3. La Résurrection, fondement de la mission.
« Le Christ est ressuscité ! alléluia ! » C'est ce que nous chantons dans la nuit de Pâques. Peut-être oublions-nous parfois qu’auparavant, il y a eu le vendredi Saint, le scandale de la croix, la longue attente du samedi Saint. Et on peut dire que, d'une certaine façon, le Christianisme est un désespoir surmonté.
Pour expliquer cela, je vais partir des rencontres du Christ avec les disciples, après Pâques.
Les désespérés
Et je commencerai par Marie-Madeleine. Marie-Madeleine, est-ce que le matin de Pâques elle se dit : « Je vais aller au tombeau mais en fait le Christ est ressuscité, il nous l'avait dit… » ? pas du tout ! Elle veut aller se recueillir au tombeau. Elle voit le tombeau ouvert et qu'est-ce qu'elle dit ? « On a enlevé le Seigneur et je ne sais pas où on l'a mis. » Elle est tout en pleurs, perdue dans son chagrin.
Les disciples d'Emmaüs. Les disciples d'Emmaüs, ils sont en train de quitter Jérusalem alors que le Seigneur leur avait demandé d'y rester et qu'est-ce qu'ils disent lorsque Jésus les approche sans être encore reconnus par eux ? En effet, ils n'ont pas la foi, ils ne peuvent pas le reconnaître. Ils le prennent pour le jardinier : « Tu es bien le seul à ne pas savoir ce qui s'est passé… Nous attendions, nous, qu'il allait restaurer Israël etc… Et voilà déjà trois jours que tous ces événements se sont passés, sa mort etc… » (Luc 24, 17). Et donc ce sont des disciples déçus de Dieu, en colère même, et en tout cas qui partent. Voilà. Ils abandonnent le terrain.
Thomas ! Thomas, il n'était pas là un dimanche matin, alors que les chrétiens s'étaient rassemblés. Ils lui disent que le Christ leur est apparu, qu'il est vivant et Thomas de leur dire : « moi si je ne mets pas mon doigt dans son côté, dans ses plaies, je ne croirai pas. » Donc lui, c'est un sceptique, ou un croyant difficile. C'est-à-dire que Jésus ne lui fait aucun reproche, mais Thomas veut être sûr que ça n'est pas simplement une idée. Le Christ avait dit qu'il vivrait, donc il doit être vivant ! Les disciples ont assisté à la mort de Jésus, ils l'ont vu torturé, et par conséquent, il veut être sûr que Jésus est vivant. Et le Christ va être vivant devant lui.
Les disciples dont parle Mathieu aussi à la fin de l'Évangile, certains croient mais d'autres eurent des doutes (Matthieu 28, 17).
Une rencontre qui guérit
Alors, je trouve très beau ce réalisme des Evangiles, qui nous montre qu’on ne passe pas comme ça en chantant, du vendredi Saint au matin de Pâques.
Il y a le choc de la mort. Il y a le grand silence du samedi Saint. Et puis il y a la rencontre, la rencontre avec le Christ vivant qui console Marie-Madeleine, qui guérit le doute de Thomas, qui guérit le doute aussi des disciples (la finale de Mathieu) qui guérit le scepticisme des disciples d'Emmaüs et qui ensuite leur dit : « la paix soit avec vous ». Ou à Marie-Madeleine, qu’Il appelle par son nom et alors elle se tourne vers Lui et elle mesure alors que c'est bien Jésus qui est vivant et qui est devant elle.
Départ de mission
C'est donc tout le témoignage rendu à l'Évangile qui part de là. Nous sommes les témoins d'un Christ vainqueur de la mort, du péché, de la violence et c'est ce Christ qui nous envoie porter, et sa paix, et son espérance et cette Bonne Nouvelle.
Paul
Cela est décisif aussi pour Paul, parce que, sur le chemin de Damas, quand le Christ lui est apparu, Paul comprend en un instant, premièrement que c'est bien ce Jésus de Nazareth crucifié qui est vivant, et que c'est ce Christ vivant qui maintenant va diriger sa vie et que ce n'est plus la loi, lui qui était un apôtre irréprochable, mais c'est le Christ vivant, et c'est lui qui l'envoie maintenant comme témoin.
Et cela va avoir des conséquences pour Paul, depuis sa première lettre aux Thessaloniciens et à travers toutes ses lettres, on voit que Paul est le témoin de ce Christ lumineux de Pâques, et c'est cette orientation vers la Résurrection qui va qualifier la vie des Chrétiens, toute notre vie, ce que nous croyons, ce que nous vivons, les combats que nous menons. Il doit y avoir un quelque-chose de cette lumière de Pâques qui passe et c'est très beau.
Le temps se fait court
Par exemple dans la première lettre aux Corinthiens, au chapitre 7, Paul écrit aux Corinthiens : « le temps se fait court » (1 Corinthiens 7, 29-31). En fait c'est un terme de marine, c'est-à-dire, on a cargué les voiles, on a réduit la voilure du bateau, parce qu’on est en train d'arriver au port et si on ne le fait pas, eh bien le bateau va taper dans les pierres du port. Par conséquent, on ralentit la vitesse, mais parce que on voit le but du voyage, qui est là. Et la conséquence : « que désormais ceux qui ont femme vivent comme s'ils n'en n'avaient pas, que ceux qui pleurent, comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui sont dans la joie, comme s'ils n'était pas dans la joie, ceux qui achètent, comme s'ils ne possédaient pas et ceux qui usent de ce monde, comme s'ils n'en usaient pas vraiment, car elle passe la figure de ce monde. » (1 Corinthiens 7, 29-31).
Alors le Chrétien n'est pas quelqu'un qui fait semblant. C'est pas ça.
Mais même si vous êtes dans la joie, rendez grâce à Dieu mais n'oubliez pas qu'il y en a d'autres aussi, qui passent par le chagrin. Vous pleurez, vous avez perdu un être cher, vous êtes dans la détresse. Que cette détresse ne soit pas le tout de votre vie.
Vous usez de ce monde, eh bien oui, vous menez votre métier, vos affaires… Que ce ne soit pas le tout de votre vie. Laissez toujours un espace pour cette orientation de votre vie vers le Christ Jésus, puisque notre vie ne s'arrêtera pas à notre mort, mais c'est vers Lui que nous allons, que nous vivons. C'est Lui que nous prions, et ça, ça donne un air pascal à toute notre existence.
Pour aller plus loin :
frère Jean-Michel Poffet, Évangéliser oui, mais comment ? Paris, Cerf, 2022.
frère Jean-Michel Poffet
Frère Jean-Michel Poffet habite à Fribourg, en Suisse. Il est bibliste et a été directeur de l'École biblique et archéologique française à Jérusalem de 1999 à 2008 et en 2023. Il a publié de nombreux ouvrages : La Patience de Dieu. Essai sur la miséricorde (Desclée, 1992), Jésus et la Samaritaine (Cahier Évangile, Cerf, 1995), Paul de Tarse (Nouvelle Cité, 1998), Heureux l'homme, la sagesse chrétienne à l'école du Psaume 1 (Cerf, 2003), Regards sur le Christ (Parole et Silence, 2017), 7 petits mots de l’Évangile (Cerf, 2021). Cette série ThéoDom fait suite à la réflexion que frère Jean-Michel a mené en écrivant : "Évangéliser, oui mais comment ?" (Cerf, 2022).
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