6. Cinq antidotes contre les hérésies
Nous avons vu comment l’Église a grandi dans la foi en luttant contre les hérésies. Comme l’a dit saint Augustin, les hérésies ne sont pas la « cause » du progrès de la foi, mais une « occasion ».
Pas la cause ? En effet, la cause de la foi, c’est Dieu lui-même. Il agit par sa grâce au-dedans de nos cœurs, il nous éclaire. Mais les épreuves que nous traversons dans la foi, comme les hérésies, sont des « occasions » d’approfondir notre foi, de la préciser, de l’expliciter.
Cette explicitation repose sur cinq points.
- La Parole de Dieu dans l’Écriture Sainte.
Impossible qu’un énoncé de foi contredise la cohérence de ce qu’on lit dans la Bible. Comme dire qu’il y a plusieurs dieux, ou que Jésus n’est pas né d’une vierge, ou encore qu’il n’est pas vraiment mort ou pas vraiment ressuscité... Impossible ! L’Écriture – l’Ancien et le Nouveau Testament – est la norme absolue de notre foi.
- La Tradition vivante de l’Église.
Le problème, c’est que l’Écriture doit être interprétée. Beaucoup d’hérésies proviennent d’une lecture sélective ou tordue de la Bible. Qu’est-ce qui nous garantit qu’on interprète la Bible correctement ? Eh bien, joue ici ce qu’on appelle la Tradition vivante de l’Église.
« Tradition », en latin, signifie « transmission ». L’Église transmet des textes sacrés, c’est vrai, mais elle transmet aussi les principes d’interprétation de ces textes. Et c’est toute cette transmission qui est assistée par l’Esprit Saint !
En clair, l’Esprit de Jésus assiste l’Église depuis le début. Il assiste tout particulièrement les successeurs des apôtres, et le successeur de Pierre. Il équipe les évêques des charismes nécessaires afin qu’ils interprètent bien l’Écriture et conduisent l’Église à travers les crises qu’elle traverse. C’est ce qui se passe quand les évêques et le pape se rassemblent en concile.
- Les théologiens
Les évêques ne sont pas les seuls garants d’une saine doctrine. L’Esprit Saint produit aussi des fruits dans l’intelligence des croyants, et notamment chez les théologiens.
Le théologien le plus réputé, le dominicain saint Thomas d’Aquin, n’était pas évêque. Et saint Maxime le Confesseur, au VIIe siècle ? Il n’était pas même diacre ou prêtre ! Mais l’Église a reconnu dans l’enseignement de ce moine une lumière particulière. Le Pape Martin ne s’est pas privé de consulter Maxime sur des questions épineuses de théologie.
C’est ce qui se passe aujourd’hui encore. L’Église demande aux théologiens de réfléchir sur certains points de la foi pour éclairer les décisions que les pasteurs doivent prendre.
Or les théologiens ne sont pas infaillibles. Ils ont des opinions qui ont besoin d’être décantées, affinées – rejetées aussi, parfois, quand elles ne s’accordent pas avec la foi. Ce qui permet ce travail, c’est le débat théologique, sous le regard bienveillant des évêques. Ce sont les évêques qui ont la mission de protéger et de conduire le peuple de Dieu, pas les théologiens.
- L’expérience des saints et des mystiques
Rassurez-vous ! Le discernement des évêques n’est pas éclairé que par des intellectuels. Il faut mentionner l’expérience des saints et des mystiques. Les lumières de l’Esprit Saint passent d’abord par des cœurs ouverts à l’amour de Dieu ! Souvent, ce sont des humbles que l’Esprit éclaire en premier, même sur des points de doctrine délicats. Regardez sainte Thérèse de Lisieux ! Elle est docteure de l’Église ! L’enseignement de cette carmélite normande morte à 24 ans met au premier plan la bonté, la miséricorde de Dieu. Thérèse en avait l’expérience, elle qui se trouvait faible par rapport aux grands saints qu’elle admirait. Le rayonnement de Thérèse est immense ! Si elle n’avait pas été là pour nous rappeler que Jésus nous appelle à nous laisser aimer par Dieu malgré nos fragilités, une bonne part de l’Église pataugerait encore dans le jansénisme. Vous savez, cette approche sombre du christianisme qui exclut du salut l’immense majorité des gens et le réserve à une élite.
- Le sensus fidei
Enfin, même les chrétiens du quotidien jouent un rôle dans le discernement de la vraie foi. C’est ce qu’on appelle le sensus fidei : « le sens de la foi ». C’est cet instinct surnaturel qui permet aux baptisés, lorsqu’ils entendent quelque chose de tordu, fût-ce dans la bouche d’un grand théologien ou d’un évêque, d’avoir une réaction instinctive de rejet. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec les homélies d’Arius. Le peuple de Dieu s’est ému, et cette émotion a été discernée comme légitime par les pasteurs de l’Église.
Bref,
- parce qu’elle lit la Parole de Dieu,
- parce qu’elle n’oublie jamais la Tradition vivante des Pères
- parce qu’elle s’appuie sur le travail des théologiens
- et l’expérience des mystiques
- et parce qu’elle écoute ce que l’Esprit dit aux fidèles, l’Église peut discerner la vérité, rejeter les erreurs véhiculées par les hérésies, tout en approfondissant sa connaissance infaillible du mystère de Dieu.
frère Sylvain Detoc
Frère Sylvain Detoc est docteur ès lettres et docteur en théologie. Il est frère de la province de Toulouse, il enseigne à l'Institut Catholique de Toulouse. Il a publié plusieurs ouvrages : Déjà brillent les lumières de la fête (Cerf, 2023), La Gloire des bons à rien (Cerf, 2022) et Petite théologie du Rosaire (éditions de La Licorne, 2020).
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