4. Les miracles peuvent-ils nous faire croire en Dieu ?
Frère David : [Un évangile à la main] Tu as sans doute remarqué que Jésus avait fait de nombreux miracles durant sa vie publique ! Il a guéri beaucoup de personnes, comme cette femme, par exemple :
« atteinte de flux de sang depuis douze années, qui avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout son avoir sans aucun profit, mais allait plutôt de mal en pis » (Marc 5, 26).
Il a multiplié les pains et les poissons, pour nourrir la foule. Il a ressuscité des morts : Lazare, par exemple, alors qu’il était au tombeau, depuis trois jours et qu’il sentait déjà. Tu te rends compte ?
Frère Guillaume : Ouais, moi, tu sais, je suis comme saint Thomas, tant que je ne vois pas, je ne crois pas.
Frère David : Tu peux au moins admettre que des faits surnaturels, parfois, se produisent, non ?
Frère Guillaume : Boh ! Qu’est-ce qui te dit que c’est surnaturel ? Disons qu’il y a des faits que, dans les limites actuelles de la science, on ne peut pas expliquer !
Frère David : Je ne suis pas d’accord ! Nous savons dès maintenant que les molécules d’eau n’ont pas et n’auront jamais la capacité de muter d’un seul coup en vin ou en bière - hélas… - ou bien encore que les morts ne ressusciteront pas. Ce sont des actions que la nature ne peut en aucun cas réaliser.
Frère Guillaume : Alors, selon toi, il n’est pas nécessaire d’avoir la foi pour reconnaître les miracles !
Frère David : Tout à fait ! Un médecin qui constaterait, à Lourdes, par exemple, une guérison semblable à celles qui sont décrites dans l’Evangile, peut raisonnablement conclure, après une enquête minutieuse, que cette guérison n’a pas d’explication naturelle. Et qu’elle n’en aura pas ! Nous n’avons pas besoin d’attendre que les connaissances scientifiques progressent de ce côté-là. Comme je te l’ai dit, nous savons, d’ores et déjà, qu’il n’est pas dans l’ordre des choses que cinq pains et deux poissons nourrissent une foule entière, qu’un aveugle se mette à voir, qu’un sourd se mette à entendre ou bien encore qu’un maccabé se mette subitement à ressusciter. Le temps ne changera rien à l’affaire. Ce n’était pas possible et cela ne le sera jamais.
Frère Guillaume : Ouais, jusqu’à preuve du contraire !
Frère David : Non ! Prenons un exemple ! Personne ne dit : « Les chiens ne font pas des chats, jusqu’à preuve du contraire. Non, nous savons que ce n’est pas le cas et que ce ne sera jamais le cas. C’est un peu pareil avec les miracles. Ce sont des faits qui sont et seront naturellement impossibles. La raison doit donc reconnaître qu’elle se trouve en face d’un phénomène para-naturel ou, si l’on veut, surnaturel, qu’il y a là un prodige, un miracle !
Frère Guillaume : Alors pourquoi les médecins qui constatent une guérison miraculeuse ne croient pas tous en Dieu ?
Frère David : Parce que c’est une chose de reconnaître qu’un fait dépasse l’ordre de la nature et une autre de croire que c’est le Christ Jésus qui l’a produit. Un miracle peut te conduire jusqu’au rivage mais ce n’est pas lui qui te fera faire le saut de la foi, le grand plongeon !
Frère Guillaume : Je comprends mieux pourquoi saint Grégoire le Grand disait de l’apôtre Thomas quand il vit Jésus ressuscité : « il vit une chose et en crut une autre. ».
Frère David : Effectivement ! Thomas a vu, dans un premier temps, un homme ressuscité, et dans un second temps il a cru que cet homme, qui était devant lui, était Dieu. C’est pourquoi il s’écria : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Frère Guillaume : Il ne suffit donc pas de voir pour croire ! Mais à quoi servent donc les miracles s’ils ne conduisent pas nécessairement à la foi ?
Frère David : Eh bien, disons qu’ils disposent à la foi ! Ils rendent plus facile l’acte de foi. Reprenons l’exemple de Thomas. Comme tu le sais, celui-ci était plutôt mal disposé, après la Passion de Jésus et sa mise au tombeau, à croire que Jésus était le Fils de Dieu. Pour lui, il était définitivement mort. Mais en le voyant vivant, en voyant la marque des clous, en touchant ses plaies, il a pu poser cet acte de foi en la divinité de Jésus. Lui qui était incrédule, il est devenu croyant !
