5. Dieu, celui qui est.
Qui est Dieu ? Eh bien, Dieu le dit Lui-même dans la Bible : « Je suis celui qui suis » (Exode 3, 14). Euh, je n’ai rien compris. Qu’est-ce que ça veut dire ? N’est-ce pas une manière de ne pas répondre à la question ? Alors, ouvrons la Bible pour voir ce que cela signifie.
Dieu est saint
La Bible le montre clairement : Dieu n’est pas un être comme les autres.
Il est au-dessus de tout ce que nous connaissons. « Je suis Dieu, et personne n’est semblable à moi », dit Isaïe (Isaïe 46, 9).
C’est ce que signifie à l’origine le mot hébreux « qadosh ». Ce qui est saint, c’est ce qui est séparé du reste, séparé du profane.
Mais pourquoi Dieu est-Il saint ? Parce qu’Il n’est pas comme nous. Dieu n’a besoin de rien pour vivre ni de personne, alors que nous avons sans cesse besoin de manger et que nous sommes dépendants d’autres personnes.
Dieu est toujours vivant, sans aucune faiblesse, alors que nous sommes souvent fatigués et parfois même malades.
Dieu est éternel, alors que nous avons été créés et que nous ne sommes sur terre que pour un temps.
Isaïe 40, 28 : « Yahvé est un Dieu éternel, créateur des extrémités de la terre. Il ne se fatigue ni ne se lasse, insondable est son intelligence. »
Dieu est sanctifiant
Dieu est saint, Dieu est séparé. Mais cela ne signifie pas qu’Il reste dans son coin, qu’Il garde tout son être pour Lui. Dieu est aussi sanctifiant : Il répand sa sainteté pour que nous puissions y participer.
Dieu est vivant, et Il donne la vie aux créatures. Et quand nous sommes fatigués, Dieu nous redonne des forces.
Isaïe 40, 30-31 : « Les adolescents se fatiguent et s’épuisent, les jeunes ne font que chanceler, mais ceux qui espèrent en Yahvé renouvellent leur force. »
Dieu est sanctifiant, non pas comme une force ou un réservoir d’énergie. Mais comme quelqu’un qui aime, qui agit pour sa créature, qui l’illumine pour qu’elle suive le bon chemin. Et Il peut même nous faire participer à sa sainteté, à sa propre vie, pour que nous soyons saints comme Lui par la grâce.
« Je suis celui qui suis ». Cela signifie que Dieu a en lui toute la richesse de l’être, de la vie, de la sainteté. Et qu’Il communique cette richesse à l’homme. C’est le nom de Dieu… et aussi le nom du Christ.
Dans l’Evangile, quand les gardes arrivent au jardin des Oliviers pour arrêter Jésus, il leur répond : « C’est moi » [afficher : ego eimi = c’est moi = je suis]. Mais on peut traduire aussi par « Je suis » (Jean 18, 6). Et quand Jésus dit cela, les gardes s’effondrent, comme effrayés par la puissance divine. Le Christ donne son nom, mais il donne son nom divin.
Un point de contact avec la philosophie grecque
Les Pères de l’Église, les premiers chrétiens qui ont réfléchi au mystère de Dieu, ont vu dans l’expression « Je suis celui qui suis » une occasion providentielle de rencontre avec la philosophie grecque. Déjà certains livres bibliques avaient utilisé la philosophie grecque, par exemple le livre de la Sagesse.
Parce que la philosophie a déjà cherché à connaître Dieu par la raison. Par exemple, Platon affirme que Dieu est le Bien suprême. Ou bien Aristote affirme que Dieu est pure activité, c’est-à-dire un jaillissement de vie qui ne s’arrête jamais. Ou encore, Aristote fait de la recherche sur l’être la plus haute sagesse.
Toutes ces affirmations vont être utilisées, remodelées, christianisées, pour rendre compte de la foi au Dieu chrétien. Saint Thomas d’Aquin, au 13ème siècle, affirme que Dieu est l’Être même, que le nom « Celui qui est » est le nom qui convient le mieux à Dieu. Pourquoi ?
Parce que l’être est ce qu’il y a de plus universel [1. Universalité]. Tout ce qui existe est, tout ce qui existe a l’être ; or Dieu est la source de tout ce qui existe. Il est celui qui est signifie qu’Il a l’être en lui-même, qu’Il est l’être même qu’Ili va donner aux créatures.
D’autre part, « je suis » est une expression au présent, toujours actuelle [2. Actualité]. Dieu n’est pas celui qui était, ou celui qui sera. Mais Dieu est celui qui est, c’est-à-dire celui qui est toujours présent, c’est-à-dire celui qui est éternel.
Bien sûr ce n’est pas cela que l’auteur humain de l’Exode a en tête. Il n’entendait pas nous donner un traité de philosophie en quelques lignes. Mais ici, l’affirmation de la Bible va dans le même sens que ce qu’ont pressenti les philosophes antiques au sujet de Dieu. À tel point que certains Pères de l’Église ont prétendu qu’ils avaient lu l’Ancien Testament et avaient en quelque sorte copié dessus. On ne sait rien de leurs antisèches, mais ce qu’on sait, c’est que cette formule de quelques mots « Je suis celui qui suis » est une formule abyssale qui a nourri des générations de chercheurs de Dieu.
frère Ghislain-Marie Grange
frère Ghislain-Marie étudie la théologie de saint Thomas d'Aquin à Fribourg et il l'enseigne au couvent de Toulouse.
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