car elle dure quelques mois seulement, de quatre à six mois en fonction des diocèses. Les époux présentent des preuves des documents qui vont dans le sens de la nullité ils peuvent être aidés d'un avocat spécialisé en droit canonique qui les assistent sur les questions techniques. L'évêque prend ensuite connaissance de la demande formulée par écrit, des documents présentés, des remarques du défenseur du lien et décident de reconnaître ou non le mariage nul.
Le procès ordinaire
Le procès ordinaire est plus long. Dans ce cas, le tribunal est composé de trois juges, dont certains peuvent être des laïcs choisis par l'évêque. Des documents et des témoignages sont rassemblés comme dans le cas du procès bref, le défenseur du lien intervient aussi et chacun des époux peut-être aidé et assisté par un avocat. L'ensemble des discussions se fait par écrit.
Le collège des trois juges rang alors sa décision. Et cette décision, il faut bien avoir en tête qu'elle n'est pas un jugement sur les personnes ou sur ce qu'elles ont vécu pendant le temps où elles ont été mariées. C'est le lien du mariage qui est déclaré nul ou non pas les personnes ou ce qu'elles ont vécu. Une fois ce jugement rendu il est toujours possible de faire appel un autre tribunal en particulier à Rome auprès du tribunal de la rote romaine ou en dernière instance au tribunal suprême de la signature apostolique.
Le coût
Point important. Si une participation financière peut être demandée pour aider le tribunal diocésain à subvenir à ses besoins, l'argent ne doit jamais empêcher quelqu'un de faire appel à ce service d'église.
Amour et vérité
Je voudrais terminer en vous citant le témoignage de prêtres et de laïcs travaillant à cette mission peu connue des autres chrétiens. Tous soulignent combien ces procédures de demandes de nullité sont des moments où les personnes sont reçues dans une situation difficile pour elle et que loin de les humilier ces procédures les aident à se reconstruire. Même quand elles n'obtiennent pas la reconnaissance de nullité, souvent les personnes disent combien cette démarche les a aidé.
Tous ces éléments peuvent paraître très technique voire un peu froid certains diraient qu'ils sont bien éloignés de l'évangile mais il montre combien le mariage est quelque chose de sérieux, quelque chose de grand pour l'église. Il montre en même temps que l'église n'est pas indifférente à la vie concrète des personnes, aux difficultés qu'elles peuvent rencontrer, aux situations singulières qu'elles vivent. L'église cherche à les accompagner avec amour et vérité. Amour et vérité, en régime chrétiens n'étant jamais séparés l'un de l'autre.
Frère Jacques-Benoît Rauscher
Frère Jacques-Benoît Rauscher enseigne la théologie morale et l'éthique sociale à l'Université de Fribourg en Suisse. Avant d'entrer dans l'Ordre dominicain, il était professeur de Sciences Économiques et Sociales et participait à une équipe de recherche en sociologique (Sciences Po/ CNRS). Il a récemment publié quelques ouvrages : L’Église catholique est-elle anticapitaliste ? (Presses de Sciences Po, 2019) - Des enseignants d'élite ? Sociologie des professeurs de classes préparatoires (Cerf, 2019) - Découvrez la doctrine sociale de l’Église avant d'aller voter (Cerf, 2022).
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