Frère Guillaume : Les miracles ne sont donc pas seulement destinés à ceux qui croient !
Frère David : Quand Dieu fait des miracles, il vise deux publics : ceux qui croient déjà et ceux qui ne croient pas. Les miracles peuvent aider ceux qui croient déjà en Dieu à croire encore davantage. Et ils peuvent aider ceux qui ne croient pas encore à faire le pas, sous l’action de la grâce, pour se jeter dans les bras de Dieu. Les miracles sont des événements qui rendent encore plus crédible, plus croyable, la Révélation. Ils ont cette capacité d’impressionner, d’ébranler les certitudes des gens les plus méfiants à l’égard du Christ, de faire tomber leurs a priori ou leurs idées sur Dieu et la religion et de les mettre plus facilement sur le chemin de la foi !
Frère Guillaume : Mais les miracles n’obligent jamais personne à croire ! Ils laissent pleine et entière la liberté de croire. Ils orientent ou réorientent la personne vers Dieu !
Frère David : Oui, mais ce serait, comme on le dit, « abuser », de ne pas croire après une telle démonstration de force. Regarde ce qui s’est passé pour le Pharaon qui n’a pas cru les miracles opérés par Moïse ! Son cœur s’est endurci.
Frère Guillaume : Et ça s’est mal terminé pour lui
Frère David :- Quand Dieu opère des miracles, Il ne fait pas simplement un petit clin d’œil. Non, Il fait un grand appel du pied ! Attention, donc, à ne pas endurcir son cœur et à se fermer quand Dieu nous favorise de tels signes.
Notes de bas de page :
« Néanmoins, pour que l’hommage de notre foi soit conforme à la raison [cf. Rm 12, 1], Dieu a voulu que les secours intérieurs du Saint-Esprit soient accompagnés de preuves extérieures de sa Révélation, à savoir des faits divins et surtout les miracles et les prophéties qui, en montrant de manière impressionnante la toute-puissance de Dieu et sa science sans borne, sont des signes très certains de la Révélation divine, adaptés à l’intelligence de tous » Concile du Vatican, Constitution dogmatique « Dei filius » sur la foi catholique, cap. 3, « De fide », n°3009 dans Heinrich Denzinger, Symboles et définitions de la foi catholique, édité par Peter Hünermann pour l’édition originale et par Joseph Hoffmann pour l’édition française, Paris, Le Cerf, 1996, p. 679.
« Si quelqu’un dit que la Révélation divine ne peut être rendue croyable par des signes extérieurs et que, dès lors, les hommes doivent être poussés à la foi uniquement par leur expérience intérieure personnelle ou par une inspiration privée, qu’il soit anathème. » Concile du Vatican I, Constitution dogmatique « Dei filius » sur la foi catholique, cap. 3, « De fide », canon 3, n°3033 dans H. Denzinger, op. cit., p. 685.
« Si quelqu’un dit qu’il ne peut pas y avoir de miracles et qu’en conséquence tous les récits qui les mentionnent, même ceux qui se trouvent dans la sainte Écriture, doivent être rejetés comme des fables ou des mythes, ou que les miracles ne peuvent jamais être connus avec certitude ni servir à prouver efficacement l’origine de la religion chrétienne, qu’il soit anathème. » Concile du Vatican I, Constitution dogmatique « Dei filius » sur la foi catholique, cap. 3, « De fide », canon 4, n°3035 dans H. Denzinger, op. cit., p. 685.
frère David Perrin
Avant d'entrer dans l'Ordre Dominicain, frère David étudiait la littérature française. En 2020, il est directeur du studium de philosophie de Bordeaux. Il y enseigne, entre autres, l'anthropologie et la philosophie de l'art. Il a publié sa thèse : "Jean Giono, itinéraire d'un homme sans Dieu" (Classique Garnier, 2021)
frère Guillaume Petit
En 2020, frère Guillaume est dominicain au couvent de Bordeaux, où il est aumônier au lycée de la Sauque.
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