4. L’Esprit Saint, c’est catholique ?
Blanc – On dit que nous, les Catholiques Latins, nous ne connaissons pas très bien l'Esprit Saint, que ce sont les Protestants qui nous ont aidé à le redécouvrir, notamment à travers le « renouveau charismatique ». Ou alors, on dit que nos frères d'Orient, eux, ont une spiritualité beaucoup plus ouverte au rayonnement de l'Esprit Saint.
Noir – En Orient, c'est vrai, on parle volontiers du Saint-Esprit. Par exemple au IVe siècle, en Egypte Athanase d'Alexandrie, Didyme l'Aveugle ou en Cappadoce, Basile de Césarée ou Grégoire de Nazianze. Tous ces auteurs la composent des Traités du Saint-Esprit.
Blanc – Mais à la même époque en Occident aussi on compose des traités du Saint-Esprit. Par exemple saint Ambroise de Milan. Et Ambroise a été le maître de saint Augustin, qui a tant marqué l'Occident.
Noir – Saint-Augustin, parlons-en c'est quand même lui qui a contribué à plonger l'Occident dans une théologie très sombre très pessimiste marquée par le péché et la Rédemption, alors que en Orient on a des théologiens qui ont été de véritables chantre de la lumière, Grégoire de Nazianze ou Ephrem de Syrie. Ephrem, on l'a même appelé la harpe du Saint Esprit.
Blanc – D'accord mais Augustin c'est aussi le grand théologien de l'amour. Augustin nous dit que, par exemple, le Fils de Dieu procède du Père à la manière intellectuelle. Il est le Verbe de Dieu, la Parole la pensée de Dieu. Mais l'Esprit, dit Augustin, lui il procède à la manière affective par mode d'amour. Il est l'Amour même de Dieu.
Noir – Franchement tout cela reste quand même très théorique chez nos frères évangéliques ou chez nos frères orientaux, c'est l'expérience spirituelle qui compte l'expérience du Saint Esprit, comme par exemple l'histoire de Séraphin de Sarov. Il parle du Saint Esprit à son jeune disciple et voilà qu'il est tout entier illuminé, transfiguré.
Blanc – C'est vrai que, depuis la fin du Moyen-Age en particulier, la spiritualité occidentale a été particulièrement marquée par des formes de prière qui s'appuie sur l'humanité du Christ. Par exemple, la crèche, le chemin de croix, le rosaire. Mais la théologie de la divinisation ça existe aussi en Occident. On appelle ça plutôt la théologie de la grâce et la grâce est bien chez nous aussi. Il y a des mystiques qui en ont fait l'expérience, par exemple, les mystiques rhénans, ou les mystiques du Carmel. Mais tout simplement aussi les personnes qui, en particulier depuis le renouveau qui a suivi le Concile Vatican II, expérimentent la présence et l'action de l'Esprit Saint dans leur vie.
Noir – Et bien justement ces personnes puisent beaucoup dans les ressources de l'Orient Chrétien : les apophtegme des pères du désert, les récits du Pèlerin russe, la Philocalie, la prière du cœur.
Tant mieux après tout, comme le disait le pape Jean Paul II, il est bon que l'Eglise apprennent à respirer avec ses deux poumons l'Orient et l'Occident.
frère Sylvain Detoc
Frère Sylvain Detoc est docteur ès lettres et docteur en théologie. Il est frère de la province de Toulouse, il enseigne à l'Institut Catholique de Toulouse. Il a publié plusieurs ouvrages : Déjà brillent les lumières de la fête (Cerf, 2023), La Gloire des bons à rien (Cerf, 2022) et Petite théologie du Rosaire (éditions de La Licorne, 2020).
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