6. Le jugement dernier de la cathédrale d’Autun
Parmi les récits bibliques, ceux de l’Apocalypse et du Jugement dernier font figure de vedettes de l’iconographie chrétienne. Dans cette vidéo, découvrez ce que les chrétiens du Moyen-Age croyaient au sujet du purgatoire. L'histoire de l'art est une source remarquable pour la théologie.
Les tympans des cathédrales
Regorgeant de scènes emblématiques, d’évènements catastrophiques et de personnages outranciers, ces textes sont principalement représentés dans des tympans, cette partie en demi-cercle au-dessus de la porte d’entrée. Le choix des scènes représentées dans les tympans varie, même si des images reviennent constamment : avec le Christ en figure centrale, le réveil des morts, la pesée des âmes, l’Enfer et le Paradis.
Notez que la plupart du temps, lorsqu’un Jugement dernier est représenté dans une église, il est à coup sûr en façade occidentale, habile transition entre le monde païen et le monde Céleste, histoire de mettre en garde le fidèle. En effet, vous rentrez dans l’église à l’Occident, du côté où le soleil se couche, signe de la fin des temps, pour vous diriger vers le chœur, la partie la plus sacré, tournée vers l’Orient, là où le soleil se lève et où le Christ apparaîtra… à la fin des temps !
Le Jugement dernier
Vous pensez que le Jugement dernier est divisé en deux, entre l’Enfer et le Paradis ? Et bien pas tout à fait.
Prenons par exemple le Jugement dernier de la cathédrale Saint-Lazare d’Autun, sculpté au début du XIIème siècle. Vous ne pouvez pas le louper. Ce portail est l’un des chefs-d’œuvre de la sculpture romane. Oui, un chef d’œuvre tant par la qualité de sa sculpture, d’une grande expressivité, que par la clarté de son message. Le portail présente le Jugement de façon unique : avec force et expression sur trois niveaux.
Le Christ, au centre
Et ça se lit de bas en haut ! Partie centrale Le Christ trône. Il occupe le centre de la composition du tympan, pris dans une mandorle, cette forme en amande, portée par 4 anges en vol. C’est un Christ triomphant, monumental, propre à l’art roman. Il se déploie verticalement sur le tiers de la surface, vêtu d’un grand manteau richement orné. Traité en haut relief, aplati en surface, il met en lumière le travail graphique des plis du vêtement, d’une rare élégance. L’impassibilité du Christ est renforcée par l’ouverture de ses bras aux mains ensanglantées. Il accueille et il juge. Sa tête, en surplomb par rapport aux autres figures, scrute le fidèle qui se tient à ses pieds. L’expression figée du Christ Juge est contrebalancée par le dynamisme des autres personnages.
Registre inférieur
Le linteau représente le réveil des morts, des petits personnages, pour la plupart nus, sortant de leurs tombeaux de pierre. Mais déjà une distinction se fait : sous les pieds du Christ, un ange armé repousse une femme, l’air désespéré, vers ses compagnons d’infortune éternelle. Ces personnages sont les plus expressifs du programme iconographique : les élus gesticulent dans tous les sens, lèvent les yeux et les bras vers le Christ qui les attend. Les visages des damnés à droite sont las, les têtes sont basses. Ils les tiennent dans leurs grandes mains décharnées. Les premiers cris de terreurs retentissent, certains supplient, mais il est trop tard. Une inscription nous le rappelle :
« Chacun ressuscitera ainsi, que n’entraîne pas une vie impie, et luira pour lui sans fin la lumière du jour. Que cette terreur lie ceux que lie l’erreur terrestre, car ce sera vraiment ainsi, comme l’indique l’horreur des images ».
Tremblez, simples mortels !
Registre médian
Dans l’angle inférieur droit, on aperçoit un ange soufflant dans un oliphant - Non un OLIPHANT : une trompette - il accueille les ressuscités qui vont devoir passer par la pesée des âmes afin de connaître leur destin éternel. Dans la partie gauche du tympan, c-a-d à la droite du Christ, se trouve le Paradis, le lieu où sont accueillies les âmes des élus. Regardez bien la Vierge Marie, elle trône au 1er rang, à côté de son fils, annoncée par un ange. Elle a les mains ouvertes, c’est une Vierge d’intercession qui prie pour l’humanité. Saint Pierre et sa gigantesque clef, aidé d’un ange, qui propulse littéralement les petites âmes nues vers le Paradis, représenté par les arcades de la Jérusalem Céleste. Dans l’angle inférieur gauche, un ange à nouveau souffle dans son l tourné vers le bas, créant ainsi une liaison visuelle et sonore avec le linteau !
A droite du tympan, c’est-à-dire à la gauche du Christ, se trouve l’Enfer, introduit par saint Michel pesant les âmes dans la balance du jugement sous le regard d’un démon aux fines pattes.
Replaçons-nous dans le contexte d’Autun, la cathédrale accueille les reliques de saint Lazare, frère de Marie-Madeleine, que le Christ ressuscite dans l’évangile de Jean. Le passage de la mort et la pesée des âmes sont donc des thèmes de circonstance pour le lieu ! Ici, le démon s’accroche à la balance pour tenter d’influencer le jugement - le petit malin - et ainsi gagner une âme à emporter en enfer, là où grouillent démons, salamandres et le terrible Léviathan.
Le Paradis déborde à la gauche du Christ, deux personnages, probablement les prophètes Elie et Enoch en pleine conversations, un livre dans la main, ajoutent un ton solennel à la scène. Pourquoi ces deux prophètes ? Car ils sont montés au Ciel sans passer par la mort d’après les Écritures. Vous l’aurez remarqué, le bien se déploie et l’espace du mal est réduit à une toute petite partie mettant en scène le Grand Satan et ses démons et, finalement, un petit nombre de damnés comparés au nombre des sauvés.
Les voussures
Enfin, les voussures. Les quoi ? LES VOUSSURES ! Il y en avait 3… comme des arc-en-ciel au dessus de la porte. La 1ère représentait les Vieillards de l’Apocalypse chantant les louanges du Seigneur, mais elle a été détruite au XVIIIème siècle. La seconde voussure est ornée de motifs végétaux. Symboliquement, elle encadre le monde divin. La 3ème voussure représente le temps, à la fois le temps cosmique avec les signes du zodiaque et le temps humain, terrestre, avec les 12 travaux : un par mois. Un dernier détail plutôt unique en son genre. Le tympan porte une signature, plutôt rare au XIIème siècle ! « Gislebertus l’a fait ». Reconnaissance éternelle du mécène, ou bien personnalisation de l’ouvrage ? Nous ne savons pas. Mais sous nos yeux, l’artisan devient artiste.
Clémentine Bourdin
Clémentine Bourdin est diplômée d'un master en histoire de l'art et en archéologie, avec une spécialité en architecture médiévale et en art chrétien. Depuis 2021, elle est responsable des collections archéologiques aux Musées de Sens.
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