8. Ai-je ou suis-je un corps ?
Frère Jean-Baptiste : « Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus beau ! »
VOIX OFF : c’est toi Jean Baptiste… mais je ne vais pas te mentir, si tu ne fais pas un peu plus de sport et que tu ne manges pas un peu plus de protéines…ne revient pas me poser la question !
Frère Jean-Baptiste : Bon, moi je crois que je vais changer de miroir…
Et oui, nous le savons bien, le paraître l'emporte souvent sur l'authenticité, l'apparence physique a pris beaucoup d'importance. Longtemps caché et diabolisé, notre corps est désormais notre carte de visite : ce corps est mien, je suis mon corps.
Toutefois, aussi étrange que cela puisse paraître, nous considérons que ce corps ce n’est pas vraiment moi, c’est un autre que moi. C’est le « corps objet », ce corps idéalisé des tops modèles, médiatisé à outrance dans la publicité.
Ce corps que je suis prêt à faire suer à tout prix pour garder la ligne, mais qui, parfois aussi me fait suer…, ce corps qui me fait mal, qui fait souffrir…. Un corps, qui dans ces circonstances, j’aimerais bien pouvoir oublier et, si je le peux, m’en libérer !
Alors, suis-je un corps ou ai-je un corps ?
Une telle question met en jeu notre conception de l’homme, autrement dit une anthropologie. Et si l’on regarde de près l’histoire de la pensée, on peut constater différentes manières de définir ce qu’est l’être humain, ce composé de corps et d’esprit.
Le dualisme
Nous avons le dualisme qui défend la thèse que l’homme est une « dualité irréconciliable de substances », à savoir le corps et l’esprit.
Et selon que l’on soit platonicien ou cartésien ce dualisme se conçoit différemment :
Pour un platonicien, le corps est la propriété de l’esprit : « je suis un esprit qui possède un corps et le dirige ».
Pour un cartésien, en revanche, ces deux principes sont comme « mêlés et fondus » ensemble : « l’esprit n’est pas logé dans le corps comme un pilote dans son navire », affirmera Descartes ! « En effet, poursuit-il...
VOIX OFF : « si un bateau percute un iceberg et cela crée un trou dans la coque seul le bateau est touché, le pilote ne ressent aucune souffrance physique à l’égard de cette blessure dans la coque du bateau. »
Et pourtant c’est bien le pilote et le navire qui sont en péril. Ainsi Descartes soutient l’idée que bien qu’ayant un corps, on peut dire aussi que je suis un corps !
Le monisme
A l’opposé de ce dualisme, nous avons le monisme, qui, quant à lui, défend la thèse que l’homme est composé d’une seule et unique substance, le corps ou l’esprit.
Les petites sœurs du monisme sont donc le matérialisme (l’homme n’est que son corps), pour lui je ne suis qu’un corps, et le spiritualisme (l’homme n’est que son esprit), pour lui je ne suis qu’un esprit
Des anthropologies que l’on peut retrouver dans le transhumanisme, ce mouvement qui pense l’homme 2.0, une vision de l’homme où coexiste aussi bien une vision matérialiste (l’homme et la machine ne font qu’un) qu’une vision spiritualiste (l’homme du XXIème siècle doit-être augmenté, un vivant sans limites, qui doit s’extraire de ce corps qui, précisément, le limite dans sa condition humaine).
Alors ai-je un corps ou suis-je un corps ?
Une anthropologie chrétienne duelle
Ce détour par la philosophie nous montre bien que la réponse à cette question n’est pas si simple. Sans chercher à prendre parti pour l’un ou l’autre philosophie, l’anthropologie chrétienne postule l’unité essentielle du corps et de l’esprit. Il s’agit d’une anthropologie duelle : l’être humain est un esprit uni à un corps.
Je ne suis pas seulement mon corps, mais je ne peux pas me penser sans mon corps. Je ne peux pas réduire mon identité à mon corps.
VOIX OFF : Et Dieu dans tout ça ? Y a-t-il une théologie du corps ?
Façonné par Dieu, ce corps qui est le mien est la « charnière du salut », comme le dit Tertullien.
Dieu s’est fait chair, il a pris un corps, pour habiter notre monde et sauver l’humanité. Le corps est donc le chemin que Dieu a pris pour sauver les hommes. Mais en sens inverse le corps est aussi le chemin de l’homme vers Dieu, car selon St Paul, c’est dans notre corps qu’il nous faut glorifier Dieu (Romains 12,1).
frère Jean-Baptiste Rendu
Le frère Jean-Baptiste Rendu est titulaire d'une licence canonique en théologie à l'Université de Fribourg (Suisse). En 2021, il vit au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, il est aumônier de lycée et accompagne un groupe Even. Il est aussi responsable de Jubilatio-Jeunesse-Dominicaine, qui promeut les événements de la Province Dominicaine de France à destination des étudiants et jeunes pro (18-35 ans).
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