4. Que Jésus a-t-il vraiment dit et fait ?
Les Évangiles sont notre meilleure source pour savoir qui est Jésus. Mais ce sont des textes théologiques, des témoignages de croyants. : Qu’est-ce que Jésus a vraiment dit et fait ?
Les Évangiles ont une valeur historique et théologique. Dans son prologue, Luc nous présente son travail d’historien.
Luc 1, 3 : « j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé exactement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi l'exposé suivi »
Mais, quand Marc commence son Évangile, il dit tout de suite que Jésus est Fils de Dieu et il s’appuie sur les prophéties de l’Ancien Testament.
Marc 1, 1 « Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu. 2 Selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète : Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. »
C’est très théologique.
Quels sont les critères d’authenticité ?
L’embarras
Le premier critère est celui de l’embarras. Lorsque l’Evangile affirme de Jésus quelque chose qui ne le met pas en valeur, par exemple….
Wow, tu as vu que Jésus s’est fait baptiser dans le Jourdain par Jean-Baptiste ? C’est dingue ça, Jésus est pourtant sans péché, il n’a pas besoin d’être baptisé. Et lui qui est le Fils de Dieu se soumettrait à Jean qui n’est qu’un prophète !
Ce n’était pas du tout l’intérêt des premiers chrétiens de rappeler cet événement ! Le baptême de Jésus reste problématique, il ne colle pas avec sa divinité. Si on en parle, ça a vraiment dû avoir lieu.
L’attestation multiple
Le deuxième critère est celui de… l’attestation multiple.
Marc 1, 30-31 « Or la belle-mère de Simon était au lit avec la fièvre, et aussitôt ils lui parlent à son sujet. S'approchant, il la fit se lever en la prenant par la main. Et la fièvre la quitta, et elle les servait. »
Matthieu 8, 14-15 « Étant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec la fièvre. Il lui toucha la main, la fièvre la quitta, elle se leva et elle le servait. »
Luc 4, 38-39 « La belle-mère de Simon était en proie à une forte fièvre, et ils le prièrent à son sujet. Se penchant sur elle, il menaça la fièvre, et elle la quitta ; à l'instant même, se levant elle les servait. »
Si plusieurs Évangiles rapportent la même histoire, cela veut dire que les différents témoins qui ont été à l’origine des quatre Evangiles ont vu la même chose. Plus il y a de témoins qui en parlent, plus il y a de chance que l’épisode soit authentique.
Les détails d’époque
Le fait que la langue originale soit rapportée dans la scène, ou que l’on conserve le nom des personnages, des détails physiques de ceux-ci qui n’ont pas une signification symbolique particulière, plaide aussi pour l’authenticité.
Par exemple, l’expression “talitha koum” :
Marc 5, 41 « Et prenant la main de l'enfant, il lui dit : " Talitha koum ", ce qui se traduit : " Fillette, je te le dis, lève-toi ! " »
Talitha koum, c’est de l’araméen, ce n’est pas du grec la langue de l’Evangile. Si on rapporte cette expression, c’est sans doute qu’un auditeur l’a entendue telle quelle et que dans le flot de son récit – qu’il a bien dû dire en grec – l’expression est sortie tout naturellement en araméen parce que cela rendait son récit plus vivant. De même lorsque l’on rapporte que le nom de l’un ou l’autre personne biblique : ces personnes ont vraiment existé, on en a gardé la mémoire et cette mémoire est venue s’inscrire dans l’Evangile. Ces détails de langue, ou de nom, sont un critère déterminant pour l’authenticité des textes dans lesquels ils se trouvent.
Les ruptures
C’est lorsque Jésus fait ou dit quelque chose qui tranche avec ce que l’on sait par ailleurs du judaïsme de son temps. Quelque chose que personne n’avait dit ou fait avant lui.
Par exemple, le fait d’avoir une activité le jour du sabbat : voyez certaines guérisons de Jésus. (Marc 3, 1-6)
La cohérence
Cohérence ! Lorsque Jésus fait quelque chose qui ressemble bien à ce qu’on attendait de Jésus.
Par exemple, quand les miracles sont cohérents avec ce que Jésus dit. En effet, c’est crédible que Jésus ait guéri des paralysés, prêché l’amour et pardonné les péchés, non ?
Jugement et mort
Puisque nous savons que Jésus est mort sur la croix après un procès, il y a bien dû avoir des raisons qui l’ont conduit à être jugé. Tout ce qui provoque le procès est vraisemblable.
Ou encore, il est crédible aussi que Jésus ait dit : « détruisez ce temple, je le rebâtirai en trois jours ». Cela n’a pas dû être du goût des chefs religieux de l’époque.
Conclusion
Tout ça c’était dans “Un certain juif, Jésus” de J.P. Meier.
Éclairants ! A partir des Évangiles, on peut appliquer ces critères de vérité pour remonter au plus près des faits historiques. Et l’on s’aperçoit bien vite que la plupart des épisodes relatés par les Évangiles résistent bien à ces critères. Voilà que Jésus nous devient plus familier…
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frère Franck Dubois
Ancien élève de Science Po Paris, frère Franck a vécu de longues années au couvent de Lille, où il s'est spécialisé dans les Pères de l’Église. Il a obtenu un doctorat es patrologie au Centre Sèvres. En 2020, il est père maître des novices à Strasbourg, où il enseigne aussi la théologie à l'université. Il a publié sa thèse : "Le corps comme un syndrome" (Cerf, 2018) et quelques ouvrages plus accessibles tels que : "Attention, chute d'anges" (Cerf, 2021) et "Pourquoi les vaches ressuscitent (Cerf, 2019).
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