3. Catholique, c’est écologique ?
A trop proclamer la dignité de l’homme, les chrétiens n’ont-ils pas justifié aussi des excès dans l’exploitation de la nature ? Comment comprendre l'invitation divine à dominer et soumettre la création ?
Soumettre et dominer
Soumettre, dominer… Comment voulez-vous qu’un chrétien qui doive soumettre et dominer la création puisse se soucier d’écologie ? Et puis c’est bien connu : avec de tels commandements, les chrétiens sont les premiers responsables du désastre écologique. Un chrétien qui parle d’écologie ne peut pas être crédible. Et pourtant, si, il l’est.
Ainsi, dès le commencement, Dieu soumet toute sa création au pouvoir de l’homme. Et l’homme semble bien avoir tout pouvoir. Il est gentil le bon Dieu : mais quand on regarde le monde, on ne peut pas dire qu’il ait fait le bon choix ; l’homme s’est livré à un véritable pillage des dons de la nature. Et pourtant cette création, y compris celle de l’homme, est bonne, comme nous allons le voir. Mais alors qu’est-ce qui légitime ce pouvoir de l’homme, mis à part que c’est Dieu qui le lui a donné ? Il faut le justifier également. Et finalement, n’y a-t-il pas erreur sur le sens du mot « pouvoir », sur le sens des termes bibliques « dominez » et « soumettez » ? Quelle est donc la vraie mission de l’homme ?
La bonté de la Création
Nous avons dit que la création est bonne. Qu’est-ce qui permet de le dire ? Cela tient au fait que Dieu est bon. Il est la Bonté même. La création n’est qu’un effet, un débordement de sa bonté. Dieu a créé le monde pour pouvoir communiquer sa bonté aux créatures, et que cette création représente la bonté divine. C’est ce que saint Thomas d’Aquin développe dans la Somme de Théologie. Ainsi Dieu a multiplié les créatures et cela donne une profusion d’êtres vivants allant de l’organisme unicellulaire à l’homme. Et Dieu aime sa création : quand il l’eut achevée, Dieu vit que « cela était très bon ».
L’homme, co-créateur de Dieu
Au cœur de ce chef-d’œuvre, Dieu a créé l’homme, à son image et à sa ressemblance. L’homme a ainsi vocation à représenter Dieu dans l’univers créé. L’homme est donc l’intendant de l’œuvre de Dieu, ce qui le place en quelque sorte « au-dessus » des plantes et des animaux. C’est ce qui légitime le pouvoir confié à l’homme. En tant qu’intendant, l’homme est appelé à collaborer à l’œuvre de Dieu. En ce sens, l’être humain est co-créateur : il a pour mission d’accompagner la création jusqu’à la fin des temps en faisant fructifier le bien de son Seigneur : la parabole des talents vaut aussi et même d’abord pour le monde que Dieu nous a confié, et nous en serons redevables.
Le péché originel
A l’origine, cette gestion devait se faire sans violence. Mais le péché originel n’a pas introduit un désordre qu’entre Dieu et l’être humain d’un côté et entre l’homme et la femme de l’autre, il a aussi introduit un désordre dans la gestion de l’œuvre de Dieu. Et qui dit désordre dit violence. Ainsi, « soumettez la terre » qui aurait dû être compris comme « mettez la terre en valeur » est devenu une exploitation sans limite des ressources naturelles. Quant à la domination à exercer sur les animaux, elle confine parfois à la barbarie. Et que dire de l’exploitation de l’homme par l’homme ?
Gérer la Création confiée par Dieu
Il nous faut donc retrouver le sens originel des verbes soumettre et dominer. Il s’agit bien de gérer cette création qui nous est confiée, du mieux possible. Le terme hébreu traduit par « soumettez » contient la connotation de la mise en valeur, comme le jardinier met en valeur son jardin. Une réaction très actuelle à tous les abus et toutes les dérives est de vouloir attribuer les mêmes droits aux hommes et aux animaux. Mais l’antispécisme – cette opinion selon laquelle êtres humains et animaux ont les mêmes droits – est un contre-sens au regard de la volonté de Dieu. La réponse se trouve ailleurs, dans ce que le pape François appelle une « écologie intégrale », c’est-à-dire une écologie qui va certes s’intéresser à la protection de l’environnement, mais qui va étendre cette protection aux dimensions économique, sociale, culturelle et spirituelle. Ce n’est pas une idée complètement nouvelle : déjà, dans les années 1930, le philosophe Jacques Maritain avait développé cette idée d’un humanisme intégral qui prendrait en compte toutes les dimensions de l’homme. La question environnementale s’est rajoutée depuis. L’écologie chrétienne est donc résolument humaine : en rendant à tout être humain sa dignité et sa place dans la société, elle permet à l’homme d’honorer pleinement la mission confiée par Dieu car pour rendre à l’homme sa grandeur, il faut prendre soin de la création, des petites bêtes aux écosystèmes complexes, qu’ils soient naturels ou sociaux.
En résumé, la création est bonne car elle est l’œuvre de Dieu qui est bon. Au cœur de cette création, il a placé l’homme et lui a confié la gestion du monde en lui demandant de soumettre la terre et de dominer sur ce qui y vit. Mais lorsque Dieu nous invite à soumettre la terre et à dominer les êtres vivants, il nous invite à prendre soin de nos frères en humanité, ce qui nous conduira à avoir une gestion plus sage des ressources naturelles de notre planète et des richesses de nos sociétés. Si t’es catho, t’es écolo !
sœur Marie-Laure Larcher
sœur Marie-Laure Larcher est dominicaine du Saint-Nom-de-Jésus. En 2020, elle est professeur de sciences-physiques et chimie et réside dans la communauté de Toulouse. Elle est membre du Groupe Albert-le-Grand qui rassemble des dominicain(e)s réfléchissant sur des questions scientifiques.
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