3. Comment lire un récit biblique ?
Nous sommes ici pour apprendre à lire la Bible ! Nous avons vu comment lire un évangile mais il n’y a pas que des évangiles dans la Bible ! Il y a plein d’autres histoires, pourquoi ne pas essayer de redécouvrir les grands récits que nous connaissons tous si bien ! L’histoire d’Adam et Eve, d’Abraham, de Moïse ou encore de David, Nous les connaissons tous ! Mais les avons-nous vraiment lus ou nous sommes nous contentés de les voir en résumé dans des films ou des bandes dessinées pour enfants ? Il serait peut-être temps d’aller voir à quoi ils ressemblent vraiment ! Mais comment lire un récit biblique ?
Un exemple : le buisson ardent (Exode 3)
Essayons avec un exemple concret ! S’il y a bien un récit important dans la Bible c’est bien l’histoire de la sortie d’Égypte racontée dans le livre de l’Exode. Je vous propose d’aller voir au chapitre 3 le passage où tout a commencé, lorsque Dieu apparaît à Moïse sous la forme d’un buisson brûlant sans se consumer. Nous allons lire une bonne partie de ce passage. Et pour ne pas en rester à une lecture superficielle je vous montrerai comment utiliser plusieurs de mes 7 outils de lecture bibliques ! Finalement cela nous amènera au 2ème de mes 5 conseils pour lire la Bible. Allons-y ! Redécouvrons ensemble ce récit bien connu !
« Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? »
Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! »
Il dit : « Me voici ! »
Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. »
Moïse se voilà le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu.
Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel, vers le lieu où vivent le Cananéen, le Hittite, l’Amorite, le Perizzite, le Hivvite et le Jébuséen. Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. »
Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? »
Dieu lui répondit : « Je suis avec toi. Et tel est le signe que c’est moi qui t’ai envoyé : quand tu auras fait sortir d’Égypte mon peuple, vous rendrez un culte à Dieu sur cette montagne. »
Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? »
Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : ”JE-SUIS”. »
(Exode 3, 1-14, traduction liturgique, AELF)
L’histoire continue encore sur tout un chapitre mais arrêtons-nous là !
Le symbolisme
Commençons l’analyse avec un outil que je n’ai pas utilisé la dernière fois l’outil SYMBOLISME ! C’est l’outil qui permet de voir les symboles qu’utilise le texte. L’utiliser c’est se demander : est-ce que le texte suggère un message par les images qu’il emploie ? Ce que nous voyons ici c’est qu’il y a quelque chose de bizarre ! D’un côté le fait de retirer ses sandales ou de se voiler la face, renvoie bien à la présence terrifiante de Dieu, mais de l’autre ce petit buisson en flamme ne ressemble en rien à une apparition divine : où sont le tonnerre, les éclairs et les tremblements de terre ! D’ailleurs dans un premier temps Moïse ne craint pas de s’approcher et Dieu semble même attendre qu’il le fasse ! En nous intéressant aux symboles présent ou absent dans le texte nous voyons donc que cette apparition a quelque chose de paradoxale : douce et terrible à la fois comme ce buisson qui brûle sans se consumer !
La mise en scène
En utilisant l’outil MISE EN SCÈNE qui, je le rappelle, fait apparaître les effets scénaristiques ou rhétoriques du texte, nous découvrons que le texte va plus loin dans la bizarrerie : En effet chacune des interventions divines déçoit aussitôt les attentes qu’elle avait elle-même suscitées ! (1) Dieu dit « j’ai entendu le cri de mon peuple, je descends le délivrer » puis, comme s’il rectifiait : « j’ai entendu leur cri, donc c’est toi qui va aller les sortir de là ! » (2) ensuite il promet un signe à Moïse pour motiver le peuple à le suivre mais le signe c’est après être sorti d’Égypte. Dieu les attendra sur cette montagne … Pas très convaincant ! (3) et enfin quand il accepte de révéler son nom à Moïse le résultat c’est « je suis qui je suis » ! On comprend mieux pourquoi Moïse n’a pas l’air très motivé…
La critique historique
Mais utilisons aussitôt le dernier outil que je n’ai pas encore présenté : l’outil CRITIQUE HISTORIQUE ! Cet outil met en lumière l’importance du contexte historique pour la compréhension du texte que nous étudions. L’utiliser c’est donc se demander : Est-ce qu’une meilleure connaissance de l’époque où le texte a été écrit me permettrait de mieux le comprendre ? Ici nous apprenons qu’à l’époque connaître le nom d’une divinité c’était posséder le pouvoir magique de l’invoquer. Le Dieu d’Israël se révèle donc différent, supérieur à toutes ces divinités ! Sur lui on ne peut pas mettre la main car il est au-delà de tout ! Israël l’apprendra peu à peu : Il est le seul vrai Dieu, la source de tout ! Voilà pourquoi on ne peut pas vraiment le nommer autrement que « celui qui est » !
La théologie
Avec l’outil THEOLOGIE qui nous apprend ce que la tradition a dit de ce texte nous voyons d’ailleurs que ce passage sera repris par beaucoup de théologiens et de philosophes chrétiens qui y verront la révélation de Dieu comme la source de tout ce qui est, la source de l’existence même ! De leur côté les rabbins juifs feront plutôt remarquer le lien entre ce nom mystérieux et la promesse que Dieu avait faite à Moïse juste avant : « je suis avec toi » ! En révélant son nom Dieu se définit par sa présence fidèle : il est avec Moïse comme il était avec ses pères et comme il sera avec le peuple sur la montagne !
L’abandon à l’Esprit Saint
Si nous finissons une fois de plus par l’outil ABANDON A L’ESPRIT SAINT nous pourrions être saisis en découvrant que le message de ce texte est plus profond que nous l’avions pensé de prime abord ! Le récit du buisson ardent ne raconte pas seulement comment Dieu vient nous sauver mais nous enseigne qu’au fond Dieu nous sauve par seul sa présence ! Il ne vient pas faire les choses à notre place mais il vient les faire avec nous !
Conseil n°2 : Un texte est toujours nouveau
J’espère que l’étude de ce texte vous aura convaincu qu’on ne connaît jamais un texte biblique aussi bien qu’on le croit ! C’est le 2ème de mes 5 conseils pour lire la Bible : Conseil n°2 : Lire vraiment. Ne jamais se dire « je connais déjà » un texte biblique est à chaque fois nouveau !
Vous connaissez maintenant mes 7 outils et 2 de mes conseils : la Bible et ses mille récits vous ouvrent ses portes ! Et pourquoi ne pas tout simplement commencer par aller redécouvrir le début du livre de l’Exode !
frère Pierre de Marolles
Frère Pierre de Marolles est frère dominicain de la province de Suisse. Après des études à Fribourg, En 2021, il poursuit un doctorat à Louvain-la-Neuve, où il continue de travailler sur l'Apocalypse.
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