2. L’arianisme, un Dieu rétrogradé ?
Et si Jésus n’était pas Dieu ? Et si Jésus était un exceptionnel maître de sagesse, une sorte de Bouddha chrétien ?
Que Jésus soit un grand homme, presque tout le monde l’admet. Mais pour nous, chrétiens, Jésus n’est pas seulement un grand homme. Il est « vrai homme… et vrai Dieu ». Nier sa divinité, c’est retomber dans une vieille hérésie du IVe siècle : l’arianisme.
L’arianisme
L’arianisme est la doctrine qui a été développée par Arius, un prêtre d’Alexandrie, dans les années 310.
Arius savait que le Fils n’est pas le Père. Dans la Trinité, le Père et le Fils ne sont pas réductibles l’un à l’autre. Mais si l’on dit que le Père est Dieu et que le Fils est Dieu, s’inquiète Arius, alors ça fait deux dieux !
Pour éviter de tomber dans une hérésie aussi énorme, Arius en fabrique une autre : il vide le Fils de Dieu de sa divinité : seul le Père est Dieu, seul le Père est incréé. « Ouf, pense Arius, le monothéisme est sauf ! »
L’hérésie d’Arius porte sur la deuxième personne de la Sainte Trinité : Dieu le Fils. Cette erreur se situe donc en amont de l’Incarnation. Elle ne porte pas directement sur Jésus-Christ, mais sur la personne divine qui existe en Dieu de toute éternité et qui, un jour, s’est incarnée dans le sein de Marie.
C’est donc une hérésie trinitaire, qui consiste à dire que le Fils de Dieu est une créature. Une créature exceptionnelle, et même la première de toutes les créatures. Une sorte de premier de série dont Dieu va se servir pour créer toutes les autres créatures.
Pour asseoir cette idée, Arius s’appuie sur deux genres d’arguments.
Des arguments qu’il tire de la Bible, d’abord. Par exemple, Jésus dit : « Le Père est plus grand que moi » (Jn 14, 28). Le Fils de Dieu semble lui-même affirmer qu’il est « subordonné » à Dieu, qu’il est « sous Dieu », d’un rang inférieur à Dieu. Cette idée est à la base du système d’Arius : si le Fils de Dieu dit qu’il est inférieur au Père, c’est bien qu’il n’est pas de rang divin.
Une autre série d’arguments est empruntée à la logique. Si le Fils de Dieu est « engendré », comme l’écrit saint Jean dans l’Évangile, cela signifie qu’il a un commencement d’existence. C’est donc qu’il y a eu un temps où il n’existait pas. Bref, c’est que le Fils de Dieu est une créature.
Le concile de Nicée en 325
La théorie d’Arius est une simplification grossière de la foi chrétienne. Devant cette réduction du mystère de la Trinité, la réaction ne se fait pas fait attendre.
En entendant les homélies d’Arius, on s’agite, on s’émeut. Ce tintamarre arrive aux oreilles de l’empereur Constantin, qui est chrétien depuis peu de temps.
Constantin réagit. Il réunit près de trois cents évêques près de Constantinople. C’est le concile de Nicée, en 325.
La réponse du concile : le « consubstantiel »
Ce concile, vous en savez déjà l’essentiel ! Parce qu’il est à l’origine d’un texte qu’on récite à la messe : le symbole de « Nicée-Constantinople », le Credo.
Dans le Credo, on reprend un mot clé forgé par le concile : « consubstantiel » (du latin, consubstantialis, qui traduit le grec homoousios). Jusqu’en 2021, on traduisait ces mots par « de même nature ». On disait « le Fils de Dieu est de même nature que le Père. » Cette traduction n’était pas fausse. Mais elle pouvait être mal comprise. Elle peut signifier que le Père et le Fils se ressemblent comme deux gouttes d’eau, mais deux gouttes juxtaposées, et donc séparées. Alors que le concile de Nicée voulait dire que le Père et le Fils étaient une seule et même « substance », autrement dit une seule et même réalité, un seul et même « quelque chose » (Dieu), sans être pour autant le même « quelqu’un » (Dieu le Père n’est pas Dieu le Fils, et vice versa).
En disant : le Fils de Dieu est « engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, et par lui tout a été fait », le concile indiquait que le Fils du Père est le Dieu et Créateur de toutes choses, parce qu’il est « un seul Dieu » avec le Père, ce « Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre ».
Et aujourd’hui ?
L’arianisme a disparu, mais la tendance à vider le Fils de Dieu de sa divinité n’est jamais loin. On veut bien que Jésus soit vrai homme, comme nous. Mais on peine à concevoir qu’il soit une personne divine, le Fils éternel du Père, ce Fils qui est un seul Dieu avec le Père et le Saint-Esprit, et qui s’est fait chair pour nous sauver.
La facilité, c’est de ramener le mystère du Christ à la taille de notre imagination et de notre intelligence. Il ne faut pas oublier qu’en même temps qu’il est notre frère en humanité, Jésus est cette personne divine, sans commencement ni fin.
Enfin, la difficulté à concevoir la consubstantialité des trois personnes divines suggère à des croyants d’autres religions que les chrétiens adorent trois dieux.
Vous l’avez compris : nous adorons un seul et même Dieu, qui est trois personnes consubstantielles, égales, inséparables. Un seul Dieu en trois Personnes, de toute éternité.
C’est difficile à comprendre et à expliquer. En tout cas, c’est une grâce immense qui nous est faite que de croire en ce mystère et d’être baptisé « au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Cette grâce de la foi, cultivons-la !
frère Sylvain Detoc
Frère Sylvain Detoc est docteur ès lettres et docteur en théologie. Il est frère de la province de Toulouse, il enseigne à l'Institut Catholique de Toulouse. Il a publié plusieurs ouvrages : Déjà brillent les lumières de la fête (Cerf, 2023), La Gloire des bons à rien (Cerf, 2022) et Petite théologie du Rosaire (éditions de La Licorne, 2020).
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