6. L’envie
Nous parlons de l’envie. L’envie, cela fait penser à la jalousie. Et c’est vrai, c’est presque cela mais pas tout à fait. Voici ce que dit La Rochefoucauld, un grand penseur du XVIIe : "La jalousie, écrit-il, tend à conserver un bien qui nous appartient ou que nous croyons nous appartenir, au lieu que l'envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien des autres" On est jaloux quand quelqu’un nous prend quelque chose à nous. C’est la femme qui est jalouse parce qu’on lui a pris son mari. L’envie, c’est quand vous êtes triste non pas parce qu’on vous a pris quelque chose mais tout simplement parce que l’autre est meilleur que vous. C’est voir la grandeur d’autrui et en être tout simplement triste. Comme si on était incapable de se réjouir parce que cela fait de l’ombre à notre propre grandeur. Saint Thomas d’Aquin dit : « L'envie consiste à s'attrister du bien du prochain, comme s'il diminuait le nôtre, et qu'il nous fit du mal ». Par exemple, vous être envieux de l’intelligence de votre ami, parce que cette intelligence, elle vient d’où ? Mystère ! En tout cas, ce n’est pas la vôtre. D’ailleurs, à bien considérer les choses, c’est vous qui devriez être intelligent : pas lui ! Mais à côté de lui, vous paraissez bête à vos propres yeux. La tristesse et le chagrin naissent en vous et voilà que maintenant naît en vous l’envie de vous emparer de cette excellence par tous les moyens.
L’envie, en latin, invidia. Le mauvais œil : le fait de regarder d’un œil mauvais la grandeur d’autrui. Au Moyen Âge, on disait que les envieux seraient punis par un pieu dans l’œil. Oupss… !!!
Un exemple : Caïn
L’exemple parfait de l’homme envieux dans la Bible, évidemment, vous l’avez tous sur le bout de la langue, c’est Caïn. Le Seigneur agréa Abel et son offrande. Mais il n’agréa pas Caïn et son offrande, et Caïn en fut très irrité et eut le visage abattu. Le Seigneur dit à Caïn : « Pourquoi es-tu irrité et pourquoi ton visage est-il abattu ? Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n’es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer ? » (Genèse 4, 6-7) Cependant Caïn dit à son frère Abel : « Allons dehors ! », et, comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. Caïn qui regarde d’un mauvais œil son frère, parce que son frère est grand devant Dieu. Alors que Caïn aurait pu s’en réjouir et voir en lui quelqu’un qui aurait pu prier pour lui. Et vous voyez comment en Caïn l’envie engendre l’acédie, c’est-à-dire cette sorte de paresse mélancolique et de dépression spirituelle. La tristesse dont je vous parlais. Et puis cette tristesse qui dégénère en colère puis en meurtre. Et à la racine de tout ceci, la convoitise, le désir désordonné qui est tapi comme une bête dans le cœur de Cain. L’envie est bien un péché capital, un péché qui entraîne avec lui d’autres péchés.
A côté de quoi on passe ?
A côté quoi de quoi nous font passer l’envie et la jalousie ? Eh bien, à côté de la charité, et ce n’est pas rien. Voici ce que dit saint Paul : « Le précepte : tu ne commettras pas d'adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Romains 13, 9) C’est quand même embêtant, parce que la charité, c’est la vie éternelle. Plus précisément, l’envie fait passer à côté de ce fruit de la charité que l’on appelle la bienveillance et la gratuité. La bienveillance, c’est le contraire de la jalousie. La bienveillance, c’est vouloir le bien d’autrui. C’est cultiver la grandeur d’autrui, par amour gratuit et sincère de la personne qui est en face de vous. Gratuitement. Avec désintérêt. Les pères de la vie monastique disent que quand on cultive les qualités d’autrui, c’est une manière pour Dieu de nous les donner.
Que faire ?
Pour lutter contre l’envie, il faut lutter à l’intérieur de soi-même, cultiver une certaine attitude spirituelle, une attitude faite d’humilité. L’humilité, c’est quand on regarde le monde avec vérité et objectivité, qu’on parvient à trouver sa véritable place dedans. Cela permet de chasser de notre tête le démon de la comparaison et de la jalousie. Lutter contre l’envie, c’est encore cultiver la joie. Même si cela fait mal, c’est être joyeux devant les qualités d’autrui. C’est une manière de chasser la tristesse qu’engendre la jalousie. Et puis enfin et surtout, servir autrui, passer du temps avec lui, pour l’aider à cultiver ses qualités.
frère Paul-Adrien d'Hardemare
En 2020, Paul-Adrien est aumônier d'étudiant au couvent d'Evry. Il anime aussi une fameuse chaîne sur YouTube.
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