1. Jésus, Homme et Dieu !
Dans l’Évangile, Jésus meurt sur la croix : c’est un homme; il ressuscite: il est Dieu. Alors, Jésus est homme ou Jésus est Dieu ?
Dans cette vidéo, frère Franck nous aide à comprendre le mystère de la double nature humaine et divine du Christ.
Jésus est homme
En lisant le Nouveau Testament, Jésus nous apparaît d’abord comme un homme : il mange, il marche et se fatigue, il a soif, il a faim.
La lettre aux Hébreux nous dit même que Jésus est « un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché » (Hébreux 4, 15).
Il a vraiment souffert, comme tout homme a souffert. « Pendant les jours de sa vie dans la chair, il offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance » (Hébreux 5, 7-8)
Jésus a pleuré, il a redouté la mort, il a été obéissant… voilà qui le rend très humain.
Jésus Dieu
Mais, ailleurs dans l’Evangile, Jésus guérit, délivre des péchés. Ses interlocuteurs sont lucides. Dès le début de l’Evangile de Marc, alors que Jésus guérit le paralytique, ils affirment : « Pourquoi celui-là parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » (Marc 2, 7).
Jésus agit comme Dieu sur les hommes qu’il redresse et même sur la nature, qu’il domine en marchant sur les eaux, en transformant l’eau en vin ou en calmant la tempête. Alors ?
Jésus homme ou Dieu ?
C’est là qu’intervient le théorème de la souris et de l’éléphant. L’éléphant, c’est la divinité. Parce que Dieu est très fort. C’est le plus fort. Le plus grand. La souris, c’est l’humanité, parce qu’un homme c’est pas mal, mais c’est très fragile.
Jésus seulement divin (hérésie)
Lorsque vous dites que Jésus est très humain, mais qu’il est aussi très divin, le risque se pose : l’éléphant écrase la souris. Sa divinité prend toute la place. Il est tellement Dieu qu’il ne peut pas être vraiment un homme. C’est ce qu’ont prétendu les docètes.
Ces partisans du Christ dans les premiers siècles insistaient tellement sur la divinité de Jésus, qu’ils considéraient que Jésus faisait semblant d’être un homme (en grec, dokeo). Pour eux, Jésus n’avait qu’un corps d’emprunt, un peu comme un ange, presque un fantôme. Parmi ceux-ci s’est développée la théorie que Jésus n’est pas mort sur la croix, mais que Simon de Cyrène se serait substitué à lui à le dernière minute. On trouve cela raconté dans des évangiles apocryphes [1].
Le problème, c’est que ce Jésus docète n’a pas de corps humain… c’est un pur hologramme. Tiens, ça me rappelle quelqu’un ça…
En Jésus coexistent l’homme et Dieu (hérésie)
Plus subtile, d’autres partisans du triomphe de l’éléphant ont imaginé que Jésus avait bien un corps humain, mais que son âme, elle n’était que divine.
Cette espèce là, ça s’appelle les Apollinaristes, parce qu’Apollinaire pensait avoir trouvé un truc implacable pour expliquer comment Dieu et l’homme pouvaient coexister dans une même personne. Le problème, c’est que justement ils coexistent, mais ne sont pas vraiment unis. Et puis surtout, vous appelez ça un homme vous, un type qui a Dieu pour âme ? Ce Jésus là serait-il vraiment capable de souffrir comme nous, de se réjouir comme nous, de choisir par un acte vraiment libre et humain de nous sauver ?
Non, Jésus est (aussi) humain
Retour à la lettre aux Hébreux : « parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, Jésus est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve.» (Hébreux 2, 18)
Jésus devait être entièrement homme pour être solidaire de tous les hommes.
Comme homme, il choisit librement de subir sa passion, pourtant ça lui coûtait réellement. C’est ce que nous enseigne la scène de Gethsémani : Jésus dit bien à son Père « non pas ma volonté, mais ta volonté ». Le Christ était tellement humain qu’il était doté d’une volonté humaine.
Cela veut dire qu’à tout moment de sa vie Jésus, pleinement homme, choisit de faire la volonté de Dieu. Il n’y a rien d’automatique.
Bien sûr, nous le savons, Jésus a toujours choisi de faire la volonté de son Père. Mais à chaque fois ce fut un vrai choix.
Jésus seulement humain (hérésie)
Mais alors, Jésus est tellement homme qu’il ne serait pas divin ?
C’est ce que d’autres ont dit. Pour eux, Jésus est tellement humain que ce n’est qu’un homme. Un Juif qui observe en tout la Torah, qui est repéré par Dieu pour sa piété et sa sainteté exceptionnelles.
Un chic type tellement bien que Dieu finit par l’adopter. Pour ces adoptianistes, cela se passe évidemment au baptême de Jésus. Une voix du ciel affirme : « celui-ci est mon fils bien aimé » et l’Esprit comme une colombe vient reposer sur lui. A partir de ce moment, Jésus est élu de Dieu. C’est une sorte de super-prophète.
Le problème ici, c’est que Jésus est, au mieux, un exemple. Sa mort sur la croix ne sauve pas les hommes. Sa résurrection n’est que l’illustration du fait que celui-là était un juste parmi les justes, mais elle laisse tous les autres sur le carreau.
Conclusion
Le problème avec les docètes, les apollinaristes c’est que Jésus est tellement divin, qu’il n’est pas assez solidaire des hommes pour les sauver. Au contraire, chez les adoptianistes, il est trop humain. Il n’a pas le pouvoir de sauver quelqu’un d’autre que lui-même.
C’est en comprenant comment Jésus nous sauve que l’on comprend qui il est vraiment.
C’est pour cela que l’Église a défini solennellement au concile de Chalcédoine, en 451, que Jésus est parfaitement homme et parfaitement Dieu. Parce que s’il ne l’était pas, il ne pourrait pas nous sauver… parfaitement.
Notes :
[1] Irénée de Lyon, Contre les Hérésies I, 24, 4 (SC p. 111-112) : « Il ne souffrit pas lui-même la Passion, mais un certain Simon de Cyrène fut réquisitionné et porta sa croix à sa place. Et c’est ce Simon qui, par ignorance et erreur fut crucifié, après avoir été métamorphosé par lui pour qu’on le prît pour Jésus ; quand à Jésus lui-même, il prit les traits de Simon. »
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frère Franck Dubois
Ancien élève de Science Po Paris, frère Franck a vécu de longues années au couvent de Lille, où il s'est spécialisé dans les Pères de l’Église. Il a obtenu un doctorat es patrologie au Centre Sèvres. En 2020, il est père maître des novices à Strasbourg, où il enseigne aussi la théologie à l'université. Il a publié sa thèse : "Le corps comme un syndrome" (Cerf, 2018) et quelques ouvrages plus accessibles tels que : "Attention, chute d'anges" (Cerf, 2021) et "Pourquoi les vaches ressuscitent (Cerf, 2019).
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