8. Réver de Dieu
J’ai fait un rêve… Comment discerner s’il vient de Dieu ? Dans la Bible, les rêves sont des moyens que Dieu utilise pour communiquer avec les hommes. Est-ce que, dans notre vie quotidienne, Dieu continue à nous parler ainsi, durant notre sommeil ?
Les rêveurs de la Genèse
Il était une fois un jeune homme, Jacob. Au cours d’un voyage, seul, il campe dans un endroit très sec. Il ne trouve qu’une pierre comme oreiller mais il arrive quand même à s’endormir. Et là, il fait un rêve : il voit une échelle qui relie la terre et le ciel, et des anges qui s’en servent pour monter et descendre. Tout d’un coup, le Seigneur est près de lui, et il lui promet, texto, une terre et des enfants, comme à Abraham.
« La terre sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et ta descendance. Ta descendance deviendra nombreuse comme la poussière du sol (…) et tous les clans de la terre se béniront par toi et par ta descendance. » (Genèse 28, 13c-14)
Puis le Seigneur lui fait la promesse de sa présence attentive et efficace sur le chemin qui sera le sien. A la lecture de ce récit, nous n’avons pas de doute : le songe de Jacob est bien un moyen que le Seigneur prend pour lui communiquer un message.
Quelques années plus tard, Joseph, le onzième fils de Jacob, est aussi sujet aux songes (Genèse 37, 5-11), et ses frères jaloux n’ont aucun mal à les interpréter : pour qui se prend-il, celui-là ? Il rêve que nous nous prosternions devant lui… et puis quoi encore ? D’où le surnom ironique qu’ils lui donnent : « l’homme aux songes » (Genèse 37, 19).
D’autres songes bibliques sont plus obscurs et ont besoin d’une interprétation. Par exemple, lorsque les compagnons d’infortune de Joseph, en prison, se réveillent de mauvaise humeur, et que celui-ci les écoute raconter leurs songes respectifs (Genèse 40). Son interprétation s’avérera juste pour chacun d’eux quelques jours plus tard. Et de même deux ans après, pour les songes de Pharaon annonçant sept années d’abondance suivies de sept années de famine (Genèse 41).
Les rêveurs dans le reste de la Bible
Un peu plus loin dans la bibliothèque qu’est la Bible, le livre du Deutéronome nous met en garde contre les « faiseurs de songes » (Deutéronome 13, 2) qui utilisent des signes ou des prodiges pour dire :
« Allons à la rencontre d’autres dieux que tu ne connais pas, et servons-les ! » (Deutéronome 13, 3)
Finalement, même si un signe se réalisait, il n’aurait aucune valeur s’il ne conduisait pas au Seigneur que connaît déjà le peuple. Dieu s’est manifesté par les signes et les prodiges qu’il leur a donnés à voir et à vivre, à commencer par leur sortie de la situation d’esclavage en Égypte.
Ensuite, les grands prophètes Isaïe, Jérémie et Ezéchiel, se méfient des songes mensongers, qui ne viennent de Dieu ni ne mènent à lui.
« Je vais m'en prendre à ceux qui prophétisent des songes mensongers - oracle de Yahvé - qui les racontent et égarent mon peuple par leurs mensonges et leur vantardise. Moi, je ne les ai pas envoyés, je ne leur ai pas donné d'ordres, et ils ne sont d'aucune utilité à ce peuple, oracle de Yahvé » (Jérémie 23, 32).
A cette époque, Dieu parle directement au prophète.
Dans le Nouveau Testament, les songes sont des révélations destinées à éclairer un individu. C’est par un songe que Joseph apprend que Marie, sa fiancée, est enceinte, et que l’enfant vient de l’Esprit Saint (). Puis qu’il doit fuir en Égypte car la vie de Jésus est menacée (Luc 2, 13-15). Par contre, il n’est relaté aucun songe de Jésus. Il n’en a pas besoin ! Parce qu’il connaît le Père sans intermédiaire.
Enfin, Pierre annonce, dans son discours après la Pentecôte, l’accomplissement de la prophétie de Joël “ vos anciens auront des songes.” (Actes 2, 17) Le songe apparaît ici comme une manifestation de l’Esprit en ces jours où, après la résurrection et l’ascension du Christ, l’Esprit a été répandu sur les apôtres.
Et aujourd’hui, qu’est-ce qu’on en fait ?
Dans le champ de la psychiatrie, qui s’occupe de notre psychisme en tant qu’il fait partie de notre nature humaine, avec ses blessures, ses difficultés, ses maladies, les rêves sont une manifestation de la personnalité profonde. Cependant, l’interprétation psychologique d’un songe n’entre pas en concurrence avec une interprétation croyante, qui s’appuie sur la foi en Dieu. Parce que quand Dieu agit sur l’homme, il le fait au plus profond de cet homme, l’action de Dieu n’est pas superficielle.
Si, la nuit précédant mon départ, je rêve que je rate mon train (pour venir au tournage de Théodom par exemple), une interprétation psychologique dirait que ce rêve est l’expression d’une certaine angoisse… Mais je peux aussi me dire que le Seigneur m’invite par ce rêve à la prudence, à partir suffisamment à l’heure pour être sur le quai plus de deux minutes avant le départ du train… Cette deuxième interprétation engage ma foi mais n’efface pas pour autant la possibilité d’une nature anxieuse !
Pour nous aider au discernement dans la foi, l’Église nous a donné de précieux critères. Il s’agit des normes publiées en 2011 par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
VOIX OFF : Pause définition : la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est l’instance qui, à Rome, est garante de la vérité de la foi,)
Ce sont les normes pour le discernement des révélations ou apparitions présumées, dont les songes peuvent faire partie.
« Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. (…) La révélation privée est une aide pour la foi, (…) il n’est pas obligatoire de s’en servir. Dans tous les cas, il doit s’agir de quelque chose qui nourrit la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut. »
LA Révélation de Dieu, c’est le Christ, Jésus. Point. Ce cadeau n’a pas besoin d’être « complété », tout est accompli.
En bref, Dieu se sert parfois encore aujourd’hui des songes pour se manifester aux hommes, comme il l’a fait dans la Bible avec Jacob, Joseph (le patriarche) et Joseph (le père adoptif de Jésus). Ces révélations privées ne sont pas nécessaires à notre salut mais par elles, Dieu nous aide sur notre chemin de foi, qui est complètement orienté vers Jésus, le Christ.
Pour aller plus loin :
Pierre Erny, Les chrétiens et le rêve dans l’Antiquité, L’Harmattan, 2005.
William Levada, Préface aux normes pour procéder au discernement d’apparitions ou révélations présumées, 14 décembre 2011.
soeur Marguerite Tandonnet
Sœur Marguerite Tandonnet est une ancienne médecin, en 2020 et depuis quelques années, elle est moniale contemplative au monastère des dominicaines d'Orbey, dans les Vosges.
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