2. Les laïcs, moteurs de l’Église…
Voici trois images pour exprimer ce qu'est l'Église. Elles ont été employées à Vatican II, dans la constitution sur l'Église, qui s'appelle Lumen Gentium elles nous disent beaucoup : L'expression « Corps du Christ » nous dit que l'Église est vraiment fondée en Christ, elle est « Temple de l'Esprit », car c'est une réalité habitée par l'Esprit Saint. Et l'Église est « Peuple de Dieu » car l'Église est comme un peuple qui marche ensemble, un peuple au milieu des autres peuples de la terre. C’est cette image qui est davantage mise en valeur aujourd'hui dans la vision synodale de l'Église. C’est ce que signifie ce logo pour le synode : voilà un peuple de pèlerins. On dit que l'Église est en pèlerinage sur cette terre. Elle est orientée vers Dieu, guidée par l'Esprit Saint.
Je suis sœur Nathalie Becquart, religieuse xavière, actuellement en mission au Vatican comme sous-secrétaire du secrétaire général du synode des évêques, donc engagée à fond dans ce synode dans lequel nous sommes déjà tous impliqués en 2021 2023.
L'Église, enracinée en Christ
Aujourd'hui l'accent on le met d'abord aussi sur les relations. L'Église comme peuple de Dieu, c'est une église relationnelle, une église inclusive, où on a ce style de la fraternité. Et en même temps l'Église prend sa source ailleurs, elle n'existe pas sans l'enracinement dans la Parole de Dieu, l'écoute de la Parole de Dieu, la prière et les sacrements. D'ailleurs il n'y a pas de synode qui ne s'ouvre et ne se clôture sans une Eucharistie. Quelque part, c'est l'Eucharistie qui nous révèle et nous donne l'horizon et la forme de ce qu'est l'Église. L'enjeu pour nous c'est de vivre dans toutes les dimensions de notre vie cette dimension eucharistique, de se recevoir de Dieu et de s'offrir pour le monde à la manière du Christ.
L'Église, peuple de Dieu
Dans les premiers siècles, ceux qui se reconnaissaient dans la voie du Christ se sont réunis. D'ailleurs le mot même à l’origine de l'Église : « ecclesia », est une assemblée convoquée. Donc, quelque part, on ne peut pas être l'Église s'il n'y a pas de rassemblement. Se penser comme « Peuple de Dieu », vivre en Église, c'est se penser comme membre d'une communauté.
Et comme toute communauté et organisation, il faut aussi à un moment donné, un minimum de structuration. Et donc, depuis l'origine, on a vu que certains ont eu un ministère de vigilance et d'organisation. Il y a une forme de principe hiérarchique dans l'Église, mais il y a aussi cette notion extrêmement importante de l'Église constituée de tous.
Pendant des siècles, pour des raisons historiques, on a pensé davantage l'Église dans une vision juridique et hiérarchique. Mais aujourd'hui, à la suite du concile Vatican II notamment, dans cette époque dans laquelle nous vivons de la réception du concile avec le pape François, avec aussi la réalité de ce monde – parce que l'Église est toujours dans le monde, en réciprocité avec le monde – on prend conscience qu'il faut davantage développer cette vision synodale de l'Église. Cette Église « peuple de Dieu » est une vision de l'Église dynamique, de l'Église dans l'histoire, d'une Église qui doit toujours avancer, cheminer et se réformer. L'Église, elle a deux dimensions humaines et divines, et dans sa dimension humaine on le voit particulièrement aujourd'hui, elle est aussi pécheresse, elle a à se réformer.
L'Église, ensemble de communautés
Le premier visage de l'Église c'est qu'elle est très diverse. Effectivement, on n’est jamais chrétien tout seul, on ne peut pas être chrétien tout seul, on est toujours inséré dans une communauté et on va vivre cette dimension communautaire d'une manière structurelle par notre ancrage géographique dans une paroisse et dans un diocèse, mais aussi par des groupes d'appartenance comme un mouvement de laïcs (le scoutisme, les mouvements d'action catholique) ou pour les religieux dans une communauté religieuse.
En fait, dès l'origine de l'Église, on voit bien qu’il y a eu deux pôles : « Pierre », qui représente davantage le pôle hiérarchique et institutionnel et « Paul », missionnaire, qui est parti en Méditerranée, qui représente davantage le pôle charismatique de l'Église. Et l'Église, c'est une communion qui inclut ces deux pôles. Donc il y a différentes manières de vivre l'appartenance mais il y a quand même un principe structurel d'appartenance géographique, qui se vit parce qu’on est incarné, parce que notre religion est incarnée et on se vit comme chrétien. L'Église elle est aussi dans un temps et dans un espace.
