2. L’origine du baptême, dans la Bible
Dans l’Ancien Testament, le mot « baptême » ou le verbe « baptiser » sont pratiquement absents. En effet, dans la traduction grecque de la Bible, appelée la Septante, le verbe « baptidzô » apparaît seulement quatre fois (ex : 2 R 5,10-14.). En revanche, ce dernier prend une place beaucoup plus importante dans le Nouveau Testament.
L’étymologie du verbe baptiser
Étymologiquement, le verbe grec « baptô » se disait « surtout de la trempe du fer, de la teinture des étoffes[1] ». Progressivement, l’usage de ce verbe se limita à son application de teinture pour laisser la place au « déverbatif baptidzô – plonger dans, et dans le vocabulaire chrétien baptiser[2] ».
C’est dans cette prise de connaissance de l’origine du verbe que je relis le baptême chrétien comme ce moment de grâce qui oriente notre vie, la colore ou la teinte, pas seulement un vernis extérieur mais aussi de l’intérieur, ce qui la forge (à la manière d’une lame qui était trempée). Quant au verbe « baptidzô », il est vrai qu’il ne viendrait à personne l’idée de plonger n’importe quoi à n’importe quel endroit. La plongée dans la vie chrétienne trouve sa raison d’être au cœur de la Bible, elle a un nom porteur d’espérance : « Jésus-Yeshua – Dieu sauve ». La vie chrétienne est fondée sur l’espérance de celui qui sauve.
Les préfigurations du baptême dans l’Ancien Testament
Est ce que dans la bible nous retrouvons ce verbe grec « baptidzô », dont je viens de parler ? en fait quasiment pas dans tout l’Ancien Testament. Il apparaît quelquefois dans le second livre des rois et sinon il ne réapparaît que dans le nouveau testament. Si dans l’Ancien Testament, les termes relatifs au baptême sont quasiment absents, en revanche, les Pères de l’Église[3] démontreront plus tard, au début de l’ère chrétienne, toutes les « préfigurations » du baptême qui y sont présentes. En effet, ils montreront combien le thème de l’eau, lié au baptême, parcourt la première partie de notre Bible. Ainsi, la Torah souligne que l’Esprit de Dieu planait sur les eaux aux origines de la création. Par exemple, Genèse 1, 2 fait déjà le lien entre les eaux et l’Esprit du Seigneur. Ensuite l’histoire de Noé ou tout était détruit, sauf Noé et son arche. Le déluge met en lumière le « rôle purificateur » et de « nouvelle création » traditionnellement alloués à l’eau. La troisième préfiguration du baptême dans l’Ancien Testament est le passage de la mer rouge (ou mer des roseaux) avec Moïse qui permet aux eaux de « libérer les esclaves, de libérer du péché, libérer des adversaires ».. Les prophètes utiliseront aussi l’eau comme élément purificateur (Zacharie 3, 1 – Ezéchiel 34, 26-28). Le rôle de l’eau dans le baptême trouve des préfigurations dans l’Ancien Testament.
Les ablutions de purification
Si l’eau joue un rôle purificateur dans les préfigurations du baptême dans la bible, il faut savoir que l’eau joue un rôle purificateur dans de nombreuses religions, Dans le judaïsme, le moment qui va être clé pour que l’eau prenne son rôle purificateur de manière importante, est l’exil que va subir le peuple juif à Babylone, c’est à dire le moment où il va être déporté en 587 avant JC par les troupes de Nabuchodonosor et emmenés en esclavage à Babylone dans l’actuel Irak jusqu’à leur libération une cinquantaine d’années plus tard, en 538. Et par caravanes successives, ils vont revenir dans les années 520, 515 avant JC jusqu’à Jérusalem, rebâtir Jérusalem et fonder une nouvelle manière de vivre le judaïsme.
C’est dans ce judaïsme là que l’eau va prendre un rôle singulier, un nombre de rites d’eau purificateurs ou d’ablutions vont faire leur apparition et vont perdurer jusqu’à l’époque de Jésus, en particulier avec les pharisiens.
Dans la société juive, les contemporains de Jésus sont classés en différentes catégories. Les juif pieux qu’on appelait hassidiques qui cherchent la justice, à être pieux devant Dieu, à manifester une attention aux affaires de Dieu et pour manifester cette attention aux affaires de Dieu, ils sont attentifs aux détails de la vie, à vivre une forme de purification permanente qui se manifeste par le lavage des mains, des pieds, toutes sortes de rituels où l’eau a son rôle purificateur. Cette purification extérieure rappelle à tout juif la nécessite de se purifier intérieurement s’il veut vraiment se rapprocher de Dieu. il ne s’agit pas simplement de quelque chose d’extérieur, mais de vivre une conversion profonde qui l’aide à entrer en communication avec son Dieu. L’eau joue une rôle fondamental pour s’approcher de Dieu.
