1. Les premiers chrétiens
Vous voyez bien à quoi ressemble une église, parfois vous en visitez une, mais savez-vous ce qu’est l’Église, la communauté qui s’assemble dans ces bâtiments ? D’aucuns disent qu’elle appartient résolument à l’histoire, même si elle peut encore défrayer la chronique pour le meilleur comme pour le pire ! qu’à cela ne tienne, puisqu’en effet, avec 2000 ans, on peut aisément croire qu’elle appartient au passé, regardons là avec des yeux d’historiens. Le défi n’est pas mince, car croyants et incroyants ont largement contribué à faire émerger toutes sortes de légendes : miracles, croisades, inquisition, missions… Ce sont autant de sujets d’histoire dont on retient plus le sensationnel que le vrai et que l’on juge souvent plus à l’aune de nos valeurs qu’à la lumière de leur contexte. Que le regard de vérité historique ne fasse pas pour autant disparaître un juste regard de foi ; l’un et l’autre ne sont pas censés être incompatibles quand bien même leur articulation maladroite a pu souvent biaiser le jugement qu’on pouvait porter sur les faits.
Qu’est-ce que l’Église
Pour le chrétien, l’Église n’est pas seulement une réalité sociologique ou institutionnelle, mais elle est aussi une réalité que nous saisissons à la lumière de la foi: la communauté des croyants appelés par le Christ à former son corps mystique qui se manifeste à travers les âges par des personnes, des communautés, des institutions… Elle reçoit de Dieu une grâce particulière qui fait qu’elle est une, sainte, catholique – c’est-à-dire universelle – et apostolique – c’est-à-dire liée aux apôtres et à leur mission – les apôtres étant 12 disciples choisis par Jésus pour être envoyés en mission.
Que faire de ces données de foi ? chercher dans l’histoire ce qui prouverait que l’Église serait une, sainte, catholique et apostolique ? ce serait maladroit et même peine perdue car on ne parviendrait pas à écarter tout ce qui nous la montrerait divisée, composée de pécheurs, culturellement située et loin de l’idéal des apôtres. Toutefois, c’est là que se situeront les principaux enjeux, entre l’appel de Dieu à entrer dans sa Grâce et la difficulté de l’homme à y répondre. L’un est l’autre ont des aspects qui peuvent entrer dans l’étude de l’histoire et c’est ce que nous essaierons de faire très succinctement. Pour chaque période, nous retrouverons à peu près toujours une recherche d’unité autour d’une foi portée par une communauté dans une doctrine qui amène ses excommunications et ses réconciliations, une recherche de sainteté par des pratiques ou par des réflexions chez des individus dont certains ont été reconnus comme saints ou dans des communautés, monastiques, religieuses ou laïques, une recherche d’universalité principalement par la mission, une recherche d’apostolicité par le recours à une hiérarchie héritée des apôtres dont on attend qu’elle soit fidèle à l’esprit desdits apôtres.
La valeur théologique de l’histoire de Jésus
Je pars du dernier point : Pourquoi est-il important à aborder d’un point de vue historique ? Parce que les apôtres ont été choisis et envoyés par le Christ. Avoir un lien aux apôtres, c’est avoir un lien avec Jésus Christ. Tout – ou presque – a commencé avec Lui ; Certes on pourrait remonter dans le temps pour voir ce qui a préparé l’Église dans le judaïsme, cependant c’est au Christ que les chrétiens veulent avant tout se rattacher. Plus que leur fondateur, il est le Fils de Dieu venu dans le monde ; avoir un lien avec le Christ, c’est donc aussi avoir un lien avec Dieu, et pour une fois ça passe par l’histoire, par cette communauté qu’on appelle l’Église et qui traverse le temps structuré par cette hiérarchie héritée des apôtres.
Si ce lien est possible, c’est aussi que l’Église a commencé par un événement historique, l’Incarnation, qui n’est pas un mythe fondateur. Certes, dans la foi, les chrétiens croient que c’est Dieu lui-même qui entre dans l’Histoire en prenant notre chair, ce qui pour le coup ne peut pas être observé dans toute sa profondeur par l’analyse historique qui devra s’en tenir à ce qui nous apparaît de la vie et de l’enseignement de Jésus-Christ. Mais ces éléments sont accessibles surtout par les évangiles, ces témoignages des disciples de Jésus qui retracent ses paroles et ses actions moins d’un siècle après sa mort. L’évangile de Luc commence ainsi :
« Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d'après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C'est pourquoi j'ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s'est passé depuis le début, d'écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus. » (Luc 1, 1-4).
Dès les débuts du christianisme, les croyants ont eu comme une exigence de vérité historique.
Les Actes des Apôtres
Jésus a fait des disciples de son vivant, mais c’est surtout après sa mort et sa résurrection qu’on situe la naissance de l’Église; on la place généralement à la Pentecôte : c’est à ce moment qu’est donné l’Esprit Saint qui doit habiter l’Église jusqu’à la fin des temps et que les disciples de Jésus se mettent à prêcher « l’Évangile », qui en grec signifie « bonne nouvelle ». Le livre des actes des apôtres en parle ainsi :
« La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C'est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. » (Actes 4)
On voit la petite communauté déjà structurée avec une place privilégiée donnée aux apôtres et en particulier à Pierre, mais aussi à Paul. L’un et l’autre parcoururent la Méditerranée qu’ils parsemèrent de nouveaux chrétiens et parvinrent à Rome, au cœur même de l’Empire, où ils moururent.
La mission de l’Église naissante alla vers les juifs d’abord, les païens ensuite, formant des groupes distincts qui ne se mélangèrent que progressivement, parfois moyennant certaines dissensions. Ce furent le sujet de certaines lettres de saint Paul et d’un premier « concile » réuni à Jérusalem vers l’an 48.
Juifs et Romains regardent d’un mauvais œil la croissance de cette communauté et les persécutions commencent rapidement : dès l’an 34, Étienne mourut « martyr », c’est-à-dire témoin de Jésus-Christ jusqu’à donner sa vie pour lui. Tel un autre Christ il meurt en disant : « je remets mon esprit » et « ne leur compte pas ce péché ». Il est le premier d’une longue liste qui s’étend jusqu’à nos jours.
Vous l’aurez compris, l’Église n’est pas un sujet d’histoire banal : derrière les faits, la foi voit encore quelque chose de plus profond ; derrière le fondateur Jésus-Christ, les chrétiens reconnaissent le Fils de Dieu ; derrière le développement de l’Église, les chrétiens voient l’action de l’Esprit Saint ; derrière la continuité historique, les chrétiens perçoivent un contact possible avec leur Dieu venu dans la chair.
frère Maxime Arcelin
Le frère Maxime Arcelin est dominicain de la Province de Toulouse. Il est spécialisé en histoire de l'Eglise. En 2021, il réside au couvent de la Sainte-Baume. En 2019, il a publié le livret ThéoDom "Histoire(s) d’Église", aux éditions du Cerf.
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