2. L’âme et le corps, unis après la mort.
Le corps d’un homme mort, ce n’est pas un homme et pourtant ce n’est pas un objet. Le trouble que nous ressentons en présence d’un mort nous invite à penser que le corps est indissociable de la personne, unique et irremplaçable mais qu’il n’est pas la personne, car lorsqu’il n’y a que le corps, ce n’est pas la personne. La tradition chrétienne, en considérant la mort comme dissociation du corps et de l’âme, se donne le moyen de penser cela. Un cadavre, c’est un corps sans âme, et de ce fait promis à une dissolution rapide, l’âme étant principe de vie et d’unité pour le corps. Mais il faut aussi dire, et c’est moins fréquent, que dans cette dissociation, l’âme est, comme le dit S. Thomas, « en état de violence » ; elle ne peut connaître la plénitude de la béatitude tant qu’elle est séparée du corps. Et le même saint Thomas a été obligé de penser une sorte d’anthropologie transitoire pour les âmes séparées, car c’est un état dont on pourrait dire qu’il ne convient pas à l’âme. Elle est faite pour être unie à un corps. Aussi nous ne goûterons la plénitude de la béatitude qu’après la résurrection de la chair, la réunion de l’âme et du corps.
frère Jean-Marie – L’être humain est donc considéré dans la foi chrétienne comme l'union d'un corps et d'une âme. Cette question devient extrêmement à la fois difficile et stimulante si on essaie de rendre compte de cette réalité ô combien mystérieuse qu'est le corps d'un être humain qui est mort.
frère Jean-Baptiste – Eh oui, parce que le corps d'un homme mort, ce n'est pas un homme, ce n'est pas non plus un objet : c'est un cadavre. C’est un un cadavre devant lequel on ne fait pas n'importe quoi, un cadavre à qui on doit respect, un cadavre qui est porteur d'une certaine dignité. Devant ce cadavre, ce corps qui n'est pas un homme, nous en ressentons aussi un certain trouble et ce trouble en fait est assez intéressant parce qu'il nous permet de rendre compte, là aussi de penser, qu'on ne peut pas penser le corps sans la personne, que la personne est indissociable de son corps.
frère Jean-Marie – En effet c'est bien connu, que dès qu'il y a une société humaine, il y a des rites funéraires. C'est l'un des signes que les anthropologues reconnaissent comme l'apparition de l'homme et c'est très important de voir que depuis que l'humanité existe et même dans des périodes plus récentes, lorsqu'on a pu avoir quelquefois une conception très matérialiste de la vie humaine, on ne se comporte pas devant le cadavre comme devant un déchet. On sait bien combien c'est insupportable de voir des images de moments où on a traité des cadavres sans respect.
Donc ce n'est plus un homme, ce n'est plus une personne et pourtant il porte la marque, la trace de cette personne et c'est pour ça que nous lui devons respect. Donc je pense que c'est très important ce que tu disais, cela montre bien que le corps fait partie intrinsèquement de la personne humaine et qu'en même temps un corps laissé à lui-même, si on peut dire, un corps sans âme, ce n'est plus une personne humaine.
Que deviennent ces âmes séparées ?
frère Jean-Baptiste – C'est là que la pensée chrétienne, la tradition chrétienne, est intéressante parce qu’elle nous permet de penser la mort comme séparation du corps et de l'âme, comme dissociation du corps et de l'âme. En effet parce que ce corps n'est plus animé par une âme qui est son principe de vie, qui est son principe d'unité et bien ce corps, ce cadavre est soumis à la dissolution. Comment rendre compte de ces âmes séparées, que deviennent ces âmes séparées ? Saint Thomas je crois parlera en fait d'état de violence.
frère Jean-Marie – Eh bien oui, c'est quand même la grande question : si on dit que l'âme n’est elle-même qu’unie à un corps et que le corps n'est lui-même qu'uni à l’âme, alors du côté du corps devant la mort, ça permet de comprendre que le corps disparaît d'une certaine manière. Le corps n'a plus ce principe d'unité mais l’âme ?
Thomas d’Aquin, va dire que dans l’attente de la résurrection de la chair où l’âme retrouvera cette union avec le corps qui est son lieu naturel si on peut dire, l’âme est dans un état de violence… Alors il ne s’agit pas d’une violence au sens où elle serait soumise à une violence, mais il s’agit presque d’un état d'inconfort, où elle n’est pas tout à fait bien. Ce qui veut dire qu'elle ne va pas pouvoir goûter pleinement la béatitude, le bonheur que Dieu nous promet, tant qu'elle n'est pas réunie à ce corps.
La résurrection de la chair
Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le fait que dans la foi chrétienne nous croyons à la résurrection de la chair parce que ça veut dire que notre corps va participer au bonheur que Dieu nous a préparé pour l'éternité… pas mal comme perspective !
frère Jean-Baptiste – Et donc à la fois la réalité de la mort nous permet de penser en fait l'unité indissociable du corps et de l'âme, du corps et de l'esprit e aussi la réalité de la mort nous permet aussi de penser notre destinée, que l'homme en fait ne pourra atteindre pleinement son bonheur et sa béatitude que quand il y aura cette réunion de l'âme et du corps, la vie bienheureuse et donc toute la cohérence aussi du mystère de la foi qui proclame, qui confesse, cette vérité de foi que l'homme est appelé à être un vivant devant Dieu avec son corps et son âme, ce qui fait son identité la plus fondamentale et le plus réelle.
Donc cette perspective de la résurrection de la chair nous permet de penser la dignité du corps humain, ce corps qui participe pleinement de notre humanité et ce corps qui participe aussi à notre relation à Dieu.
ThéoDom a aussi traité de la question de l'incinération dans cette vidéo : https://www.theodom.org/incineration
frère Jean-Marie Gueullette
Titulaire d'un doctorat en médecine et d'un doctorat en théologie catholique, frère Jean-Marie Gueullette a obtenu l'habilitation à diriger les recherches en histoire moderne. En 2020 au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, il enseigne la théologie morale à l'Université Catholique de Lyon.
frère Jean-Baptiste Rendu
Le frère Jean-Baptiste Rendu est titulaire d'une licence canonique en théologie à l'Université de Fribourg (Suisse). En 2021, il vit au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, il est aumônier de lycée et accompagne un groupe Even. Il est aussi responsable de Jubilatio-Jeunesse-Dominicaine, qui promeut les événements de la Province Dominicaine de France à destination des étudiants et jeunes pro (18-35 ans).
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