8. Protéger la Foi au Vatican.
C’est vrai que l’origine historique de la Doctrine de la Foi, émerge en grande partie de l’institutionnalisation de l’inquisition. Néanmoins, elle a évolué et l’histoire est trop longue à raconter ici. Mais elle a évolué, en particulier dans une direction importante, sous le pontificat de Paul VI, après le concile Vatican II, quand a été ajoutée à sa mission de correction de l’erreur, la promotion de la foi. Maintenant, la promotion est en train de devenir vraiment l’élément le plus important de notre mission, parce qu’elle inclut la correction.
Je m’appelle Augustine Di Noia, archevêque, je suis dominicain, des Etats-Unis, de la Province Saint Joseph. Je suis arrivé ici [à Rome] il y a presque 20 ans, pour travailler à la congrégation pour la Doctrine de la Foi.
Promouvoir et défendre
Quand on a publié, il y a quelques années, un document sur l’incinération, c’est-à-dire sur ce que l’on fait avec le corps, après la mort, si on ne l’enterre pas, on a en même temps fait la promotion de la Foi : c’est-à-dire qu’on a réaffirmé notre compréhension de la sacralité du corps, l’importance pour le corps d’être intact, en un seul endroit, à cause de la résurrection du corps à venir. Néanmoins, en enseignant ça, on a aussi corrigé des erreurs, par exemple, la pratique de disperser les cendres dans l’océan, ou à la plage, ou de disperser différentes parties des cendres aux différents membres de la famille. C’est incroyable, la perte complète du sens de la sacralité du corps et donc aussi des cendres. L’idée de permettre la crémation était de… Après 1000 ans, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, en 1966 a permis la crémation, dans certaines circonstances, néanmoins, cette pratique est partie dans tous les sens. Et maintenant, il y a beaucoup de pratiques qui sont erronées, mais surtout qui sont, pastoralement parlant, très mauvaises. Et la Congrégation, en faisant la promotion de la résurrection des corps, en Christ, corrige aussi des erreurs, en même temps.
Les principales missions du dicastère
La Congrégation [le Dicastère à présent] a les compétences, comme ils disent, en matière doctrinale et disciplinaire, pour ce qui concerne la sainteté des sacrements. Il y a toujours eu ces deux dimensions.
Les gens demandent pourquoi la Congrégation pour la Doctrine de la foi s’occupe des abus sexuels commis par des clercs, et la raison est que depuis les temps anciens, la sainteté des sacrements, et donc du sacerdoce, faisait partie de notre cahier des charges. Aussi, la discipline des sacrements, cela comprend toute violation du secret de confession, ou la violation du corps et du sang du Christ [dans l’Eucharistie]. D’une certaine manière, c’est la morale, depuis le point de vue de la Foi. C’est pour cela qu’on s’occupe de ça.
Qu’est-ce qu’une hérésie ?
Le problème avec le mot « hérésie », c’est qu’il est utilisé pour identifier, dans le langage populaire, tout départ de la Foi… mais en réalité, en doctrine catholique, l’hérésie désigne strictement le déni ou l’enseignement d’erreurs qui concernent « de fide », ce qui est révélé. Par exemple, si vous niez que les personnes de la Sainte Trinité sont vraiment distinctes, ça c’est de l’hérésie. Beaucoup d’autre choses ne sont que des erreurs.
En réalité, les hérésies sont diffuses, elles sont généralisées, voyez-vous. C’est ce que je voulais dire tout à l’heure au sujet de la confusion, il y a tellement de confusions.
Ainsi, il y a quelques années, presque 20 ans, la Congrégation a publié un document appelé « Dominus Iesus » sur l’unicité du salut par le Christ. Vous pourriez vous demander en vous-même « Pourquoi ils font ça ? Est-ce qu’il y a un problème ? » Mais bien sûr qu’il y a un énorme problème, parce que beaucoup de gens pensent que le Christ est un sauveur parmi beaucoup d’autres.
C’est un exemple de la manière dont un état d’esprit répandu dans la culture, une dilution de la foi, nécessite un effort considérable d’enseignement. Pourtant, il serait difficile de trouver une seule personne hérétique qui enseigne ça.
Comment les questions vous arrivent-elles ?
