12. Comment fabrique-t-on des saints ?
Comment le pape peut-il déclarer que telle ou telle personne, qui a vécu au vingtième siècle est sainte, alors qu’il n'y a rien dans les Saintes Écritures sur cette personne ? Et le pape déclare qu’elle est sainte. Mais l’Église sait ce qu’est la sainteté, donc l’Église peut discerner la sainteté dans ses membres. Et la déclaration officielle de l’Église qu'une telle personne est sainte (béatifiée), c'est la reconnaissance par l'Eglise de ce que c’est que la sainteté, vécue réellement à une époque donnée.
Béatification, canonisation, de quoi parle-t-on ?
La canonisation c'est un fait dogmatique. L’Église déclare que cette personne est sainte et qu’elle est un modèle pour l’Eglise universelle. On peut alors demander l'intercession de ce saint, alors que la béatification donne seulement la permission pour un culte local. C’est aussi une déclaration de la sainteté de cette personne.
Est-ce que le pape s’est déjà trompé dans une canonisation ?
Le pape dans la déclaration de béatification, suit les suggestions du Saint-Esprit. La déclaration de béatification dit que le saint est au ciel. Or nous ne pouvons pas dire que le pape s’est trompé, parce que nous ne pouvons pas donner de preuves. Est-ce que quelqu'un n'est pas au ciel ? C'est un mystère !
C’est le pape qui, attentif aux suggestions du Saint-Esprit, déclare la sainteté. Le processus de canonisation aide le pape à arriver à la certitude morale nécessaire à la déclaration. Néanmoins la décision du pape n'est pas basée sur le travail historique, c’est un processus. Le procès est seulement une aide dans la prudence du pape avant qu'il déclare la canonisation.
Quelles sont les étapes pour déclarer saint ?
Quand il y a une demande de béatification, présentée par les fidèles qui gardent en mémoire une personne, l'évêque du lieu, là où la personne est décédée, demande au Saint-Siège la permission d'ouvrir un procès. A ce moment, la personne est déclarée servante de Dieu.
Et puis on fait une recherche historique. On essaie de trouver les témoins, les personnes qui ont connu le candidat à la béatification, ou au moins les personnes qui ont entendu dire que la personne était exemplaire. Et on essaye de trouver le plus grand nombre de témoins. Avec les années qui passent, quelquefois c'est difficile.
Donc on cherche la documentation sur la personne : le certificat du baptême et des autres sacrements, les études qu’elle a menées, les œuvres qu’elle a écrites, mais aussi les articles, les livres écrits sur la personne après sa mort. On fait une recherche dans les archives…
Et puis, il y a deux chemins. (1) Soit on essaie d’établir que la personne a vécu une vie vertueuse. (2) Soit, dans le cas des martyrs, on essaie d'établir que la personne a été tuée vraiment à cause de la Foi, avec la haine de la Foi. Dans le cas de martyrs on ne cherche pas à regarder si la vie était vertueuse, parce que le vrai martyr a une immense valeur de sainteté : on peut avoir eu des défauts avant. Donc, soit on cherche à savoir si les vertus étaient héroïques, soit on essaie d'étudier le martyr.
L’enquête
Et les résultats de cette enquête sont envoyés à la Congrégation des saints, (au Dicastère pour les causes des saints). Et puis il y a une version plus courte, appelée « positio », qui compte souvent mille pages, mais plus courte, avec toute la documentation. On demande à trois historiens de regarder la documentation et de donner un jugement : est-ce que toutes les archives disponibles ont été étudiées ? Trois historiens donnent leur avis sur la qualité du travail historique.
Et puis on demande aussi à trois théologiens de lire les œuvres écrites par les candidats et de donner un jugement sur la qualité de ces œuvres : est ce que les choses écrites sont en accord avec la Foi ? On étudie les lettres, les homélies, et parfois, les livres. Tout ça est mis dans la positio.
Et finalement la Congrégation demande leur avis à une dizaine de consulteurs. On cherche des consulteurs qui viennent de différents pays. La plupart ce sont des gens qui habitent ici à Rome, des professeurs des universités romaines qui viennent de différentes nations. Ils ont des regards, des points de vue différents.
L’héroïcité des vertus
Et chacun doit lire et présenter un texte écrit. Si c’est dans le cas des vertus : « est-ce que les vertus ont été héroïques ? » La question est posée à nous, consulteur selon notre compréhension des vertus. Et aussi est ce qu’il y a une renommée de sainteté ? Est-ce que dans la vie de la paroisse, dans le diocèse, dans l'ordre, on a gardé un souvenir ? Est-ce que, pour la prochaine génération cette personne est restée comme un modèle, comme quelqu'un qui peut être proposé comme exemple ?
Le martyr
Dans le cas de martyr, il y a d’autres questions.
D'abord, il faut établir le martyr, les circonstances matérielles dans lesquelles la personne a été tuée. Ce doit être vraiment une mort pour le Christ. On s’intéresse donc d'abord aux faits matériels.
Puis, on étudie l'aspect formel. Est-ce que ce candidat à la béatification était prêt à donner sa vie pour le Christ. Est ce qu'il avait la générosité ? Il avait peut-être peur de la mort, mais est-ce qu’il avait le désir de donner sa vie en témoignage. Quelquefois dans les homélies, dans les lettres, il y avait des témoignages de cette attitude sérieuse.
Et puis, ce qui est le plus difficile, c’est l’étude de la motivation de ceux qui ont tué. Est ce qu'il y avait la haine de la Foi : audium fidei. C’était peut-être seulement une haine de la population, ou une haine politique, ou une guerre, une guerre civile ...
Le miracle
Enfin, le résultat de la consultation est présenté à la Congrégation. Ils votent et puis les choses vont au pape, qui peut décider, ou non.
Et on attend un miracle : ça c'est un signe aussi de renommée de sainteté. Quelqu'un qui a prié dans un cas concret, dans une situation difficile, par l’intercession de ce candidat. Et une personne a été guérie.
Cela peut arriver que tout soit préparé et que le pape dise non, parce qu’ il y a quelques autres situations, politiques, sociales ou ecclésiales qu’il prend en compte. Mais peut être que 50 ans après, le pape dira oui parce qu'au final c'est le mouvement de Saint-Esprit que le pape reçoit dans sa prière personnelle.
Et ma grand-mère ?
Nous pouvons être convaincus que notre grande mère était magnifique et quelquefois nous pouvons aussi demander l'intercession de notre grand-mère décédée. Mais on ne peut pas le faire publiquement dans l'église. On peut avoir un rapport spirituel avec les personnes que nous avons connues.
On peut être convaincu qu'elles sont saintes mais pour faire le procès, ça coûte très cher. Et donc en conséquence il y a toujours très peu de laïcs qui sont béatifiés. Et c'est un peu dommage.
On a pensé que la sainteté c'est la perfection morale, mais pas nécessairement. La sainteté c’est la rencontre de nos faiblesses avec la force de Dieu.
frère Wojciech Giertych
Wojciech Giertych, dominicain de la province de Pologne, est théologien de la Maison Pontificale depuis 2005. Il est aussi consulteur du dicastère pour la causes des saints.
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