3. L’amour, élixir de sainteté
Notre évangile est un évangile de joie de liberté et d'amour ? C’est ce à quoi nous sommes tous appelés.
Je suis salésienne de Dom Bosco et je m'occupe de jeunes, qui sont placés, envoyés par des services sociaux.
Le bonheur
Le bonheur, c'est quelque-chose que tout le monde cherche. Lorsqu’on interroge des jeunes ou lorsqu'on interroge les adultes et qu’on leur demande quel est leur rêve, ils cherchent tous le bonheur. Et donc, tout l'art pour nous, éducateurs, dans notre travail, c'est d'accompagner ceux qui cherchent le bonheur, de manière particulière. En effet, il est plus peut-être plus difficile à trouver pour certains.
Dom Bosco
Dom Bosco vit en plein XIXe siècle dans ce grand mouvement de Révolution Industrielle, dans les faubourgs de Turin en Italie. A Turin énormément de jeunes sont désœuvrés. Dom Bosco va voir ces jeunes et va chercher avec eux quel est ce chemin de bonheur pour eux, sachant qu'ils sont orphelins, qu’ils sont désœuvrés, qu’ils n’ont pas de toit. Souvent, ils sont envoyés par leurs parents dans les faubourgs de Turin pour chercher du travail et ils y sont exploités comme maçons ou autre.
Très vite, Dom Bosco va chercher à leur ouvrir un chemin de bonheur à eux aussi, et au fil du temps il va se rendre compte qu’il doit les appeler chacun selon ce qu'ils sont. Alors pour certains, ça va être simplement de leur trouver un travail, un toit, de les mettre en route, d’en faire de bons citoyens et ainsi de suite.
Pour d'autres, il va les porter beaucoup plus loin jusqu'à la rencontre avec Dieu. Puisque Dom Bosco est prêtre, il sait très bien que le point culminant du bonheur ce serait la rencontre avec Dieu. Mais il va s'adapter à chacun.
Dominique Savio
Voici une petite anecdote qu’il nous raconte dans ses mémoires biographiques : un jour il fit une demande à ses jeunes pour son anniversaire – les jeunes voulaient toujours faire la fête – il dit : « Le meilleur cadeau qui me plairait, ce serait que vous écriviez sur un papier ce que vous désirez pour cette fête et pour moi. »
Un jeune va le surprendre : Dominique Savio, qui va lui écrire sur un petit billet : « Je voudrais comme cadeau que vous m'aidiez à devenir saint. »
Et en fait ça ne va être pas si simple pour Dom Bosco parce que Dominique Savio prenait au pied de la lettre l'appel à la sainteté avec les références de l'époque du XIXe siècle. Il commençait à pratiquer une ascèse dure, à jeûner, à se priver de nourriture, à s'empêcher de rire, à devenir austère.
Dom Bosco va devoir s'adapter en disant : « mais si on est tous appelés à la sainteté, il y a forcément la sainteté du religieux, la sainteté du prêtre, la sainteté de chaque état de vie, mais quelle peut être cette sainteté pour les jeunes ? »
Et donc il va cheminer avec Dominique Savio et il va finir par lui dire : « tu sais Dominique, la sainteté pour toi, ça va être en premier lieu d'être toujours joyeux, parce que le Christ est la joie, et nous veut joyeux. Le premier fruit de l'Esprit Saint c'est la joie. Sois donc toujours joyeux, pendant ton travail, à l'école ou à l'atelier. Sois ami de tous. » Il lui demande d’entrer dans une camaraderie avec tous et aussi de pratiquer la piété, la prière.
Et donc ces quatre points, Dominique Savio va les prendre au pied de la lettre. Il va devenir le grand Saint Dominique Savio qu'on connaît aujourd'hui. Il va le pousser jusqu'au maximum. Le maximum de sa joie, il va la rencontrer dans l’Eucharistie, dans la confession, dans les sacrements et il va aussi la rencontrer en créant tout un tas de compagnies et de confréries au sein du Valdocoo, avec d'autres camarades. A la fin de sa vie on va dire de lui que c'était un magnifique médiateur.
La force de l’amour
Dom Bosco va ainsi petit à petit accompagner ces jeunes et réaliser que tous ces jeunes sont comme tout le monde. Comme chaque homme, notre besoin le plus important, c'est celui d'être aimé et de se sentir aimé. Cet amour, on le rencontre dans une famille et quand on n’a plus de famille, il faut bien qu’un système se mette en place pour pouvoir ressentir cet amour. Et cette affection, Dom Bosco – alors qu'on est dans un système très répressif – va prendre le contre-pied et va se dire en fait : « Comment est-ce que je peux travailler en prévention ? ».
Il va faire référence à un grand saint qui a vécu 200 ans avant lui qui était le grand Saint du Piémont et de la Savoie : Saint François de Sales, pour qui tout était affaire de cœur.
