8. Comment vivre l’adoration ?
Frère Jean-Christophe : Adorer c'est reconnaître la grandeur de Dieu et le fait que nous sommes simples créatures devant lui, mais dans le Christianisme, l'adoration a ceci de particulier que le Dieu qu'on adore, est venu en Jésus-Christ. Il s'est fait homme et cette humanité de Jésus-Christ se manifeste dans l’Eucharistie : « Sous l’humble hostie, dit le cantique, j’adore Dieu, vrai pain de vie ».
Où adore-t-on l’Eucharistie ?
Frère Jean-Christophe : Je me rends à l'église pour l'adorer. Adorer Dieu dans l’Eucharistie implique que l'on se rende dans un espace public consacré à ce culte. Et donc c'est reconnaître par quelques côtés la volonté de Dieu, la volonté de Jésus de se donner d'abord à l'Eglise et à travers l'Eglise, à moi.
Sœur Marie-Pierre de la Croix : En général je l’explique assez simplement aux enfants, à l'école. Voilà, je leur dis que nous allons adorer Jésus dans l'hostie consacrée qui est sur l'autel dans l'espèce de soleil. Voilà, un espèce de soleil qui s'appelle un ostensoir. Je leur dis que Jésus est présent dans l'hostie sur l’autel, dans ce qu'on appelle l'ostensoir, le soleil qu'ils voient sur l’autel. On installe des petits tapis devant l’autel. On se met à genoux. On s'incline en arrivant. Je me mets dans une position confortable, dans laquelle je peux rester bien une demi-heure sans bouger.
Dans quel état d’esprit est-on quand on adore l’Eucharistie ?
Sœur Marie-Pierre de la Croix : J'essaie de faire vraiment le vide, de laisser un peu tous mes soucis, tous mes problèmes à la porte de la chapelle pour vraiment être disponible.
Frère Mathieu-Marie : Je crois que le combat est moins présent durant l'adoration. Il y a quelque chose de plus paisible. Effectivement les lumières sont tamisées, il y a des bougies, il y a plein de choses qui nous aident à rentrer justement dans cette prière, dans ce face-à-face en fait.
Sur quoi médite-t-on pendant l’adoration ?
Frère Mathieu-Marie : Au couvent de Nancy c'est assez intéressant parce que lorsqu'on fait adoration, qu'on pose l'ostensoir sur l'autel, avec la perspective se dégage à l'arrière-plan un grand crucifix, qui est au fond de l'église. Et quand je vois le Christ qui est là dans l’Eucharistie et derrière, cette croix, je ne peux pas m'empêcher de penser à ce cœur ouvert du Christ. En fait on pourrait imaginer que l'Eucharistie c'est la porte ouverte sur le cœur du Christ, comme le trou béant qui a été fait par le soldat romain dans le côté du Christ, un côté où on pourrait rentrer, s'engouffrer. On pourrait aller se cacher, se réfugier mais surtout accueillir toutes les grâces qui découlent du cœur du Christ, grâces de miséricorde, grâces de consolation, grâces d'amour, grâces d'espérance. En tout cas cette perspective avec ce grand crucifix me fait penser à ça. Et du coup parfois je dis : « Seigneur, je me cache simplement dans ton côté. » Ce côté qui a été ouvert pour toute l'humanité, le côté où, nous dit Saint-Jean, a jailli le sang et l'eau.
Frère Jean-Christophe : L’oraison, elle procède de la méditation. L’oraison c'est d'abord une prière de demande, donc cela implique que l'on médite les promesses de Dieu pour qu'elles deviennent l'objet de ma demande. Le principal objet de cette demande c'est de recevoir Dieu lui-même dans la vérité de sa présence.
D’où vient la pratique de l’adoration eucharistique ?
Frère Jean-Christophe : Il y a une histoire de l’oraison qui commence avec les moines. Elle procédait de l'office qui se chantait en latin. Alors, les moines étaient appliqués à bien chanter les louanges divines, mais ils ne parvenaient pas à s'appliquer au contenu du texte qu'ils chantaient. D'où la nécessité qu'ils ont vite éprouvée de se retirer et de méditer les textes qu'ils avaient chantés, pour en faire précisément l'objet d'une oraison silencieuse, de demander ce que Dieu avait promis dans les Psaumes.
