2. Pour connaître Dieu, la Bible ou la science ?
Blanc : « Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible » (Romains 1, 19).
Voir avec l’intelligence, le monde qui nous entoure, les œuvres de Dieu, pour discerner ce qui est invisible ! Voilà qui devrait motiver tout scientifique ! C’est bien le signe que la science peut nous apprendre des choses sur Dieu ! Mais Saint Paul dit aussi :
« Ces soi-disant sages sont devenus fous. (...) Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge ; ils ont vénéré la création et lui ont rendu un culte plutôt qu’à son Créateur, lui qui est béni éternellement » (Romains 1, 22.25).
Par trop vouloir comprendre Dieu par sa création, le risque est de vénérer la création, plutôt que Dieu ! Dieu nous a tout dit en son Fils Jésus qui est la Vérité.
Science et bible, que nous apprennent-elles sur Dieu ?
Noir : La Bible est parole de Dieu. Certes, mais laisse-moi te rappeler que la parole de Dieu est parfois mal comprise.
L’affaire Galilée
Tu oublies sans doute l’affaire Galilée ! Ce pauvre scientifique du XVIIe siècle condamné par l’Église parce qu’il disait que la terre tournait autour du soleil et non l’inverse. (En fait c’est plus compliqué) Il apparaissait contradictoire de supposer un mouvement de la Terre alors que : « Josué a commandé au Soleil et non à la Terre de s’arrêter » (Josué 10, 12-13) C’est donc le soleil qui est en mouvement autour de la terre d’après la Bible. Heureusement que le pape Jean-Paul II en 1992 a réhabilité Galilée. Tu vois bien que l’Église peut se tromper et que la science peut corriger la foi !
Blanc : Justement, dans l’affaire Galilée, il ne s’agissait pas d’opposer la science et la foi. Galilée est arrivé au moment d’une révolution scientifique. Pendant des siècles, on a considéré comme acquis le système géocentrique de Ptolémée. Voilà que Copernic propose un nouveau système avec une terre en mouvement autour du soleil. Ce qui était débattu, c’étaient deux visions scientifiques du monde. C’est le propre de la science d’évoluer et de proposer des nouveaux modèles le plus proche possible de l’observation. Il est vrai que l’affaire Galilée a permis de prendre de la distance par rapport à une lecture littérale du texte biblique et surtout d’en faire un traité d’astronomie. La foi reconnaît simplement que l’homme est au centre du projet de Dieu pour l’univers, et ça c’est une vérité éternelle, indépendante de la science !
Noir : L’Eglise a quand même reconnu son erreur !
Vision du monde et vision de Dieu
Blanc : Le problème au moment de l’affaire Galilée, c’est que l’Église avait trop lié le contenu de la foi à un modèle scientifique, désormais obsolète. Et elle ne voyait pas que la vision moderne du monde proposée par Galilée est tout à fait compatible avec la foi affirmée à partir de la Parole de Dieu ! L’homme peut très bien être dans un coin d’un univers complexe sur une terre en mouvement et pourtant être appelé à l’amour de dieu…
Noir : Il a bien fallu les découvertes scientifiques pour le comprendre. Et ce n’est pas fini ! La science dit encore beaucoup de choses sur la place de l’homme dans la nature, sa constitution, son histoire. Par exemple, la science montre bien que l’homme a un lien profond avec l’animal, qu’il n’est pas si différent du reste de la création. Il faut bien que la théologie prenne en compte ce que dit la science. Sinon, à trop penser l’homme en dehors du monde, on court à la catastrophe écologique ! Et surtout, personne ne nous prendra au sérieux ! Déjà Saint Augustin en son temps se lamentait que certains théologiens puissent prêter à rire à cause de leur ignorance en matière de cosmologie ou de science de la nature (cf. Saint Augustin, La Genèse au sens littéral)
L’intelligence mène à Dieu
Blanc : Ce que tu veux dire, et c’est juste, c’est qu’il y a toujours en théologie un travail nécessaire d’approfondissement et d’actualisation de la Parole de Dieu. Le contenu de la foi révélé par Dieu est appelé à se préciser et à s’affiner grâce à la connaissance et à la culture des hommes qui proclament cette foi. Par exemple, pour comprendre ce que veut dire la résurrection de la chair, il faut comprendre ce qu’on entend par chair. Et pour cela, on a besoin d’une analyse philosophique de la nature de l’homme.
Noir : Donc on est d’accord pour dire, avec saint Paul, que Dieu a bien donné à l’homme l’intelligence pour qu’il puisse observer et comprendre le monde et sa complexité et de là remonter à Dieu qui est le créateur du monde.
Blanc : C’est vrai, mais son intelligence doit aussi être éclairée par la Parole de Dieu qui lui révèle des choses inaccessibles par sa seule intelligence, telle que la résurrection par exemple.
Noir : En conclusion, en théologie, on ne peut pas ignorer la science et la connaissance du réel qu’elle apporte. Dieu lui-même est le garant d’un accord entre ce qu’il dit, et ce qu’il laisse percevoir dans l’observation du réel créé par lui. Mais on ne peut pas non plus lier naïvement tel énoncé biblique à tel ou tel énoncé scientifique. Dieu est au-delà du réel et des modèles de la réalité que les hommes construisent à partir de leur observation. Le contenu de la foi dépasse les limites que notre intelligence peut découvrir par elle-même.
frère Jean-Baptiste Régis
Frère Jean-Baptiste Régis a étudié la théologie à Oxford et Strasbourg. En 2021, il réside au couvent de Strasbourg, où il est responsable régionale du pèlerinage du Rosaire. Il est membre du Groupe Albert-le-Grand qui rassemble des dominicain(e)s réfléchissant sur des questions scientifiques et qui publient un célèbre bulletin sur ces questions dans la Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques.
Une question ? Un commentaire ?
Réagissez sur notre forum