3. Rencontrer un exorciste
On ne trouve pas seulement des exorcismes dans les Évangiles, les romans fantastiques ou les films d'horreur ! Dans chaque diocèse, un prêtre exorciste est mandaté par l'évêque pour exercer ce ministère.
A Nancy, l'exorciste diocésain est, depuis deux ans, un frère dominicain, le frère Réginald Blondeel. Nous sommes allés à sa rencontre pour qu'il partage avec nous son expérience : Que signifie être possédé ? Que se passe-t-il pendant une rencontre avec une personne tourmentée ? Qui vient voir un exorciste ?...
Qu’est-ce qui est de l’ordre du démon ?
Si je viens trop vite dire à ces gens que, effectivement c'est le malin qui est là, et que c’est lui qui met le bazar dans leur vie, alors, j'ai peur que ces personnes ne fassent pas la part de travail qui leur revient. J’ai peur qu’en parlant trop vite du démon, on ne prenne pas ses responsabilités dans la relation à l'autre. Trop parler du diable ferait que les gens se diraient qu’ils ne sont pas responsables, parce que c'est la faute du diable. Mais ne pas parler du diable, ce n’est guère mieux, au sens où effectivement il a un pouvoir de nuisance dans notre vie.
Qu’est-ce qu’il nous veut, le diable ?
J'ai un peu tendance à penser qu’il a un pouvoir de nuisance. Il vient mettre le bazar encore plus dans notre vie qui est déjà compliquée. Son idée, à mon sens, c'est que, ayant du mal à vivre, nous finissions par nous dire que Dieu ne peut pas exister. Si nous laissons tomber Dieu à cause de nos difficultés, alors, il a réussi.
Qu’est-ce qui se passe pendant une rencontre avec l’exorciste ?
Quand on reçoit ces personnes, l'idée est de les laisser parler afin qu’elles expliquent ce qui leur arrive.
Auparavant je leur ai demandé de m'écrire pour expliquer tout cela. C'est surtout l'occasion pour ces gens de prendre du recul sur ce qu'ils sont en train de vivre. Je m'aperçois que de le dire et de l'écrire permet de prendre conscience de la difficulté. Et éventuellement, c’est l’occasion de se dire que peut-être, ce n'est pas le problème du diable et que peut-être, je peux trouver une autre solution. La mise par écrit va aider à clarifier les choses.
Quand je les reçois, j'ai évidemment lu leurs textes. Je les laisse à nouveau me dire ce qui les préoccupe aujourd'hui au moment où ils viennent, parce que les choses peuvent aussi évoluer.
Je les écoute avec un a priori positif. C’est-à-dire que je crois ce qu'on me dit. Je n'ai pas de raison de mettre en doute leur parole. Et en tous les cas ce qu'ils vivent, c'est toujours quelque chose de personnel et donc, puisque c’est personnel, c'est quelque chose qui mérite d’être entendu.
Et pour nous, puisqu'on est au niveau spirituel c'est important de porter ces personnes avec les difficultés qui sont les leurs. Je leur propose, à la fin de l'entretien, que nous prenions un temps de prière pour qu'on demande à Dieu de les aider dans leur vie, qui est mise à mal par ces différentes situations. Pendant cette prière, on va demander au Seigneur de les libérer d'un poids, de les libérer d'une rancœur, de la maladie, d'une angoisse.
Comment lutter contre le diable ?
Le diable, je propose de le voir comme l'adversaire. Pour lutter contre lui, je propose de se dire : « Je choisis Dieu ». Je le formule, je le dis à voix haute, dans ma prière. Ainsi l'adversaire m'entend dire que c'est Dieu que je choisis.
Si je n'aime pas Dieu, si je n'aime pas mon prochain et si je ne m’aime pas moi-même, évidemment je ne vais pas pouvoir suivre le Christ, ou plutôt je ne suis pas le Christ à ce moment-là. Et donc la meilleure façon pour se protéger des attaques de l'adversaire ça va être de calquer ma vie sur le Christ, d’ajuster ma vie à l'Evangile.
Comment prier contre le diable ?
A la fin de la rencontre, nous prions avec ces personnes, une prière d'accompagnement, une prière de libération, une prière de protection ou une prière de guérison. il y a plus de trois années un manuel est sorti, qui s'appelle « Les prières de protection, délivrance et guérison ». Il est utilisable en fait par les curés de paroisse ou dans les communautés religieuses. C'est un peu organisé comme une célébration des sacrements. Il y a l'accueil de la personne, la lecture de la Parole de Dieu et ensuite, une prière de demandes, pour la protection, la guérison ou la délivrance. Même si nous ne sommes que deux, c'est la communauté chrétienne qui se rassemble. Le Christ est au milieu de nous et c'est Lui à qui on s'adresse pour venir aider ces gens, qui sont dans le besoin.
