3. Apocalypse 4 à 5 : les animaux divins
Apocalypse veut dire “révélation” et pas “fin du monde”. En disant cela on pourrait avoir l’impression que l’Apocalypse est comme une fenêtre ouverte dans le ciel. Dans une sorte de voyeurisme divin, il suffirait de lire ce livre pour savoir à quoi ressemble le ciel ! Mais si on prend les visions au pied de la lettre, ça fait une sacrée ménagerie ! Il y a des fauves et des oiseaux, des vieux rois qui côtoient des animaux de ferme, et comme il se doit, des anges en pagaille ! En plus l’Apocalypse n’a sûrement pas été écrite pour satisfaire notre curiosité. Il y a sans doute quelque chose à comprendre, à interpréter. Mais interpréter, ce n’est pas si simple…
Les chapitres 4 et 5 de l’Apocalypse décrivent la grande vision de Jean dans le ciel. C’est donc un bon endroit pour apprendre à interpréter les images de l’Apocalypse.
Regardons le plan : Après les 3 premiers chapitres, où il se trouvait sur l’île de Patmos, Jean est transporté au ciel. Ce changement de décor implique une nouvelle section qui se poursuivra jusqu’au chapitre 12, voire même jusqu’à la fin du chapitre 16.
Les images du chapitre 4
Arrêtons-nous à cette grande vision présentée dès le chapitre 4. Que nous décrit Jean ?
- Un trône et quelqu’un sur ce trône (qui restera mystérieux) ;
- 24 anciens en vêtement blanc qui portent des couronnes, jouent de la musique et offrent des parfums ;
- 4 « vivants » qui ressemblent l’un à un lion, l’autre à un taureau, le troisième à un homme, et le dernier à un aigle.
Il faudrait encore ajouter, pour que le tableau soit complet, des éclairs et du tonnerre, 7 torches enflammés et une mer comme du cristal…
Devant une telle image nous pouvons nous sentir un peu démuni…
Un dictionnaire des symboles : l’Ancien Testament
Et pour cause ! Le langage symbolique que parle le livre de l’Apocalypse est pour nous comme une langue étrangère ! Nous avons besoin d’un dictionnaire ! Le dictionnaire de ces images, c’est l’Ancien Testament ! Si nous ne comprenons rien, c’est parce que nous ne connaissons pas les Écritures aussi bien que les connaissaient l’auteur de l’Apocalypse et ses lecteurs !
Si nous étions plus habitués à la Bible, les éclairs, le tonnerre, le feu et la mer de cristal nous auraient aussitôt rappelé la montagne du Sinaï où Moïse a reçu les tables de la loi !
Les 24 anciens qui offrent de l’encens et de la musique, eux, auraient dû nous évoquer aussitôt le temple de Jérusalem où les prêtres se répartissaient en 24 classes pour offrir des sacrifices d’encens et chanter les louanges de Dieu.
Le trône et les vivants quant à eux, évoquent les visions des prophètes qui ont vu et décrit la gloire de Dieu (comme Isaïe ou surtout Ézéchiel).
Pour Jean, découvrir tout cela dans le ciel n’est pas un scoop ! Tous ces éléments sont dans le langage biblique, une manière classique de décrire la gloire et la majesté de Dieu.
Une synthèse
Ce qui est déroutant c’est que l’Apocalypse semble vouloir tout dire en même temps et rassembler toutes les images de l’Ancien Testament dans une seule image. L’Apocalypse récapitule, synthétise et rassemble, tout ce que les Ecritures révélaient de Dieu dans une seule vision : c’est grandiose ! Mais pour nous qui n’avons pas l’habitude, c’est l’overdose !
La nouveauté révélée
Cependant, tandis qu’il nous bombarde d’images classiques, le texte dit pourtant quelque chose de radicalement nouveau : un nouvel invité à la cour céleste qui va tout changer ! La situation au ciel est en effet présentée comme quelque peu bloquée :
« J’ai vu, dans la main droite de celui qui siège sur le Trône, un livre (…) scellé de sept sceaux. (…) Mais personne, au ciel, sur terre ou sous la terre, ne pouvait ouvrir le Livre et regarder » (Apocalypse 5, 1-3)
Comme s’il symbolisait le mystère de Dieu lui-même, le livre qui est dans sa main reste scellé ! Et alors que tous se demandaient qui serait assez puissant pour ouvrir le livre, voici qu’apparaît :
« Un Agneau debout, comme égorgé (…) Il s’avança et prit le Livre dans la main droite de celui qui siégeait sur le Trône » (Apocalypse 5, 6-7)
C’est là, le grand bouleversement de cette vision de Jean ! Voici qu’un fragile petit agneau vient ouvrir les mystères de la gloire de Dieu !
L’Agneau
Nous n’avons pas besoin cette fois-ci d’un long détour par l’Ancien Testament pour savoir qui représente cet agneau ! C’est Jésus que Jean le baptiste avait désigné comme « l’agneau de Dieu » dans une image géniale exprimant à la fois toute l’innocence et la pureté mais aussi le sacrifice pour les péchés. En le représentant comme « égorgé », c’est-à-dire offert en sacrifice, et pourtant « débout », l’Apocalypse prolonge cette image en un superbe symbole de la résurrection : celui qui a donné sa vie par amour est vivant par-delà la mort !
Dieu partage avec le Christ
A peine cet agneau a-t-il touché le livre que le ciel explose de joie ! Et cela aussi c’est une révolution ! Car les louanges du ciel étaient jusque-là réservées à Dieu seul ! C’est un mouvement permanent dans l’Apocalypse : tout ce qui était réservé à Dieu seul dans les Écritures, est transféré au Christ.
La victoire du Christ, présente et future
Mais il y a plus ! En effet, le fait que la première grande vision de l’Apocalypse soit cette « intronisation » de l’Agneau, est lourd de conséquence ! D’habitude dans un livre, on attend les dernières pages pour nous offrir la révélation finale, nous raconter la victoire du héros ! Même dans l’Ancien Testament, le salut de Dieu était généralement promis par les prophètes au futur ! Ici dès le début du livre, on nous révèle d’ores et déjà que le Christ est vainqueur de la mort, qu’il est Dieu et qu’il est acclamé au ciel ! C’est encore un trait caractéristique de l’Apocalypse : elle n’annonce rien au futur qu’elle n’ait déjà dévoilé au présent ! Si elle déclare victorieux les martyrs et perdants les bourreaux, c’est parce que la victoire est déjà acquise dans le Christ ! Pas de consolation pour demain mais une joie à découvrir dès maintenant !
frère Pierre de Marolles
Frère Pierre de Marolles est frère dominicain de la province de Suisse. Après des études à Fribourg, En 2021, il poursuit un doctorat à Louvain-la-Neuve, où il continue de travailler sur l'Apocalypse.
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