3. Le baptême de conversion, dans la BIble
Dans nos régions, si le baptême est généralement conféré aux jeunes enfants, il l’est de plus en plus souvent à des adultes. Ces derniers ont vécu quelque chose de particulier sur le plan spirituel qui les a poussés à vouloir s’approcher de Dieu, après cette expérience intérieure, avancer sur un chemin de découverte de la foi, le catéchuménat. C’est souvent un grand changement de vie, une conversion qui fait parfois que la manière de vivre ou de percevoir les choses a bougé.
Le baptême de Jean
À l’époque de Jésus existaient des mouvements « baptistes » le long du Jourdain. Parmi ceux qui pratiquaient ces baptêmes de conversion, l’histoire a retenu le nom de l’un d’entre eux : Jean, surnommé le Baptiste. Alors que ce dernier baptisait en Judée, sa réputation s’étendait loin, jusqu’au nord de la Galilée, à la cour du Roi Hérode Antipas (Marc 6, 20),
Jean pratiquait un baptême de conversion, les gens se présentaient sur une rive du Jourdain, proclamaient tout haut leur péchés en décidant intérieurement de se convertir, plongeaient dans le Jourdain et ressortaient de l’autre côté sur l’autre rive, en étant comme nés à une vie nouvelle, en ayant plongé tous leurs péchés dans l’eau du Jourdain pour y être noyés.
Il y avait aussi d’autres baptiseurs tels que d’humbles pêcheurs de la mer de Galilée (Lac de Tibériade), comme André, Jean…
Par l’évangile de Jean, nous savons que ce dernier, André et d’autres étaient des disciples du Baptiste (Jean 1). Sans doute étaient-ce des hommes ayant soif d’essentiel pour avoir quitté leur région et y rejoindre ce lieu de conversion. C’est là au cœur de leur recherche que Saint Jean dira avoir vu un « homme qui allait et venait » (Jean 1, 36) sur les hauteurs être venu recevoir le baptême de Jean-Baptiste, malgré les réticences de ce dernier. Quand il écrit son évangile au soir de sa vie, Saint Jean cite avec précision l’heure à laquelle il a vu Jésus pour la première fois (c’était « vers la dixième heure » (Jean 1, 39) – quatre heures de l’après-midi) ; cette heure, cette rencontre a changé sa vie. Il a ensuite suivi Jésus jusqu’à la croix, comprenant plus avant le sens de ce baptême trois années auparavant.
La signification de l’eau
Jean baptisait dans l’eau. La signification de l’eau peut varier en fonction du fait que le mot soit utilisé au singulier ou au pluriel. Comme dans de nombreuses langues sémitiques, l’eau au singulier est toujours symbole de vie, telle l’eau d’une fontaine ou d’une source. En revanche, les eaux au pluriel désignent les masses d’eau telles que les mers ou les grands lacs et sont davantage symboles de mort ou de danger. S’aventurer en navigation sur la Grande Mer (la Mer Méditerranée aujourd’hui) ne se pratiquait pas en toutes saisons d’une part, mais d’autre part, on essayait toujours de rester le plus possible en vue d’une côte. La mer, symbole de forces occultes de mort. Il en va de même pour comprendre le baptême de conversion ; il comporte ces dimensions de mort et de vie, dans le sens où celui qui se convertit, qui change, est prêt à laisser mourir en lui certaines choses qui ne sont pas nécessaires pour s’ouvrir mieux à d’autres choses qui correspondent à ce qu’on appelle « une vie nouvelle dans le Christ ».
Les eaux de la mort peuvent engloutir notre péché. Nous avons besoin de puiser à la bonne source pour vivre de la vie du Christ ; c’est lui qui est la source d’eau vive, « où iras tu puiser cette eux disait la samaritaine ? tu n’as rien pour puiser ! » et de comprendre par après qu’il est lui même la source d’eau vive
La conversion est le centre de notre vie chrétienne, vouloir changer son cœur .. qui pourrait dire : « moi je n’ai rien a à changer, tout est bien en moi .. »
C‘est parfaitement inconfortable de vivre avec des gens qui ont toujours raison, qui n’ont rien à changer ! en revanche c’est beaucoup plus confortable de vivre avec quelqu’un qui a suffisamment d’humilité pour reconnaître qu’il y a des choses qui pourraient s’améliorer, avancer vers quelque chose de plus harmonieux.
Vivre dans le christ, c’est avoir cette capacité de décision de changer ce qui doit l’ être et de consolider ce qui peut être. L ‘effort de conversion c’est un effort de toute la vie, de sorte que celui qui est baptisé et qui a reçu le pardon de tous ses péchés, est bien conscient qu’après son baptême il continue à pécher.
Le baptême, une conversion une fois pour toute ?
