2. La Rencontre, origine de la mission.
« Malheur à moi si je n'annonce pas l'Évangile ! » (1 Corinthiens 9, 16) C'est un cri de saint Paul. Oui, c'est toute la question. Quand on est chrétien, on désire être témoin du Christ mais comment ?
Je vais donc aborder cette question pas seulement de l'Évangile mais d'évangéliser, c'est-à-dire : porter la Bonne Nouvelle, en particulier aux pauvres, - pas seulement sociologiquement – à tous ceux qui ont le cœur brisé, à tous ceux qui, peut-être, désespèrent de la vie, et leur parler d'une Bonne Nouvelle, une nouvelle essentiellement bonne, parce qu'elle parle de la victoire du Christ sur la mort, sur le péché et sur la violence.
La résurrection et la mission
Et pour cela j'aimerais commencer par l'envoi du Christ après Pâques. A la fin des Evangiles, par exemple la finale de l’Evangile de Marc, au chapitre 16 : « Allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée » (Marc 16, 7), pas seulement dans la Galilée au nord de la Terre Sainte aujourd'hui, mais sur les chemins de la mission.
C'est encore plus clair dans la finale de l’Evangile de Matthieu, au chapitre 28 : « Allez donc de toutes les nations, faites des disciples les baptisant au nom du Père du Fils et du Saint-Esprit et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde. » (Matthieu 28, 19-20). Vous savez que c'est le sens du mot « Emmanuel », « Dieu avec nous », pour toujours.
Ou encore Jésus à Marie-Madeleine qui lui apparaît après Pâques : « Va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jean 20, 17)
Tout commence donc par cette rencontre avec le Christ vivant, qui nous envoie témoigner de lui.
Et puis il y a quelqu'un d'autre qui a été envoyé comme témoin de l'Évangile. C'est précisément Paul de Tarse.
Paul, l’ancien tradi-violent
Paul qui était un juif, c'était un pharisien. « Pharisien » ça veut dire « séparé ». Le mouvement des pharisiens se constitue dans les deux derniers siècles avant Jésus-Christ environ, dans un moment où les mœurs païennes pesaient fortement sur la société juive, un peu comme aujourd'hui. Et par conséquent, les croyants par mesure de fidélité, mais aussi de protection, se considèrent comme des résistants spirituels, des séparés de l'intérieur, des pharisiens.
Et Paul dit bien qu’il est fier de ses origines pharisiennes, il est un juif circoncis le 8e jour, de la race, plutôt de la lignée d'Israël, de la petite tribu de Benjamin, mais surtout quant à la loi, un pharisien, il ajoute quant au zèle, un persécuteur de l'église. Parce qu’il n’est pas seulement un tenant de l'observance de la loi mais il le fait jusqu'à être violent.
Et puis quant à la loi, l'observance de la loi, un homme irréprochable. Il le dit encore dans le début de l'épître aux Galates : « Vous connaissez ma conduite autrefois dans le judaïsme quand je surpassais tout le monde ». Eh bien cet homme qui était au-dessus, qui surpassait tout le monde, qui était un fidèle jusqu'à être violent pour les traditions des pères, un « tradi violent », cet homme-là va être retourné par le Christ au chemin de Damas. Et dorénavant, ayant rencontré Jésus, il ne sera plus le même.
La conversion de Paul, départ de sa mission
Pour Paul de Tarse, la rencontre avec le Ressuscité se fait au chemin de Damas, alors qu’il partait persécuter des Chrétiens. Pourquoi ?
Il avait entendu dire lui, comme juif observant pharisien, qu’un groupe de croyants appelés les nazoréens, les compagnons de Jésus de Nazareth, prétendaient qu’était venu le Messie et que c'était ce Jésus qui avait été condamné par les autorités juives pour non-observance de la loi et condamné par les Romains au terrible supplice de la croix. Pour lui c'est tout simplement impensable, qu'un homme condamné pour non-observance de la loi, soit le Messie d'Israël, et que quelqu'un qui meurt de cette manière, soit le Messie qu'il attendait.
Donc c'est le Christ qui le rencontre et qui le jette à terre, d'une certaine façon, et qui va s'emparer de son cœur et s'emparer de sa vie.
Saint Jean Chrysostome a un très beau commentaire sur ce passage. Il dit que Jésus a appelé les disciples au bord du lac de Tibériade quand ils réparaient leur filet, mais pour Paul, c'est le Christ du haut du ciel qui l’a pris dans son filet. Et à partir de ce moment-là, le Christ s'entretient avec Paul dans son cœur, écrit Jean Chrysostome : « Quand le Seigneur daigna révéler en moi son fils » (Galates 1, 16).
Il comprend alors que Jésus est vivant, que c'est bien le Crucifié détesté, que c'est maintenant ce Christ vivant qui l’envoie et qui l’envoie, lui, Paul en particulier, pour porter l'Évangile au loin, c'est à dire aux païens, à tous ceux qui, d'une manière ou de l'autre, sont loin d'une observance stricte de la loi, soit qu’ils ne l'aient pas connue, soit qu’ils sont pécheurs. Et Paul doit aller leur dire que le Christ est mort pour eux. Il est mort pour tous.
Être touché avant de témoigner
Donc de même que à la fin de l'Évangile on voit le Christ envoyer les disciples pour témoigner de lui, on voit aussi que Paul est envoyé par le Christ auréolé de la lumière de Pâques, pour porter cette Bonne Nouvelle. Et Paul le fera jusqu'à Rome, la ville de son martyre.
Pour être un témoin de l'Évangile, il faut donc d'une part être touché par le Christ, que cet Évangile, cette Bonne Nouvelle soit bonne pour moi et qu'elle soit à la source de ma joie et de mon espérance et d'autre part il faut être envoyé et c'est comme ça que le Christ envoie ses disciples à la fin de l'Évangile comme aussi il envoie Paul après s’être saisi de lui au chemin de Damas.
Pour aller plus loin :
frère Jean-Michel Poffet, Évangéliser oui, mais comment ? Paris, Cerf, 2022.
frère Jean-Michel Poffet
Frère Jean-Michel Poffet habite à Fribourg, en Suisse. Il est bibliste et a été directeur de l'École biblique et archéologique française à Jérusalem de 1999 à 2008 et en 2023. Il a publié de nombreux ouvrages : La Patience de Dieu. Essai sur la miséricorde (Desclée, 1992), Jésus et la Samaritaine (Cahier Évangile, Cerf, 1995), Paul de Tarse (Nouvelle Cité, 1998), Heureux l'homme, la sagesse chrétienne à l'école du Psaume 1 (Cerf, 2003), Regards sur le Christ (Parole et Silence, 2017), 7 petits mots de l’Évangile (Cerf, 2021). Cette série ThéoDom fait suite à la réflexion que frère Jean-Michel a mené en écrivant : "Évangéliser, oui mais comment ?" (Cerf, 2022).
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