Lorsque j'ouvre ma Bible, est-ce vraiment la Parole de Dieu ? Est-ce vraiment Dieu qui me dit dans le livre du Deutéronome : « Tu lapideras ton fils désobéissant » ? (Deutéronome 21, 18-21). Pourtant, je dis dans le Credo : « Je crois en l'Esprit-Saint, il a parlé par les prophètes ». Je crois en l'inspiration de la Bible : je crois que l'Esprit de Dieu me parle dans les textes bibliques. Je vous propose d'abord de voir ce qui peut poser problème, avant d'essayer de rendre compte rationnellement de cette foi en l'inspiration des Écritures.

Quelques difficultés liées à la Bible

D'abord, deux difficultés, ce que dit la Bible et la manière dont la Bible nous parvient.

La première difficulté : le contenu, ce que dit la Bible. Il y a dans la Bible des choses qui sont scandaleuses, du point de vue de la morale et du point de vue de la vérité scientifique. Sur le premier point, l'exemple que j'ai pris tout à l'heure est parlant : lapider un fils désobéissant.

Sur le second point, on ne peut plus croire ,aujourd'hui, que le monde a été créé en une semaine, comme semble pourtant l'affirmer le récit de la Genèse. Dieu se serait-il trompé ? Ou nous aurait-il menti ?

L’histoire de la Bible

La seconde difficulté concerne l'histoire de deux points de vue : l'histoire racontée par la Bible, l'histoire de la Bible elle-même.

L'histoire racontée par la Bible : il y a des événements historiques, des faits. Par exemple, la destruction du temple de Jérusalem en 586 avant Jésus-Christ par les armées de Nabuchodonosor ; mais il y a aussi des interprétations de l'histoire, des tentatives d'explication de ce qui s'est passé: ainsi, la destruction du temple en 587 est comprise comme la conséquence terrible et logique des péchés du peuple qui a rompu l'alliance avec Dieu. Des événements réels, des interprétations de l'histoire… et puis, aussi, de pures et simples inventions, comme parexemple l'histoire de Jonas dans le ventre de la baleine…

L'histoire de la Bible elle-même : on sait que la Bible a été écrite sur plus d'un millénaire, par beaucoup d'auteurs différents. Ce n'est qu'au bout de ce long processus historique qu'on aboutit à la Bible, ce qu'on appelle le « canon des Écritures », c'est-à-dire cet ensemble de textes écrits et composés à des époques différentes que l'Église reconnaît comme inspirés par Dieu. La Parole de Dieu aurait donc une histoire ?

Ne serait-il pas beaucoup plus raisonnable que Dieu ait parlé en une seule fois, à une seule personne ?

On pourrait reformuler la question de cette manière : est-il raisonnable de croire que la parole de Dieu soit contenue par des paroles et des histoires humaines ? On ne peut pas prouver/démontrer que la Bible est Parole de Dieu, mais on peut montrer que notre acte de foi est raisonnable. Pour cela, je vous propose deux pistes de réflexion données par l'Église lors du concile Vatican II : c'est la comparaison avec Jésus Christ, et la question des auteurs humains.

Incarnation et révélation

Croire en Jésus-Christ, c'est croire qu'il est à la fois Dieu et homme. C'est ce qu'on appelle l'Incarnation : nous croyons que le Fils de Dieu est descendu du ciel pour entrer dans la chair des hommes et pour entrer dans l'histoire des hommes. Comparativement, on peut dire que, dans la Bible, la Parole de Dieu descend dans la langue des hommes et dans leurs histoires.

Mais si la Parole de Dieu descend dans la langue humaine, elle le fait par l'intermédiaire d'auteurs humains. Les écrivains bibliques sont de vrais auteurs, avec leurs mentalités et leur imagination, avec leurs talents littéraires et avec leurs limites. Dieu est l'auteur principal de la Bible, mais il utilise les talents et la liberté des auteurs humains.

La Bible, le canon des Écritures, est donc bien une parole humaine : avec ses beautés, avec son histoire, avec ses limites et avec ses imperfections. Mais Il est raisonnable de croire que Dieu a choisi cet instrument pour se mettre à hauteur d'homme. En conséquence, croire que la Bible est Parole de Dieu interdit une lecture fondamentaliste, c'est-à-dire une lecture qui pense que Dieu parle directement, sans aucun intermédiaire historique et humain : il est nécessaire d'interpréter, pour entendre la Parole de Dieu à l'intérieur de la parole humaine.