Alors là ça fait peur. Dieu serait-il un tyran volontariste et il faudrait découvrir quelle est cette volonté qui s’imposerait ? Mais justement quand il s’agit de la volonté de Dieu dont on parle, cela change tout. Sa volonté c’est « faire vivre » et nous impliquer dans ce mouvement de « donner la vie ». Donc la volonté de Dieu c’est peut-être ce qu’il y a de plus simple à découvrir dans la Bible.

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » C’est une phrase qui peut nous rendre inquiet et nous faire faire du cinéma : Quand il nous arrive une tuile, parfois on dirait que c’est la volonté de Dieu. Quand on est exploité ou écrasé, on dirait aussi : « eh bien c’est la volonté de Dieu », donc il faut se taire et continuer. Non.

Non pas du tout, Dieu c’est celui qui nous rend libres, qui nous a créés, comme lui, libres comme lui et qui nous veut libres, donc sa volonté va être pour nous aider à entrer dans cette liberté.

En Matthieu, faire la volonté de Jésus, c’est entrer dans sa famille

C’est tout un thème « ce que Dieu veut ». Il apparaît dans le Notre Père mais chaque Évangile va le développer, notamment celui de Mathieu et celui de Luc qui contiennent le « Notre Père ».

Par exemple Jésus va dire, quelques chapitres plus loin, que ceux qui appartiennent à sa famille, ceux qui sont sa mère, ses frères, ses sœurs, ce sont ceux qui font la volonté de Dieu. C’est étonnant, c’est l’épisode où les gens du patelin de Jésus viennent le rechercher pour le ramener à la maison et Jésus leur dit « non, ma famille, ma parenté ce sont ceux qui font la volonté de Dieu » (Matthieu 12, 50). Alors qu’est-ce que cette volonté qui est à faire, qui est à vivre selon la parole de Jésus ?

Le Satan et la volonté avec contrepartie

Eh bien elle s’oppose justement à une volonté tout à fait « autre ». C’est souvent comme ça qu’on réfléchit dans la Bible. Il y a volonté et volonté. Pensez dans l’Évangile de Luc, quand le Satan vient tenter Jésus au désert et lui dit que tous les royaumes de la terre qui sont là, il les lui donne si Jésus fait sa volonté (Matthieu 4, 1-11). Et on continue comme cela dans l’Évangile à opposer une certaine volonté du monde, souvent répressive, et qui se fait avec une contrepartie, à la volonté de Dieu.

De la Cananéenne à Gethsémani

Et la volonté de Dieu, il y a même des gens qui ne sont pas croyants et qui la font. Dans l’Évangile de Mathieu au chapitre 15, il y a un personnage tout à fait intéressant, c’est la cananéenne, donc une païenne, qui crie vers Jésus. Elle est derrière les disciples qui eux-mêmes suivent Jésus et elle lui dit : « Seigneur viens guérir ma fille, elle est très mal, elle est au plus mal ».

Et les disciples disent à Jésus : « mais renvoie cette femme elle crie derrière nous ». Les pauvres « chéris »,  une femme en train de crier derrière eux c’est la fin du monde pour eux. Et Jésus laisse cette femme crier et il lui dit : « mais tu sais je suis un homme d’Israël, est-ce que je peux aider une femme comme toi qui est une païenne ?  Je ne peux pas donner la nourriture que je donne aux israélites à des païens » et la femme sans se démonter lui répond « mais les miettes qui tombent de la table des maîtres, ça me va aussi ».

Eh bien elle a tout compris, c’est à dire que la moindre parcelle qui vient de Jésus c’est « tout », en fait. Elle a vraiment compris l’essentiel, Jésus l’admire et lui dit cette phrase inconcevable « que tout se passe comme tu veux. » (Matthieu 15, 28)

C’est inconcevable parce que Jésus n’emploie qu’une seule fois cette expression « comme tu veux ». C’est un peu plus tard à Gethsémani au chapitre 26 de Mathieu verset 39, où Jésus est pris par l’angoisse au moment de sa passion et qu’il dit alors à son Père « Père que cette coupe que je dois boire passe loin de moi ». C’est à dire que cette épreuve qui m’attend ne m’atteigne pas mais « que tout se passe comme tu veux ». C’est ce que son père veut, qui est un chemin de vie paradoxal, Jésus va être mis à mort mais va ressusciter.

Et donc cette expression que Jésus réserve à son Père, à notre Père « comme tu veux », il le dit aussi à cette femme cananéenne quelques chapitres avant Mathieu 15 : que «  tout se passe comme tu veux, tu as eu les justes paroles, la juste volonté,   faire vivre ta fille et tu as compris que c’était par moi Jésus qui vient du Père que cette guérison pouvait avoir lieu. »

Comme au ciel

La volonté de Dieu c’est le chemin, pour nous, pour être libre. Dieu a une seule volonté, c’est que nous ayons la vie et que nous l’ayons en plénitude, que nous soyons associés à ce mouvement du don de la vie pour que nous soyons des donateurs de vie comme le dit Joseph dans la genèse  « nous pouvons faire vivre un peuple nombreux ». Donc soyons libres en donnant la vie, libres parce que nous donnons la vie.

Alors oui vraiment « que ta volonté soit faite comme elle se fait au ciel et sur la terre ». Le ciel nous l’avons dit, c’est ce registre de réalité où Dieu est complètement présent, on ne peut pas mettre la main sur le ciel. Le ciel c’est quand on peut vivre sans risquer d’être prisonnier ou de subir l’emprise. Que la terre soit comme le ciel, le lieu où cette volonté vivifiante de Dieu vienne et nous associe à son pouvoir donateur de vie.

La volonté de Dieu c’est ce qui attend notre propre volonté en conformité avec celle de Dieu. Jésus quand il interroge les gens leur demande souvent « qu’est-ce que tu veux ? » eh bien ils ne savent pas trop, et sont embarrassés et ils attendent que quelqu’un « veuille » à leur place. Un jour Jésus dit dans Mathieu, chapitre 19, au jeune homme qui veut faire pour le mieux : «  si tu veux entrer dans la vie, pratique les commandements de Dieu et si tu veux encore plus, abandonne tout et suis moi. »