6. Dieu change-t-il ?
Sœur Marie-Laure : « L’ange étendit sa main vers Jérusalem pour l’exterminer, mais le Seigneur se repentit de ce mal et Il dit à l’ange qui exterminait le peuple : ‘Assez ! Retire à présent ta main.’ » (2 Samuel 24, 16) Là, je suis déçue. Dieu agit comme un homme : Il fait des erreurs, puis Il les corrige ???
Frère Ghislain-Marie : Mais dans d’autres livres bibliques, Dieu affirme qu’Il ne change jamais d’avis. Par exemple, le prophète Malachie rapporte cette parole de Dieu : « Moi le Seigneur, je ne change pas » (Malachie 3, 6). Nous avons vu dans une précédente vidéo que Dieu était une plénitude d’être. Or, s’Il change, c’est pour faire mieux. Ça signifie que Dieu n’est pas encore parfait, qu’Il se doit se perfectionner. C’est tout à fait impossible, Il ne serait pas Dieu.
Sœur Marie-Laure : Et pourtant, on trouve plusieurs passages où Dieu semble changer d’avis. Cela montre que quelque chose change en Lui, non ? Ou alors l’auteur du texte biblique cherche à nous faire comprendre quelque chose ?
Dieu est éternel
Frère Ghislain-Marie : Il peut y avoir plusieurs raisons à l’affirmation d’un changement en Dieu. D’abord, parce que l’homme ne connaît que le fonctionnement de l’homme. Nous n’avons aucune expérience de l’éternité de Dieu. Comme un bon pédagogue, Dieu s’exprime en utilisant le vocabulaire de l’homme, qui est celui du changement et du repentir.
Sœur Marie-Laure : Ce ne serait donc qu’une manière de parler, alors ? Mais que ce soit Dieu qui modifie son jugement ou sa façon de faire, ou que ce soit l’auteur biblique qui fasse une interprétation, c’est bien que quelque chose a changé.
Frère Ghislain-Marie : -Effectivement, il y a bien quelque chose qui change. Mais ce changement est du côté des hommes, pas du côté de Dieu. Par exemple, dans le livre de Jonas, Dieu annonce, par l’intermédiaire de Jonas, aux habitants de Ninive qu’Il va détruire leur ville en raison de leur méchanceté. Mais les habitants de Ninive se repentent et Dieu renonce à son châtiment. Quand Dieu affirme se repentir, ce n’est pas parce qu’Il a subitement décidé de faire du bien aux habitants de Ninive, mais c’est parce que les habitants de Ninive eux-mêmes se sont repentis et ont décidé de corriger leur conduite. Dieu veut toujours le bien de l’homme, mais parfois c’est l’homme lui-même qui veut son propre mal. Il ne peut faire ce bien que par le repentir de l’homme. « Celui qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi », disait saint Augustin. (De Verb. apost. serm., 17)
Sœur Marie-Laure : Je crois que j’ai compris. En fait, Dieu s’adapte à l’homme. La volonté de salut de Dieu est éternelle et ne change pas, mais elle doit prendre de nouveaux moyens, elle doit s’adapter au comportement de l’homme pécheur. On pourrait comparer l’action de Dieu dans la vie de l’homme à un GPS qui doit sans cesse recalculer la route en fonction d’un objectif, qui reste toujours le même, et des libres choix d’itinéraire fait par le conducteur, donc par l’homme !
Frère Ghislain-Marie : Oui, souvent l’homme fait des erreurs d’orientation et il ne choisit pas toujours la bonne sortie.
La prière
Sœur Marie-Laure : Mais si Dieu s’adapte à l’homme pour toujours lui permettre d’atteindre le bien pour lequel il est fait, qu’en est-il de la prière, alors ? Si je prie pour ma grand-mère malade, cela ne sert à rien puisque la volonté finale de Dieu ne change pas ?
Frère Ghislain-Marie : C’est comme si tu disais que Dieu a décidé de toute éternité que j’irai dans tel endroit, donc il est inutile que je marche. D’abord, je ne sais pas ce que Dieu a décidé de toute éternité, donc on ne peut jamais affirmer que Dieu a décidé telle ou telle chose. Ensuite, il peut avoir décidé de toute éternité de m’accorder cela en réponse à ma prière. Donc si tu ne pries pas et que Dieu a décidé d’accorder la guérison de ta grand-mère en réponse à ta prière, elle ne guérira pas.
Sœur Marie-Laure : Hmm, alors cela peut nous aider à comprendre un épisode biblique un peu étrange. Tu te souviens, après que le Seigneur a annoncé à Abraham la naissance d’Isaac, Il lui dit qu’il détruira Sodome en raison du comportement de ses habitants. Et Abraham négocie avec Dieu : il lui demande de sauver la ville s’il s’y trouve 50 justes, puis seulement 45, puis 40, puis 30, puis 20 et enfin 10. Et le Seigneur s’engage à ne pas détruire Sodome s’il s’y trouve dix justes. On peut légitimement penser que Dieu, qui est juste et miséricordieux, avait comme projet de sanctionner les pécheurs, mais pas les justes, et que cela se ferait à la prière d’Abraham. C’est beau cette confiance que Dieu nous fait !
Frère Ghislain-Marie : Oui, et en même temps, quelle responsabilité ! Elle est bien juste cette parole du Christ : « Veillez donc et priez en tout temps. » (Luc 21, 36)
Le Christ a-t-il changé ?
Sœur Marie-Laure : Justement, parlons du Fils de Dieu. A un moment, il a assumé une nature humaine : un corps et une âme humains, c’est Jésus-Christ. Il y a un avant et un après l’incarnation. Est-ce que cela veut dire que le Fils de Dieu a changé ?
Frère Ghislain-Marie : Quand Dieu s’incarne, ce n’est pas Dieu qui est enrichi mais l’humanité qui est élevée. Tous les changements sont du côté de l’humanité. Le Christ naît ; normal, c’est un homme. Il grandit : normal, c’est un homme. Il souffre sur la Croix : c’est un homme. Il meurt, comme un homme. Il ressuscite : il n’y a que les morts qui ressuscitent, et on meurt parce qu’on est un homme.
Sœur Marie-Laure : D’accord, mais ensuite il y a l’Ascension, et là, le Christ monte au ciel avec son corps. Il introduit un changement en Dieu.
Frère Ghislain-Marie : Oui, il monte au ciel : oui, mais c’est son corps qui se déplace. Le Christ est Dieu et homme. En sa divinité, pas de changement : il est Dieu, il ne change pas. En son humanité, il subit tous les changements de l’homme. Donc le Christ change selon son humanité, pas selon sa divinité.
Sœur Marie-Laure : Donc Dieu ne change pas, mais ce n’est pas comme quelqu’un d’inflexible ; plutôt comme quelqu’un qui s’adapte à nous.
frère Ghislain-Marie Grange
frère Ghislain-Marie étudie la théologie de saint Thomas d'Aquin à Fribourg et il l'enseigne au couvent de Toulouse.
sœur Marie-Laure Larcher
sœur Marie-Laure Larcher est dominicaine du Saint-Nom-de-Jésus. En 2020, elle est professeur de sciences-physiques et chimie et réside dans la communauté de Toulouse. Elle est membre du Groupe Albert-le-Grand qui rassemble des dominicain(e)s réfléchissant sur des questions scientifiques.
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