1. Le corps et l’âme : l’humain
Comment est-ce que les chrétiens envisagent l’être humain ? Là il va falloir apprendre à compter parce que chez nous, 1 + 1 ça fait 1.
Souvent quand on pense à l’être humain on emploie les termes de « corps et âme », en tout cas en théologie donc 1+1.
Une ou deux entités ?
Ce serait beaucoup plus simple de dire que l’homme n’est qu’une seule entité, de dire que l’homme n’est qu’une âme, alors là c’est le truc de Platon. Et cette âme est temporairement enfermée dans un corps mais ce qui fait l’homme c’est l’âme, et le corps n’intervient pas dans ce qu’elle est… Aujourd’hui ce serait un peu la tentation inverse de penser finalement que l’homme c’ est un corps, qu’on ait des extases mystiques, qu’on soit amoureux ou qu’on soit en colère, tout ça c’est des histoires de neuro-transmetteurs et quand on envisage les sentiments les émotions exclusivement à partir de ce que nous apprennent les neurosciences, on peut avoir l’impression que tout çà c’est une histoire de connexion, une histoire de corps et que l’homme finalement ce n’est qu’un corps et lorsque le corps s’arrête, l’homme s’arrête
La vision chrétienne de l’homme est plus complexe
Dans la tradition chrétienne c’est un tout petit peu plus complexe : l’homme est un corps et une âme, les 2 sont indissociables. Dans la théologie de notre frère Thomas d’Aquin, notre grand théologien dominicain du 13° siècle, qui s’inspirait d’Aristote : « l’âme est la forme du corps » alors n’entendez pas forme au sens physique. Dire cela c’est dire que l’âme et le corps sont liés de manière indissociable, une âme sans un corps ne peut pas faire grand-chose et en particulier ne peut pas penser, parce que quand on pense, on a absolument besoin de ses sens pour entendre, pour lire pour voir le monde et puis le corps humain n’est qu’ un corps humain que s’il est animé, s’il est gouverné, mis en action, mis en vie, on pourrait presque dire, par une âme.
En résumé, une âme sans corps ce n’est pas un homme, un corps sans âme ce n’est pas un homme et c’est pour ça qu’on peut penser que 1+1 ça fait 1, c’est-à-dire un corps uni à une âme, et cela fait CETTE personne-là.
Qu’est-ce que l’âme et le corps ?
Mais on peut se demander l’âme qu’est-ce et le corps, qu’est-ce ? Le corps, c’est peut-être le plus simple, c’est cette dimension matérielle de notre être qui peut être connue, mesurée, par la science et l’âme c’est « l’autre du corps », c’est ce qui en nous n’est pas matériel. Mais une fois encore, c’est très délicat parce qu’une fois cela dit, on pourrait tout de suite avoir la tentation de séparer et de pouvoir penser soit le corps d’un côté soit l’âme de l’autre.
Il faut tout de suite penser que le corps n’est vivant, ne peut agir, ne peut nous permettre d’être présent au monde, aux autres etc. que parce qu’il est animé. Saint Thomas d’Aquin aime bien l’idée du gouvernement : l’âme qui gouverne ne veut pas dire qu’elle écrase le corps mais ça veut dire que c’est elle qui en fait l’unité, qui lui donne vie et qui organise, qui harmonise, synchronise tout ce qui se passe dans notre corps. C’est parce que ce corps dans sa matérialité est animé par cette âme, qu’il est ce corps là et c’est parce que l’union se fait que l’âme peut vivre, que l’âme peut penser, agir, et donc il ne s’agit pas d’envisager la relation corps / âme comme des histoires de poupée russe : un truc dans un autre truc et on pourrait enlever l’emballage pour trouver l’essentiel qui serait à l’intérieur. L’âme n’est pas plus l’essentiel que le corps, le corps n’est pas plus l’essentiel que l’âme.
Conséquences pratiques
Tout cela peut vous sembler planer un peu haut, mais en fait cela a des conséquences très importantes : c’est que dans cette perspective-là, on ne devrait pas pouvoir dire : « ah mon père vous ne vous occupez que des choses purement spirituelles », le purement spirituel ça n’existe pas et le bassement corporel ça n’existe pas. Il n y a rien dans notre existence qui ne soit que corporel, rien qui ne soit que spirituel. Toute notre vie est faite de l’interaction entre les 2. Alors 1+1=1 Mais peut être avez-vous des souvenirs de certains textes bibliques qui ne parlent pas simplement de corps et âme, mais qui parlent de l’homme comme âme, corps et esprit. Alors là c’est 3 et non pas 2.
L’âme et l’esprit ?
« Que votre esprit, votre âme et votre corps soient parfaitement gardés. » (1 Thessalonicien 5, 23)
Je crois que ceci n’est pas très important et que cela ne doit pas être cause de difficultés dans la compréhension parce que quand on distingue âme et esprit, c’est pour se donner la possibilité soit de distinguer un principe d’ordre psychologique, la vie psychique et puis un autre registre de notre existence qui serait l’âme, la relation avec Dieu, soit on va aussi parler de ce qui anime le corps comme étant d’une part un autre « du corps » et d’autre part comme dans la bible, le souffle de Dieu, la RUAH, qui est la source ultime de vie.
En tout cas aujourd’hui, l’enjeu majeur dans la culture scientifique qui est la nôtre, c’est de pouvoir penser que l’homme n’est pas seulement un corps, que l’homme fut-il croyant, n’est pas qu’une âme désincarnée, mais tout l’enjeu est d’arriver à penser notre unité, corps et âme, 1+1=1.
frère Jean-Marie Gueullette
Titulaire d'un doctorat en médecine et d'un doctorat en théologie catholique, frère Jean-Marie Gueullette a obtenu l'habilitation à diriger les recherches en histoire moderne. En 2020 au couvent du Saint-Nom-de-Jésus à Lyon, il enseigne la théologie morale à l'Université Catholique de Lyon.
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