A l’époque de Jésus, les juifs pratiquent des baptêmes, en particulier pour les prosélytes, des païens d’origine, qui désirent embrasser la foi juive[4] . Ces personnes devaient recevoir un baptême d’eau tel que nous le recevons dans le christianisme. De la même façon à l’époque de Jésus, il y avait toute une catégorie de personnes qu’on appelle des mouvements baptistes, qui se trouvaient le long du Jourdain, et qui pratiquaient des rituels d’eau, des baptêmes d’eau où ils espéraient recevoir le pardon de leurs péchés.
L’eau joue aussi un rôle purificateur, dans le sens où cette purification extérieure ouvre celui qui la pratique à celle du plus profond de son être, conscient humblement de cette responsabilité personnelle.
Le baptême de Jean
Saint Jean, dit le Baptiste, pratiquait aussi un baptême sur les bords du Jourdain à l’époque de Jésus. Ce dernier envisageait cette plongée comme un moment important de conversion qui permet au pénitent d’avancer dorénavant dans la vie d’une toute autre manière, celle qui lui semble le plus « correspondre au cœur de Dieu » ; la sincérité de la conversion et l’engagement moral qu’elle suppose faisaient de ce baptême un événement non réitérable, unique, et poussant celui qui le désirait à se décider de manière durable à mener une vie plus « pure ».
Le baptême de Jésus
Si Jésus rejoint un jour son cousin Jean-Baptiste pour recevoir ce baptême, ce n’est pas à cause de ses péchés car il n’a pas péché, mais sans doute pour manifester d’une part sa proximité humble avec les pécheurs dont il partage l’existence terrestre, d’autre part pour annoncer sa mort, cette plongée finale pour laquelle l’évangéliste Jean soulignera que du sang et de l’eau sont sortis de son côté (Jean 19, 34). Le baptême de Jésus marque un tournant en ce sens que la venue de l’Esprit Saint et la voix du Père rejoignent le Fils, invitant ceux qui le reconnaissent comme tel à devenir à leur tour « fils et filles adoptifs du Père dans l’Esprit » et à comprendre progressivement ce que signifie être baptisé dans la mort et la résurrection du Christ. Nous comprenons donc aujourd’hui que notre baptême n’est pas seulement un effet de purification où l’eau jouerait un rôle important, mais où nous sommes en communion avec ceux qui se sont manifestés au baptême de Jésus ; nous cherchons à entendre la voix du Père et à recevoir l’Esprit Saint, notre baptême chrétien est à la fois donc une décision personnelle de conversion de purification mais aussi un début de confession de foi en celui qui est notre Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. Le baptême chrétien c’est donc de plonger dans la vie du Christ, décider de se convertir, de se purifier, pour s’approcher de lui d’une manière qui corresponde à la personne de Dieu, mais c’est aussi croire en sa personne, pas simplement se convertir mais demander la foi, de sorte que celui qui demande le baptême va entrer en catéchuménat.
Le baptême dans la Foi
À l’invitation claire de Jésus (Matthieu 28, 19), les apôtres et disciples baptiseront au nom de Jésus, (Actes 10, 48) mais aussi du Père et de l’Esprit. Le baptême ouvre à la foi, de sorte qu’il est demandé aux catéchumènes lors de la célébration du baptême : « que demandez-vous ? », et eux de répondre « la foi ».
Si la foi est souvent perçue d’abord comme « personnelle », comme une décision personnelle, elle est aussi celle de l’Église qui la transmet. Comme il est beau de voir que la foi d’une personne peut en sauver d’autres, « ainsi pour Corneille et le geôlier de Philippes (Actes 10,47 ; 16,33)[5] ».
Recevoir l’Esprit Saint
Le baptême n’est pas seulement une immersion dans un effort personnel de conversion mais aussi l’entrée dans une « confession de foi aux trois personnes divines ». Ces deux éléments clés éclairent la phrase de Jean-Baptiste : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Luc 3, 16). Ce feu purificateur, ce feu de la présence de l’Esprit Saint, bienvenu au cœur de ceux qui se convertissent et veulent croire. C’est là tout un chemin de vie que de recevoir cet Esprit. Ainsi, Saint Paul croise des baptisés (par Jean-Baptiste) qui lui disent que, bien qu’ayant reçu le baptême de conversion, ils « n’avaient même pas entendu dire qu’il y avait un Esprit Saint… » (Actes 19, 2). Connaître l’ Esprit Saint c’est la responsabilité de tout baptisé, entrer en relation avec Dieu, avec celui que le Père et le Fils nous ont envoyé pour le connaître davantage.
[1] CHANTRAINE P., Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999, p.164.
[2] Ibid., p.164.
[3] DI BERNARDINO A. (dir.), Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Paris, Cerf, 1990, pp.332-339.
[4] LÉON-DUFOUR X., Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p.138.
[5] LÉON-DUFOUR X., Vocabulaire de théologie biblique, Paris, Cerf, 1962, p.85.
Frère Patrick Gillard
Frère Patrick Gillard a longtemps été aumônier en prison. En 2023, il vit au couvent de Louvain-la-Neuve, où il est aumônier d'étudiants. Il travaille aussi en proximité avec le monde de la prostitution.
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