Le baptisé est conscient de l’importance de sa décision de conversion, à reprendre tout au long de sa vie chrétienne. Ainsi, le baptême ouvre aux autres sacrements, notamment celui de la pénitence ou de la réconciliation, appelé communément « confession ». La confession est souvent approchée avec réticence. Le chrétien ne perçoit pas pourquoi il devrait « avouer » ce que Dieu sait déjà, ni pourquoi il a besoin de l’intermédiaire de quelqu’un (un prêtre) pour s’adresser à Dieu en cette matière. C’est là un exercice de grande humilité, mais aussi de grande maturité. Le baptisé désire garder sa vie plongée en Jésus qui a confié les clés à Saint Pierre : « tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans le ciel, tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans le ciel » (Matthieu 16, 19). La confession est comme un moment d’arrêt où le chrétien prend le temps de regarder calmement dans le « rétroviseur de sa vie » et, avec le recul, de reconnaître en toute simplicité qu’il y a des choses qu’il n’aurait jamais dû faire, jamais dû dire, ou en tout cas pas comme ça, ou pas à ce moment-là. Ou, au contraire, qu’il savait mais qu’il n’a rien fait, rien dit alors qu’il aurait pu. Et dans le fond, le regretter sincèrement et décider que si c’était à refaire, il ferait autrement, avec la grâce de Dieu. Pour enfin demander : « Seigneur, est-ce que tu peux me pardonner ? » Cette simple démarche ouvre le cœur du croyant à rester attaché à la grâce baptismale que Dieu a faite de tout pardonner à un moment donné. Il prend au sérieux le don de Dieu reçu dans ce baptême.
La conversion, qu’est-ce que c’est ?
La conversion du cœur aide le baptisé à trouver sa juste place et donc à laisser Dieu avoir la sienne. Souvent, nous pensons que Dieu est partout et, qu’à ce titre, il doit être « disponible » quand nous nous adressons à Lui. Nous Lui parlons si on est de bonne humeur, si on a le temps, si on est « à ça », si on n’est pas en vacances ou le contraire. Sans compter le fait qu’Il est prié de répondre à nos demandes rapidement… C’est le même raisonnement qui nous pousse à estimer que le rendez-vous dominical n’est pas si important puisque Dieu est « à disposition ». Nous risquons de devenir un seigneur dans notre vie spirituelle, parfois pour les meilleurs prétextes. Je ne vais pas aller à la messe car je n’y serais pas vraiment présent à cause de mes préoccupations, comme si nous étions le tout de cette rencontre. Dieu est à la merci de nos décisions. Pourtant, si nous avions un membre de notre famille ou un être aimé hospitalisé aujourd’hui, probablement que nous ferions tout pour nous déplacer auprès de lui, malgré tous nos agendas surchargés. Il ne s’agit pas là seulement d’un déplacement physique extérieur mais aussi d’un déplacement de tout notre être intérieur, dans la mesure où cela nous bouleverse. La question de se sentir appelé par Dieu, bouleversé par Lui, nous déplace, nous bouge, nous change, nous convertit. Il est alors vraiment le Seigneur, Celui pour Qui on se déplace, on change.
La conversion et la confiance en Dieu
La méfiance ou la défiance font alors place progressivement à la confiance. Ainsi, nous quittons les discours accusateurs contre Dieu : « quand tu vois le mal dans le monde, on se demande pourquoi Dieu ne fait rien ». Car il va de soi que nous ferions le bien mieux que Lui bien évidemment… Le baptême ne brise pas notre liberté humaine d’avancer dans la vie de manière lumineuse ou pas. Nous apprenons à écouter le Seigneur et à changer de perspective et de posture pour ne pas commettre d’imposture. Nous percevons que si le mal existe, il est encore et toujours inscrit dans « l’amour de Dieu », dans la mesure où il est l’exercice possible de notre liberté. Dieu pourrait empêcher le mal immédiatement, mais il ne le fait pas. Un jour, Jésus introduit ses amis à cette réalité en racontant l’histoire d’un semeur (Matthieu 16, 24-43), qui fut averti le lendemain de son beau travail du fait que de l’ivraie poussait au milieu du bon grain, au risque de lui porter grand préjudice. Mais, lorsque les serviteurs posèrent la question bien normale d’enlever cette ivraie, le semeur répondit « non ». Cette réponse peut paraître scandaleuse mais elle est avant tout le témoin de la confiance indéfectible de Dieu en notre capacité de conversion et de faire face au mal. Le chrétien ne reçoit pas un baptême magique mais découvre jour après jour comment vivre ce baptême dans des relations justes, ajustées avec les autres et avec Dieu, le poussant à toujours convertir son regard, sa pensée. Il n’y a pas de réelle vie chrétienne sans conversion.
L’idée de conversion est cependant souvent perçue comme difficile, pesante. Pourtant, ce n’est pas toujours vrai. Il est souvent préférable de vivre avec des personnes qui sont capables de changer, d’évoluer, de se convertir. C’est tellement plus confortable et plus heureux. Il est en effet tellement pesant de vivre aux côtés de quelqu’un qui ne change jamais, qui a toujours raison et n’est réceptif qu’à lui-même, égocentrique. La conversion suppose cette sortie de soi, cette capacité de remise en question susceptible d’ouverture à l’autre et même au Tout-Autre.
Dieu est Celui qui se tient dans l’invisible avec une bienveillance infinie et cette bienveillance infinie appelle notre conversion, nous pousse à changer par amour. Le chrétien croit que le péché n’a pas le dernier mot, que Dieu peut tout pardonner et quand il reçoit le baptême, il reçoit le pardon de ses péchés puisqu’ il est plongé dans la mort et la résurrection du Christ. Il entre déjà dans la vie éternelle ; Dieu peut tout pardonner, c’est l’espérance fondamentale du chrétien et tout au long de sa vie, le chrétien vit cet effort de conversion qui l’a mené à recevoir la grâce baptismale, en en prenant soin, c’est le sens de la confession, c’est le sens de la conversion durable. C’est Dieu en fait qui nous aide à nous convertir jour après jour.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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