La prière d'exorcisme va arriver beaucoup plus tard dans le déroulement. En deux ans je n’ai jamais utilisé cette prière qu’une fois. Parce qu’il m'a semblé que ce dont les gens avaient besoin, c'était plus une guérison des souvenirs ou une guérison d'une blessure, quand le cœur ou les souvenirs sont blessés. Cela peut aussi être une prière de protection, parce que des personnes se seraient un peu mises en danger, en choisissant une vie qui n'est pas conforme à l'Evangile. Et donc la prière de l'exorcisme, le rituel d'exorcisme va arriver uniquement dans le cas où l'on penserait avoir affaire à une attaque de l'adversaire dans la vie des personnes.
Donc, il y a cette prière là et il y a d'autres prières qui sont proposées, comme les prières que l'on adressait autrefois à saint Michel, une prière qui était dite à la fin de la messe. Il y a des prières à Marie, où on demande sa protection, une prière à saint Joseph donnée par le pape Léon XIII. Voilà il y a plein de prières que l'on peut avoir.
Qui vient voir un exorciste ?
Les personnes qui viennent nous voir sont des personnes en situation difficile, éprouvées dans leur vie par des choses qu’elles n'arrivent pas à expliquer.
Ce sont des personnes croyantes chrétiennes ou non-croyantes. Ce sont des personnes qui ont une difficulté et se sont posé la question : « Mais avec tout ce qui m'arrive, est ce que ce n'est pas le diable qui serait responsable ? »
En 2 ans d'expérience, 95 personnes sur cent, sont loin de l'église, loin d'une pratique religieuse, loin d'une pratique de prière.
Ces personnes que je vois et qui sont éloignées de l'église, qui viennent voir l'exorciste parce qu’elles se disent « Celui-là est puissant et il va pouvoir agir pour moi », je leur fais comme une catéchèse en accéléré. Je leur parle de Dieu. Elles sont plus occupées avec le diable en se disant que c'est lui qui a du pouvoir, et elles auraient tendance à oublier que seul Dieu est le tout-puissant. Seul Dieu a autorité sur notre vie. Seul Dieu a accès à ce que je suis.
Parmi ces gens qui viennent me voir, beaucoup ont essayé plein d'autres solutions auparavant. Beaucoup sont allés voir des guérisseurs ou des médiums. Mais pour un chrétien, quand on regarde dans la Bible, Dieu dit clairement qu'Il ne veut pas que l'on fasse appel aux esprits ou aux défunts. Et donc, puisque Dieu ne répond pas de cette manière- là à nos questions, si vous obtenez une réponse, elle n'est pas de Dieu. Si elle n'est pas de Dieu, elle est de l'adversaire. C'est dangereux de faire appel à ces solutions-là. La seule chose que l'on puisse faire c'est de s'adresser à Dieu et ça se fait dans la prière.
C'est assez rare mais il y a parfois des gens d'autres religions, qui sont allés voir leurs responsables du culte et n'ont pas trouvé de solution. Mon idée, c'est que ces gens sont aussi des enfants de Dieu. Et je peux très bien, moi, demander au Seigneur d'intervenir dans la vie de ces gens. Et ensuite, je renvoie ces gens à la pratique de leur religion, parce qu'effectivement ce sont des personnes de bonne volonté. Le Seigneur peut très bien entendre leurs demandes.
Exorciste, c’est un beau ministère ?
Dans la proposition qui m’a été faite par l'évêque d'assurer ce ministère – puisque c'est l'évêque, l’exorciste du diocèse, qui le délègue à un prêtre de son diocèse– ce qui m'a semblé important, c'était la dimension de miséricorde. Ces gens ne sont pas sereins dans leur vie et ils ont droit aussi à une sérénité, à la joie, au bonheur.
Donc, le fait de pouvoir les écouter, de les accompagner, de prier pour eux et éventuellement de les aider à se délivrer de ce qui les inquiète, je trouve que c'est un beau ministère de miséricorde, comme on le connaît, nous, dans l'Ordre des frères prêcheurs.
frère Reginald Blondeel
Frère Reginald est exorciste du couvent de Nancy et Toul depuis 2019. Il a longtemps été aumônier d’hôpital, aumônier de prison, aumônier militaire, directeur régional du pèlerinage du Rosaire...
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