On n’est pas le FBI, on ne recherche pas les erreurs et les problèmes. Ils nous arrivent la plupart du temps par les évêques. C’est le premier canal. Pourtant, ça peut aussi être par les fidèles ordinaires, parce que nous lisons tous les courriers, nous recevons une quantité astronomique de courriers, comme vous pouvez l’imaginer, de gros sacs.
Mais nous n’agissons jamais sans avoir contacté l’évêque [local] en lui disant : « Nous avons reçu cette information, que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? », ou le nonce. En France ou aux Etats-Unis, nous avons beaucoup de contacts avec le nonce. C’est comme ça que les choses arrivent sur notre écran radar, à travers les évêques.
Très souvent, si je le dis car c’est important, nous encourageons les conférences des évêques de traiter ces questions au niveau local. Parce que chaque conférence [nationale des évêques], et en particulier les plus importantes, a une commission doctrinale. Mais bien sûr, les évêques sont ravis de nous renvoyer les problèmes ici, vous voyez ? On les encourage à s’occuper de ces questions par eux-mêmes.
Et comment les traitez-vous ?
Si on a affaire à un particulier ou au livre écrit par un particulier, qui est clairement hérétique, et c’est déjà arrivé depuis que je suis ici – je ne veux pas citer de nom -. Alors, il y a ce qu’on appelle le « ratio agandio », la procédure à suivre.
Prenons un exemple. Supposons qu’un livre est accusé d’être hérétique. On envoie le livre directement à l’un de nos consultants, un théologien. Et alors il peut nous répondre : « Non, ce n’est pas [hérétique], c’est correct. » ou « Oui, il y a un problème. » C’est la première partie de la procédure : « Est-ce qu’il y a un problème ? »
Si on détermine qu’il y a un problème, alors on avertit le supérieur, l’évêque ou le supérieur religieux, ou l’évêque local s’il s’agit d’un laïc. Alors commence une très longue procédure car elle donne de nombreuses occasions à l’ « accusé » – si on peut dire - de se défendre lui-même ou elle-même.
Si la matière est particulièrement grave et doit être traitée rapidement, alors on réduit [la procédure].
[En cas d’erreur], d’une personne, il y a des sanctions. On peut demander à quelqu’un de ne plus écrire de livre sur ce sujet. Et si quelqu’un est déclaré hérétique, c’est très très sérieux, même si, de mon temps, ce n’est jamais arrivé. Différentes mesures peuvent être appliquées.
C’est difficile. Il y a un problème fondamental ici, un problème énorme, culturellement, car l’idée de censurer quoi que ce soit ou n’importe quel livre nous est absolument étranger. D’accord ? Aujourd’hui, en France certainement, aux Etats-Unis, ou dans n’importe quel pays cultivé, on regarde la censure comme une abomination.
Pourquoi a-t-on besoin du dicastère pour la doctrine de la Foi ?
Les croyants ont le droit à ce que la foi leur soit présentée de manière authentique. Une communauté qui n’est pas capable de corriger les erreurs, qui sont directement nuisibles à son identité, finira par se dissoudre.
Toute communauté semble avoir des mesures, des procédures, pour préserver, autant que possible, l’authenticité de ses croyances.
Comme dominicains, on sait ça. Saint Dominique croyait que si vous aviez de mauvaises idées, c’était mauvais pour vous, pour vous-même. Aussi, on ne peut pas dire être « pastoral » sans être « vrai » en ce qui concerne la proclamation de la Foi. En gros, si vous avez le cancer, et que vous allez chez le docteur, s’ il vous dit : « non, vous allez bien, ne vous faites pas de soucis ! ». Alors vous rentrez à la maison, et finalement vous mourrez. Il ne vous a pas dit la vérité. Aussi cette connexion entre la vraie doctrine et la vraie vie chrétienne, la Vérité dans un sens, est comme ça [intimement reliée]. Aussi, quelque chose que le pape dit, est que l’importance de la congrégation [le dicastère] pour la doctrine de la foi n’est pas simplement théorique, pour atteindre une certaine clarté dans la formulation de la foi. Non, C’est pour le salut. C’est une compréhension salvifique de la vérité.
Monseigneur Augustine di Noia
Monseigneur Augustine di Noia est dominicain de la province de Washington, il est secrétaire-adjoint de la congrégation pour la doctrine de la foi depuis 2013.
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