5. Le mystère du Saint-Sépulcre
Nous sommes donc ici à côté du tombeau de Jésus, un Jésus mort et ressuscité pour sauver le monde entier, pour lequel il s'était incarné.
Le monde entier est présent ici, à la fois les chrétiens de tous les rites, des Musulmans, des Juifs… Tous ne savent pas pourquoi ils sont ici, mais le fait est que Christ est le rédempteur de chacun, et il vient ici pour sauver toute cette humanité.
La cathédrale du souk
Souvent les pèlerins qui viennent dans cette basilique du Saint Sépulcre sont un petit peu gênés par l'atmosphère que l'on trouve dans ces lieux. Il y a bien des pèlerins de différentes catégories sociales, de différents rites, de différents pays.
En fait cette basilique n'est pas du tout une chapelle de religieuses pieuses mais c'est un lieu qui rappelle étroitement le souk.
A quelques pas de la basilique se trouve également le souk. Les pèlerins aiment beaucoup visiter le souk, un lieu riche en couleurs, riche en odeurs, un lieu qui n'est pas un lieu religieux, un lieu de la vie des gens. Et lorsqu'ils viennent au Saint Sépulcre, souvent, ils sont un petit peu dérangés par ce côté cacophonique de la basilique. Ils aimeraient trouver un lieu beaucoup plus organisé, un lieu beaucoup plus pieux. En fait cette basilique du Saint Sépulcre est un lieu où bien des gens ont des expériences religieuses très importantes mais c'est également un lieu de vie.
Depuis plusieurs siècles, depuis le XIVe siècle pour les Franciscains, des communautés vivent dans cette basilique, c'est-à-dire qu'autour de la rotonde, ici, il y a des petites chambres, des lieux, des couvents où les communautés vivent ensemble dans cette basilique.
De plus les chrétiens viennent du monde entier dans cette basilique et ce qui est un petit peu surprenant, c'est que si ce lieu est un lieu saint pour les chrétiens du monde entier, un lieu lié à la Rédemption du monde entier, eh bien c'est aussi un lieu de prière pour les chrétiens de l'église locale de Jérusalem, ces chrétiens qui habitent dans les souks. Et en fait la vie que l'on trouve dans la basilique du Saint-Sépulcre est quelque part identique à la vie que l'on retrouve dans les rues de Jérusalem.
Et souvent les pèlerins ont du mal à percevoir ceci. Dans la ville de Jérusalem, dans les souks parfois on trouve des magasins qui appartiennent à des Musulmans, dans lesquels des Juifs vendent des chapelets chrétiens. Vous avez parfois des yeshivas de Juifs au-dessus des magasins musulmans. Tout ce monde là est imbriqué, et on retrouve ce même style de vie imbriqué dans la basilique. J'aime appeler cette basilique la cathédrale du souk.
Terre Sainte, lieu de la Trinité
La Terre Sainte a quelque chose de trinitaire.
Dans le désert on rencontre Dieu le Père. Il n'y a rien dans le désert, c'est le propre du désert, c'est là qu'Abraham va faire l'expérience de Dieu.
La Galilée, c'est Jésus. En Galilée on ouvre la Bible et tout de suite on revoit le lac de Tibériade. On revoit à Capharnaüm la synagogue dans laquelle Jésus a eu ce discours sur le pain de vie…etc. Le texte biblique prend immédiatement corps.
Jérusalem, ville de l’Esprit
Ici à Jérusalem il est difficile d'imaginer la scène de la résurrection en ce lieu ou la scène de la crucifixion sur le Calvaire. Ce lieu a été travaillé par l'histoire. C'est un lieu en ville, contrairement au désert ou aux abords immédiats du lac. Et donc ce lieu va être travaillé. Il va être détruit, reconstruit, re détruit re reconstruit. Les pèlerins vont amener leur marque, leur marque de dévotion. Et quelque part, il va être difficile de retrouver la scène évangélique telle qu'elle s'est passée.
Jérusalem est la ville de l'église, donc du Saint-Esprit. En fait à Jérusalem contrairement aux autres lieux, non seulement il y a une église, mais il y a « des » églises, avec leur culture propre. Donc parfois s'il est difficile de rentrer dans une église, il est difficile d'en comprendre plusieurs.
Et en fait je pense que le pèlerin ne doit pas faire l'impasse sur Jérusalem, il ne doit pas faire l'impasse sur le Saint Sépulcre. On n'est pas chrétien uniquement avec Dieu le Père et Jésus mais il est important de rentrer dans un contexte où même si c'est plus difficile, il faut passer par toute cette dimension humaine, par tout ce que l'humanité va ruminer en ces lieux, tout ce que l'Église va inspirer.
Et donc en fait lorsque l'on est pèlerin et qu'on est capable d'associer ces trois dimensions de la Trinité, à mon avis on profite des lieux saints au maximum. Quelque part ça peut paraître moins digeste à recevoir, mais c'est quand même un poids, qui à mon avis est fondamental dans la dimension chrétienne, ce côté incarné de la basilique dans une ville, dans une histoire, dans un monde.
Jérusalem, centre du monde
La ville de Jérusalem dans la théologie juive est au centre du monde. Pour les chrétiens Jérusalem est toujours au centre du monde, le barycentre s'est déplacé du Temple jusqu'au lieu de la mort et résurrection de Jésus, qui est vraiment le centre du monde.
Ici, à Jérusalem, a eu lieu la Pentecôte. C'est ici la ville où l'Église va naître. Et ensuite de Jérusalem, le message évangélique va repartir vers le monde entier. Jérusalem est au centre de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe. D'ici, le christianisme part vers le monde.
Et voilà que des pèlerins retournent aux sources du salut vers cette église mère de Jérusalem, cette église de l'incarnation de la mort et de la rédemption de Jésus. Là reviennent non seulement des pèlerins, mais également des communautés.
Et ce que je trouve très intéressant c'est que dans cette basilique, six communautés sont présentes depuis des siècles : des Coptes et des Éthiopiens donc deux communautés pour l'Église d'Afrique sont présents. Également des Syriaques et des Arméniens : deux communautés pour l'Église d'Asie sont présents. Également des Latins, à travers les Franciscains et des Byzantins : deux communautés pour l'Église européenne. Et donc lorsque l'on vient ici, en fait spontanément on aimerait se sentir chez soi, et en fait lorsque l'on vient ici on est chez soi. Mais on n'est pas que chez soi. On est dans un lieu où le monde entier, toute cette incarnation de l'église va être présente et va être rassemblée.
Cette édicule que l'on trouve ici est comme un aimant, un aimant qui va attirer à lui tous les hommes que le Christ sauve. Le monde entier pour lequel le Christ s’est incarné revient vers ces lieux. Lorsque nous tournons nous, en tant que Latins autour de cette édicule, nous n'oublions pas que les Grecs, les Arméniens, les Coptes, les Syriaques tournent aussi.
Donc en fait nous sommes tous ensemble des satellites d'un même soleil et parfois on aurait l'impression de vouloir être nous le centre, de vouloir être nous, le sujet exclusif de l'Incarnation. Et en fait l'incarnation est quelque chose qui est merveilleux, et qui nous dépasse, et le salut est quelque chose qui n'est pas que pour nous, pour moi, mais pour des gens que je ne connais pas et qui nous dépassent.
frère Stéphane Milovitch, franciscain
Frère Stéphane Milovitch franciscain en Terre-Sainte depuis de nombreuses années. Il occupe plusieurs responsabilités, en particulier au Saint-Sépulcre. Il est liturgiste et responsable des biens culturels de la Custodie de Terre Sainte.
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