5. La sainteté, c’est du sport !
A priori, entre le sport et la religion, il n’y a pas de rapport. Et pourtant, regardez le nombre de sportifs qui prient ou qui se signent avant les matchs. (ex : Tifos avec le Christ). Le sport est-il une école de sainteté ?
St Paul : La vie chrétienne comme une course ou un combat
C’est saint Paul, qui compare la vie chrétienne au sport. C’est très explicite dans la première lettre aux Corinthiens.
1 Corinthiens 9 24 Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter.
En réalité, il fait la comparaison de manière implicite dans toutes ses lettres. A son époque, ce n’est pas très original, les philosophes, en particulier les stoïciens, comparent souvent les exercices philosophiques qui élèvent l’âme, aux exercices sportifs qui permettent de maîtriser le corps. Les deux sports dont il parle le plus, ce sont la course à pied et la lutte. Ainsi, il vit sa mission d’annoncer l’Evangile parfois comme une course (1 Co 9,26 ; Ga 2,2 ; Ph 2,16[1]) et parfois comme un combat (1 Th 2,2 ; 1 Co 9,26[2]).
Il vit aussi la foi comme un combat : Il y a un « bon combat » à mener, et c’est celui de la foi (1 Tm 6,12) :
1 Timothée 6:12 : Combats le beau combat de la foi, conquiers la vie éternelle à laquelle tu as été appelé, comme tu l'as reconnu dans une belle profession de foi en présence de nombreux témoins.
Enfin, pour lui, il y a une lutte contre le mal, qui est plutôt une lutte spirituelle. C’est ce qu’il écrit dans la lettre aux Ephésiens.
Ephésiens 6, 12 : Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes.
Le point commun avec le sport, c’est la ténacité et le renoncement. La vie chrétienne, comme le sport, est un combat fatiguant et dur, mais je lutte avec l’énergie du Christ qui agit en moi (Col 1,29-2,1[3]).
1er parallèle : se connaître soi-même.
Souvent, pour les sportifs, le point de départ, c’est à la foi une passion et une physionomie. Beaucoup de sportifs professionnels parlent de leur sport comme d’une vocation, d’une passion, d’une activité pour laquelle ils sont faits. Et puis, ils ont parfois un corps adapté au sport qu’ils pratiquent : les footballeurs sont plutôt grands, les coureurs de fond plutôt sveltes…
Cette diversité des points de départ peut nous faire penser à la diversité des dons reçus dans la vie chrétienne. Saint Paul présente là différents dons reçus comme autant de vocations.
Romains 12, 6-8 6 Mais, pourvus de dons différents selon la grâce qui nous a été donnée, si c'est le don de prophétie, exerçons-le en proportion de notre foi ; 7 si c'est le service, en servant ; l'enseignement, en enseignant ; 8 l'exhortation, en exhortant. Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie.
La connaissance de soi est ainsi indispensable, aussi bien dans le sport que dans la vie chrétienne. Il s’agit à la fois de connaître ses dons, et de connaître ses limites.
Pour chaque don, il y a une attitude à avoir pour développer ce don. Un peu comme en sport, où chacun va développer son corps de manière particulière pour réussir dans le sport qu’il pratique. On peut reconnaître la silhouette d’un nageur, celle d’un lanceur de poids…
En sport, mieux vaut maitriser une technique à fond que plein de techniques un tout petit peu. La répétition permet d’agir, même sous la pression et le stress : ça passe dans le cerveau reptilien. La répétition d’actes millimétrés : on sait combien de pas il faut faire : on connait l’acte par cœur.
On retrouve un peu de cela dans la vie chrétienne avec des saints « spécialisés ». Des saints proches des plus pauvres comme Mère Térèsa, des saints proches des autres religions, comme Charles de Foucauld, des saints dénonciateurs des injustices, comme Oscar Roméro.
2e parallèle : l’exercice
Le sportif le sait, pour réussir, il donne le meilleur de lui-même. Et c’est aussi le cas du chrétien. Comme nous le rappelle le Deutéronome.
Deutéronome 6:5 Tu aimeras le SEIGNEUR ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta force.
L’entrainement sportif n’est pas seulement physique, il est aussi stratégique : il y a tous les exercices à planifier. Et il est mental. Il s’agit de persévérer dans l’épreuve. Pour faire face à l’épreuve, le sportif visualise la difficulté. Il visualise le combat et la victoire.
Dans le sport, on apprend dans la défaite plus que dans la victoire. De même, saint Jacques nous dit que c’est l’épreuve qui apporte la constance.
Jacques 1, 2-3 2 Tenez pour une joie suprême, mes frères, d'être en butte à toutes sortes d'épreuves. 3 Vous le savez : bien éprouvée, votre foi produit la constance.