Le pouvoir dans l'Église
Le seul vrai pouvoir dans l'Église, la seule vraie autorité, vient de Dieu. Il y a une forme d'autorité qui est donnée à travers la succession des Apôtres donc à travers les évêques, qui sont là comme principe d'unité. C’est en particulier le cas à travers la figure du pape, qui a un service d'unité, de communion et qui est une figure d'autorité.
Mais il y a aussi la dimension que Vatican II a particulièrement mis en lumière, le fait que le pape n'exerce pas cela tout seul. Il le fait à travers un collège des évêques, comme il y a eu le collège des Apôtres. Et donc il y a une deuxième dimension de l'autorité qui est vécue collégialement par tous les évêques, c'est ce qu'on appelle la collégialité. Aujourd'hui on redécouvre davantage cette dimension.
C'est aussi une notion qui vient de l'origine de l'Église et qui est mise en lumière à Vatican II, le fait que l'autorité, la vérité de la foi, elle est aussi donnée à l'ensemble du Peuple de Dieu à l'ensemble des fidèles qui ne peuvent pas errer dans la foi.
Qu’est-ce qu’un synode ?
Un synode, en fait, c'est un rassemblement, c’est le fait de marcher ensemble, de discerner ensemble. En fait dès les débuts de l'Église, on a vu que l'Église est plurielle avec des personnes diverses, avec des expériences diverses. Par exemple, on a d'emblée quatre Évangiles, qui nous racontent de quatre manières la vie du Christ, sa mort et sa résurrection, parce qu’ils sont lus dans des communautés différentes. Et c'est normal. Dès l'origine il y a des divergences et des points parfois de conflit. Et donc, quand les Actes des Apôtres, au chapitre 15, nous racontent ce qu'on appelle le premier concile de Jérusalem, ils utilisent le mot « synode » en grec, qui veut dire la même chose que le mot « concilium » en latin. Dès l'origine de l'église, quand il y a des problèmes à discuter des questions à trancher, quand il faut discerner, on se réunit, on se rassemble ou parle et on discerne.
Un fruit du concile Vatican II, c’est cette institution « synode des évêques », qui a été créée en 1965, comme un outil au service du pape et pour prolonger l'expérience de collégialité, de discernement ensemble, des évêques.
Et aujourd'hui, on le vit en associant toute la diversité du Peuple de Dieu à ce discernement, pour nous aider à prendre conscience que l'Église c'est nous, c'est chacun. On a tous un rôle à jouer. C'est d'abord un peuple. Avant nos différences, il y a ce commun du baptême. Pour annoncer l'Évangile aujourd'hui, il n'y a pas d'autres formes pour l'Église que d'être une Église synodale, c'est à dire une Église où tous sont acteurs, protagonistes. La manière de transmettre la foi aujourd'hui, d'être l'Église, c'est cette vision synodale de l'Église, qui est une vision dynamique qui nous implique tous.
L'Église, au service de la Charité
Ce qui est très important, c'est que l'Église n'a pas sa finalité en elle-même. Elle est toujours pour le monde, pour le service de la société, pour le service de l'humanité. Finalement la définition la plus belle de ce qu'est l'Église, nous est donnée au début de cette constitution Lumen Gentium, l'Église est « sacrement de l'unité du genre humain ». Donc l'Église, c'est une communion missionnaire, qui à travers ce qu'elle manifeste et rend visible de l'unité, sert et doit servir l'unité de la famille humaine. C'est la recherche finalement et la dimension la plus forte de ce que nous avons à vivre en Église, c'est de nous penser et de nous vivre comme frères et sœurs en Christ. Et cette fraternité va avec une fraternité universelle, une fraternité humaine avec tous. C’est bien ce que le pape François nous déploie dans sa belle encyclique Fratelli Tutti.
sœur Nathalie Becquart
Sœur Nathalie Becquart est xavière, une congrégation de la famille ignatienne. Elle a été responsable de 2008 à 2018 du Service national pour l’évangélisation des jeunes et pour les vocations (SNEJV) au sein de la Conférence des évêques de France. Depuis 2021, elle est sous-secrétaire du synode des évêques.
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