Et ensuite l’oraison a eu pour objet de jouir s'il était possible, de la seule présence de Dieu. C'est ce que l'on appelle l’oraison de présence. Et cette pratique s'est développée en dehors de l'office divin à partir de la Renaissance. On peut faire oraison partout mais faire oraison devant le Saint Sacrement en vue d'une oraison de présence, précisément cela a beaucoup de sens, bien sûr.
Est-ce que l’on peut vivre des expériences fortes pendant l’adoration ?
Frère Mathieu-Marie : aux JMJ à Cologne, en 2005, je vais me confesser, le prêtre me donne l’absolution, je vais me recueillir devant le Saint-Sacrement, et là boom ! la rencontre fatale qui changera le cours de ma vie... Je fais l'expérience de l'amour du Christ, un volcan jaillissant en moi, un feu qui me brûle, mais qui est bon. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J'avais pas envie que ça s'arrête. J'étais croyant avant, mais là, j'ai rencontré quelqu'un. C'est une expérience qu'on ne peut pas expliquer et qu'on ne peut pas oublier en fait. Et parfois, quand c'est difficile, quand je peux douter, je me ré appuie sur cette expérience très particulière, fondamentale aussi dans mon histoire, dans mon histoire sainte. Le Christ m'a rejoint et je me suis laissé rejoindre.
Quelle expérience peut-on faire pendant l’adoration ?
Sœur Marie-Pierre de la Croix : Et puis je leur dis : « voilà on va prendre un temps de silence, de cœur à cœur avec Jésus. Il te regarde, tu le regardes, il te parle, tu lui parles. » De fait, je leur dis souvent que s'ils s'arrêtent juste à ce qu'ils voient avec leurs yeux physiques, ils ne verront pas grand-chose. Donc ils doivent vraiment ouvrir leur cœur, ouvrir les yeux de leur cœur pour pouvoir véritablement voir Jésus. Pour adorer, je trouve que parce que c'est vraiment un moment de prière, vraiment assez intense, où on parle vraiment à Jésus, on essaie de l'écouter. Ecouter ce qu'il a à nous dire. En fait on est présent, voilà. Cela dépend de l'esprit dans lequel j'arrive. Il m'arrive de trop parler, alors j'essaie de me dire : « Non, là tu y vas gratuitement, pour être avec Jésus. »
Les pépites qu'on peut souvent vivre à l'adoration c'est quand vraiment on a entendu Dieu nous parler. Tu vois, personnellement je sais que c'est à l'adoration que j'ai vraiment expérimenté la rencontre de Jésus dans ma vie, vraiment. C'est un moment où j'étais vraiment pas très bien et je lui ai dit : « Bon là, par contre, si tu existes, fais quelque chose. » Et on va dire qu'il m'a répondu après... donc c'est vrai que je garde ce moment-là en mémoire.
Frère Mathieu-Marie: C'est vraiment l'expérience d'un ami qui parle à un ami. Le Christ se donne complétement à nous, mais nous ne pourrons jamais le saisir complétement. Il ne faut pas croire que parce que le Seigneur est présent dans ce sacrement, dans ce mystère, nous pouvons le maîtriser, le saisir complétement, le faire nôtre.
frère Jean-Christophe de Nadaï
En 2023, frère Jean-Christophe de Nadaï est frère au couvent Saint-Jacques, à Paris. Il est membre de la Commission Léonine, un groupe de chercheurs qui travaille sur saint Thomas d'Aquin. Frère Jean-Christophe est un homme de lettre, il a publié, entre autres, Rhétorique et poétique dans la Pharsale de Lucain. La crise de la représentation dans la poésie antique, Louvain, Peeters, 2000, Jésus selon Pascal, Paris, Desclée, coll. « Jésus-Jésus-Christ », 2008 et « L’école française de spiritualité sacerdotale », Sources, 2005.
frère Mathieu-Marie Trommer
En 2023, frère Mathieu-Marie Trommer est au couvent de Nancy, d'où il est très engagé en pastorale, auprès des lycéens, des étudiants et des jeunes professionnels.
Soeur Marie-Pierre de la Croix
En 2023, sœur Marie-Pierre de la Croix est familière des sœurs dominicaines du Saint-Nom de Jésus. Elle travaille dans l'enseignement secondaire.
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