3e parallèle : la gratuité
Le sport a quelque chose de complètement gratuit. La plupart des sportifs sont des amateurs. Mais justement, c’est pareil dans l’Eglise, la plupart des chrétiens qui s’engagent sont des bénévoles. La pratique sportive, comme la liturgie par exemple, ont quelque chose de complétement gratuit. D’où la célèbre formule de Pierre de Coubertin : « L’important c’est de participer ! ». Pour la petite histoire, cette formule aurait été inventée en 1908, lors des IVe Jeux olympiques à Londres, par Mgr Ethelbert Talbot, évêque de Pennsylvanie. Après quelques conflits entre athlètes et arbitres, il affirme dans son homélie :
« Le plus important aux Jeux olympiques n’est pas de gagner mais de participer, car l’important dans la vie ce n’est point le triomphe mais le combat ; l’essentiel, ce n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu. »[4]
4e parallèle : la motivation
En sport, on le sait, l’effort physique provoque du plaisir. C’est la dopamine, qui se libère quand on a produit un effort physique. Alors, y a-t-il une dopamine de la charité ? Pour saint Thomas, c’est par l’entrainement que le chrétien peut développer de bons traits de caractères en lui. C’est ce qu’il appelle les vertus, c’est-à-dire, ces bonnes habitudes, qui permettent de réaliser de bonnes actions[5]. Le chrétien trouve son plaisir dans la prière et l’amour du prochain.
En sport, ce qui motive souvent, c’est de se reconnecter avec son corps, de se sentir mieux. Cela rappelle l’unité intérieure recherchée par les mystiques. En effet, c’est avec son corps que l’on prie et que l’on pratique la charité. Vivre connecté avec son corps, c’est profondément nécessaire pour vivre en chrétien.
En sport, ce qui motive, c’est aussi le goût de la difficulté : la compétition, la difficulté, l’objectif ambitieux. N’est-ce pas ce qu’ont su faire les grands saints qui se sont donnés des objectifs très ambitieux, comme d’aller évangéliser au loin, d’écrire des sommes de théologies, de motiver des diocèses entiers, de fonder des congrégations…
Mais… la vie chrétienne est plus qu’un sport
Mais saint Paul est loin d’assimiler la vie chrétienne au sport. Seuls les exercices spirituels méritent d’être travaillés car ils visent des biens spirituels, des biens éternels, alors que la compétition sportive ne vise que des lauriers qui se fanent (1 Co 9,24-27 ; 1 Tm 4,8[6]). La victoire qu’il recherche, est éternelle : c’est la couronne de justice, qu’il partagera avec tous ceux qui auront attendu le Christ :
2 Timothée 4:7-8 7 J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. 8 Et maintenant, voici qu'est préparée pour moi la couronne de justice, qu'en retour le Seigneur me donnera en ce Jour-là, lui, le juste Juge, et non seulement à moi mais à tous ceux qui auront attendu avec amour son Apparition.
Finalement, l’espérance de la victoire réside en Dieu car c’est de Dieu que tout dépend, et non de notre volonté (Rm 9,16) :
TOB Romains 9:16 Cela ne dépend donc pas de la volonté ni des efforts de l'homme, mais de la miséricorde de Dieu.
Alors, aujourd’hui, un coach sportif peut-il nous aider à vivre en chrétien ?
Pour aller plus loin :
Jean-Noël Aletti. « Les métaphores sportives dans les lettres pauliniennes », Transversalités, vol. 149, no. 2, 2019, pp. 7-23.
[1] FBJ Galates 2, 2 : « J'y montai à la suite d'une révélation ; et je leur exposai l'Évangile que je prêche parmi les païens - mais séparément aux notables, de peur de courir ou d'avoir couru pour rien. » - Philippiens 2, 16 : « en lui présentant la Parole de vie. Vous me préparez ainsi un sujet de fierté pour le Jour du Christ, car ma course et ma peine n'auront pas été vaines. »
[2] FBJ 1 Thessaloniciens 2, 2 : « Nous avions, vous le savez, enduré à Philippes des souffrances et des insultes, mais notre Dieu nous a accordé de prêcher en toute hardiesse devant vous l'Évangile de Dieu, au milieu d'une lutte pénible. » - 1 Corinthiens 9, 26 : « Et c'est bien ainsi que je cours, moi, non à l'aventure ; c'est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. »
[3] Colossians 1:29 - 2:1 Et c'est bien pour cette cause que je me fatigue à lutter, avec son énergie qui agit en moi avec puissance. Oui, je désire que vous sachiez quelle dure bataille je dois livrer pour vous, pour ceux de Laodicée, et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu de leurs yeux ;
[4] Girard, Pascal. « Donner le meilleur de soi-même. Les enjeux de la pastorale du sport dans nos diocèses », Revue Lumen Vitae, vol. lxxiv, no. 4, 2019, pp. 393-402.
[5] « Aussi la vertu humaine, qui est un habitus d'action, est-elle un habitus foncièrement bon et qui opère le bien. » (saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia IIae, Qu. 55, art. 3)
[6] 1 Corinthiens 9:24-27 24 Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix ? Courez donc de manière à le remporter. 25 Tout athlète se prive de tout ; mais eux, c'est pour obtenir une couronne périssable, nous une impérissable. 26 Et c'est bien ainsi que je cours, moi, non à l'aventure ; c'est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide. FBJ 1 Timothée 4:8 Les exercices corporels, eux, ne servent pas à grand-chose : la piété au contraire est utile à tout, car elle a la promesse de la vie, de la vie présente comme de la vie future.
Jérémie Stadler
Jérémie Stadler est un jeune sportif professionnel, féru de spiritualité.
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