Son système préventif va reposer sur le cœur, sur l'amour et sur l'affection. Et il va prendre à bras le corps la question de l'affection. Nous disons aujourd'hui avec Dom Bosco : « sans affection, pas de confiance, sans confiance, pas d'éducation ».
Un système régulé
Alors évidemment, si je vous dis que tout est affaire de cœur et qu'il suffit d'aimer, évidemment on a tous nos capteurs d’allumés : « alors là c'est dangereux quand même d'aimer un jeune ».
Donc Dom Bosco va réguler son système éducatif. Il va dire qu'en fait la personne est un tout.
Il y a l'affection qui est un premier pilier important dans l'éducation.
Mais le jeune est aussi capable de réflexion donc de raison, d'intelligence. Et l'intelligence va venir réguler les affections parce que, en réfléchissant, je peux activer la volonté. Avec la volonté, je peux mettre un peu d'eau fraîche sur les passions qui sont plus bouillonnantes.
Et une troisième dimension importante est celle de la religion, pas tellement en termes d'adhésion à une confession. Mais la religion c’est ce qui me relie à quelque chose qui va donner du sens.
Et donc avec ces trois piliers, en fait, Dom Bosco va essayer de réguler et de faire développer toutes les potentialités et tout l’équilibre de la personne humaine.
Les vertus de l’éducateur
Tout le rôle de l'éducateur ça va être d'aider le jeune à ressentir cet amour de Dieu, mais de manière très concrète, c'est à dire que je dois travailler- me travailler- pour donner aux jeunes ce que Dieu me donne, c'est à dire d'abord :
« je crois en toi » donc tu es quelqu'un en qui il y a un vrai potentiel. Il y a des choses qui sont dedans qui peuvent sortir et qui vont sortir.
« J'espère en toi », parce que j'ai un projet de vie pour toi.
« Je t'aime », tu as du prix à mes yeux et cet amour, on sait combien c'est le moteur de tout le reste.
Le rôle de l'éducateur va être évidemment de faire entendre ces trois principes fondamentaux pour le jeune parce que c'est ce qui va construire sa vie par la suite et c'est ce qui va lui permettre en effet d'atteindre le bonheur.
La grâce
Ce qu'on est capable de faire pour un jeune, on sent bien que Dieu le fait d'autant plus pour nous, et donc il nous libère et nous fait faire ce chemin.
Il y a vraiment ce double mouvement de don et d'évangélisation réciproque dans l’acte éducatif.
Le jeu
Dans l'acte éducatif lorsqu'on donne un enseignement où qu’on veut faire passer un message un peu fort, il y a toujours un passage par le jeu. Pourquoi ? Parce que le jeu a plein de vertus :
Pour le jeu, il faut se mettre ensemble, il faut se donner des règles communes, il faut se donner un objectif.
Dom Bosco va utiliser aussi le jeu pour « recréer ». Il va parler de « re-création ». On connaît la récréation. On a gardé ce mot pour les enfants, mais il fonctionne pour les ados et ça vaut aussi pour les adultes.
Il y a dans cette sorte de gratuité du jeu un espace où on peut être quelqu'un d'autre. On peut se donner par exemple un rôle. Lorsqu'on va utiliser le jeu avec les adolescents, ça va être notamment pour essayer de faire expérimenter quelque chose. Or pour l’éducation intégrale, expérimenter c'est une manière de rentrer dans l'enseignement. Il n'y a pas que le cérébral, il y a aussi besoin parfois, d'éprouver des choses et donc, dans l'ordre des relations, d'éprouver le vivre ensemble, d'éprouver la différence et d’éprouver la limite d'un système. On peut très bien, avec le jeu, mettre en scène toutes ces situations, tout en ayant et en gardant un climat joyeux d'apprentissage.
On peut cultiver cette volonté d'apprendre tout en gardant ce climat de joie, et de fait lorsqu'on sait que l'amour est inscrit au cœur de l'homme, de tout homme, à partir de ce moment là, l'important c'est que les jeunes soient aimés et qu'ils se sachent aimer. Donc évidemment l'amour, il faut lui donner des marques, il faut lui montrer des gestes, il a besoin de ça. Et à partir de cet amour, de cette affection, on peut développer un lien de confiance. Et à partir de ce lien de confiance, il y a tout un chemin d'éducation possible et tout un panel qui s'ouvrent à tout homme et à toute personne, de libération, pour aller justement vers son propre bonheur.
Pour aller plus loin :
Jean-Marie Petitclerc, Don Bosco. Écrits pédagogiques. Salvator, 2019
Jean-Marie Petitclerc, La pédagogie de don Bosco en 12 mots clés. Salvator, 2016
sœur Valentine Delafon
Sœur Valentine Delafon est salésienne de Don Bosco (officiellement ont dit fille de Marie-Auxiliatrice). En 2023, elle est éducatrice en Belgique dans un centre d'accueil de jeunes.
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