1. Peut-on parler de Dieu ?
Frère Guillaume :-Il y a un nouveau projet pour Théodom, on va faire une série sur Dieu. Qu’est-ce que tu en penses ?
Frère Ghislain-Marie : Faire une série sur Dieu ? Mais tu es fou, ça veut dire que tu veux parler de Dieu ? Mais tu es sûr qu’on a le droit ? Tu sais que les Juifs n’avaient pas le droit de prononcer son Nom, ni même d’en faire des représentations. Et tu voudrais faire de beaux discours ?
Frère Guillaume : Théodom, théologie avec les dominicains. Théologie, ça vient du grec, theos et logos, ça veut dire parler de Dieu.
Frère Ghislain-Marie : Je t’arrête tout de suite. Logos, c’est la parole, ok. Mais au sens du discours rationnel. Or tu sais bien que notre pauvre petite raison ne peut pas enfermer l’immensité de Dieu. Dieu est toujours plus grand que ce que nous pouvons concevoir.
Frère Guillaume : Tu oublies la Bible. Dieu lui-même utilise des mots humains pour faire voir qui Il est. Nous pouvons parler de Dieu parce que c’est Lui qui a commencé à le faire !
Frère Ghislain-Marie : Je m’incline, mais il me faut quand même te mettre en garde. On ne peut pas utiliser le langage humain n’importe comment.
D’abord, parce que les mots humains ont une histoire. Par exemple, le mot ‘sagesse’ vient de sapor en latin, qui signifie goûter, savourer. La sagesse c’est ce qui a de la saveur quand on l’étudie. Mais quand on dit que Dieu est sage, cela ne veut pas dire bien sûr qu’il est comme un bon gâteau au chocolat. Contempler Dieu a une saveur mais cela ne produit pas de salive… !
Ou bien les mots sont associés à notre expérience. Par exemple quand on dit que Dieu est Père. La paternité chez nous, a une origine biologique : le père c’est d’abord le géniteur même si on peut étendre ensuite ce mot au père adoptif. Or en Dieu pas de biologie, pas de procréation. Dieu est père en créant sans intermédiaire physique ou biologique. Notre manière de concevoir la paternité doit donc être purifiée.
Frère Guillaume : Donc Dieu n’est pas vraiment sage et Dieu n’est pas vraiment Père.
Frère Ghislain-Marie : Je dirais plutôt : Dieu n’est pas sage comme nous, et Dieu n’est pas Père comme nous.
Frère Guillaume : Finalement, autant dire qu’on ne sait rien de Dieu. J’ai une idée : on va faire une série Théodom sur ce que Dieu n’est pas. Alors : Il n’est pas fini, Il est même infini ; rien ne lui échappe, Il est même tout-puissant ; Il ne change pas, Il est même immuable ; Il n’est pas plusieurs dieux, donc Il est un. On va pouvoir dire plein de choses.
Frère Ghislain-Marie : J’ai comme l’impression qu’il y a une entourloupe. On ne peut pas parler de Dieu mais en fait on pourrait quand même en parler.
Frère Guillaume : Non, j’utilise la voie négative. On va pouvoir parler de Dieu mais en gardant à l’esprit les précautions que tu mentionnais sur les mots qu’on utilise. Par exemple, Dieu est bon puisqu’Il est la source de toute bonté. Mais Il n’est pas bon comme nous sommes bons. Dieu n’est pas bon comme un grand-père gâteux. Il est bon, mais de manière bien plus éminente que nous-mêmes.
Frère Ghislain-Marie : Je comprends. Donc, si je te suis bien, on pourrait aussi dire que Dieu est Père. Non seulement parce qu’il est notre père, mais même parce qu’il est à l’origine de toute paternité. Cela me rappelle un verset de saint Paul :
« C’est pourquoi je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom » (Ephésiens 3, 14-15).
Frère Guillaume : Exactement. Il est même tellement père, qu’il n’est pas seulement père au sens masculin. Mais Il a aussi des entrailles comme une mère. Il est un modèle pour tout parent, qu’il soit père ou mère.
Frère Ghislain-Marie : Ah oui. Donc on fait vraiment de la théologie. On utilise ce que Dieu nous dit dans la Bible pour purifier nos mots humains un peu déficients, pour voir que Dieu est au-dessus. Mais on arrive quand même à parler de Dieu, parce que ces mots disent bien quelque chose sur Dieu, même si c’est de manière déficiente.
Frère Guillaume : Donc c’est parti. On va pouvoir lancer cette série sur Dieu. En fait, on aura plein de choses à dire. Mais nous resterons prudents quand même !
frère Ghislain-Marie Grange
frère Ghislain-Marie étudie la théologie de saint Thomas d'Aquin à Fribourg et il l'enseigne au couvent de Toulouse.
frère Guillaume Petit
En 2020, frère Guillaume est dominicain au couvent de Bordeaux, où il est aumônier au lycée de la Sauque.
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