7. Apocalypse 12 à 16 : monstres et compagnie
Attention !!! Dans la catégorie monstre, j’appelle : le dragon !!!
« Rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. » (Apocalypse 12, 3-4)
Et vous n’avez encore rien vu ! Voici la bête de la mer :
« Une Bête ayant dix cornes et sept têtes, avec un diadème sur chacune des dix cornes et, sur les têtes, des noms blasphématoires. Et la Bête que j’ai vue ressemblait à une panthère ; ses pattes étaient comme celles d’un ours, et sa gueule, comme celle d’un lion. » (Apocalypse 13, 1-2)
Toujours livrées avec son comparse la bête de la terre :
« Elle avait deux cornes comme un agneau, et elle parlait comme un dragon. (…) Elle produit de grands signes, jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre » (Apocalypse 13, 11.13)
Impressionnant n’est-ce pas !!! … Un peu trop d’ailleurs… S’il y a de bonnes raisons de s’intéresser à l’Apocalypse, elle fascine malheureusement pour de mauvaises raisons. Elle attire par son ésotérisme et ses créatures terrifiantes. On pense y découvrir le secret du mal et de son pouvoir. Ce n’est peut-être pas complètement faux, mais il faut prendre garde de ne pas tomber dans le piège qu’elle dénonce : la fascination du mal ! Pour affronter cette question regardons les chapitres 12 à 15.
Le plan
Avant de regarder ce que le texte nous révèle sur le mystère du mal, regardons le plan. Nous voyons sur le plan un long développement entre les 7 trompettes et les 7 coupes. Trois monstres y apparaissent, un grand dragon chassé du ciel qui fait surgir une bête de la mer et une autre de la terre.
Arrêtons-nous à l’image terrible du dragon et de ces deux bêtes. Nous nous doutons qu’il ne s’agit pas de prendre ces descriptions au pied de la lettre. Mais comment les interpréter ? Comme toujours c’est l’Ancien Testament qui sera notre dictionnaire pour comprendre le langage symbolique de l’Apocalypse.
Le dragon
Le dragon n’est pas trop difficile à interpréter, surtout que le texte est assez explicite et correspond à notre imaginaire :
« Le grand Dragon, le Serpent des origines, celui qu’on nomme Diable et Satan, le séducteur du monde entier. » (Apocalypse 12, 9)
Notons cependant là encore comment l’Apocalypse essaye de synthétiser toutes les images présente dans les Ecritures pour parler du mal, depuis le serpent qui séduisit Eve au jardin de la Genèse, jusqu’au grand dragon appelé aussi Léviathan qui est un monstre marin, dont parlent les psaumes et les prophètes.
Des symboles équivoques
Les deux bêtes nous sont plus difficiles à interpréter. Elles font référence à une vision du prophète Daniel où sont décrit 4 bêtes terrifiantes sortant successivement de la mer. Chez ce prophète, elles sont explicitement identifiées comme 4 royaumes (Daniel 7, 17). Au chapitre 17 de l’Apocalypse, alors que la première bête réapparait, tendrait à l’identifier à l’empire romain car il est précisé que les 7 têtes sont 7 collines (Apocalypse 17, 9) ce qui est une célèbre caractéristique de la ville de Rome. Mais il est aussi donné une autre interprétation à ces 7 têtes qui serait aussi « 7 rois ».
Les symboles de l’Apocalypse ne sont donc pas univoques : c’est justement là leur force et leur danger ! Le danger, c’est de se lancer dans un jeu d’identification pour trouver quel personnage historique ou un groupe humain pourrait avoir été symboliquement visé par les bêtes de l’Apocalypse. Et on ne manque pas de chef d’état ou de dictateur puissants et dangereux qui nous semblerait encore aujourd’hui constitué de bons candidats à une telle identification. Il faut cependant réaliser qu’il y en a toujours eu et qu’il y en aura toujours !
C’est justement la force du langage symbolique, quand bien même la bête a pu désigner à l’époque de Jean, l’empire romain en général ou un empereur comme Néron en particulier, elle continue de désigner à chaque époque toute puissance qui revendique le pouvoir suprême et use de violence pour l’obtenir ! Mais attention ! La tentation est forte d’utiliser un tel symbole pour diaboliser nos ennemis et ceux qui nous font peur ! Le texte de l’Apocalypse est plus subtil que cela !
Une théologie du pouvoir ?
Après ce survol, il nous faut donc plonger dans le texte. En effet, les habitants de la terre n’ont pas peur des deux bêtes : ils sont fascinés par elles ! Et cela d’autant plus qu’elles ne manquent pas de ressembler par certains aspects à l’Agneau. Il est précisé par exemple que la bête de la terre « a des cornes comme un agneau » (Apocalypse 13, 11). La bête de la mer a l’une de ses têtes qui « était comme blessée à mort, mais dont la plaie mortelle fut guérie. » Ce qui rappelle l’agneau immolé mais debout (Apocalypse 5, 6). Cela est riche d’enseignement : le mal ne peut attirer par lui-même, il faut qui prenne les traits du bien pour nous séduire. Dans cette horrible caricature l’Apocalypse nous avertit donc qu’il faut savoir voir au de-là des apparences. A ceux que le pouvoir fascine, elle offre donc un avertissement !
Mais elle dit également quelque chose à dire à ceux que le pouvoir oppresse ! En effet dès son apparition au chapitre 12, l’effrayant dragon est déclaré vaincu :
« Maintenant voici le salut (…) ! Car il est rejeté, l’accusateur de nos frères (…). Cieux, soyez donc dans la joie, et vous qui avez aux cieux votre demeure ! Mais malheur à la terre et à la mer : le diable est descendu vers vous, plein d’une grande fureur ; il sait qu’il lui reste peu de temps. » (Apocalypse 12, 10.12)
Si le mal se déchaîne ici-bas c’est donc parce qu’il sait que son temps est compté. Un temps est laissé pour que les hommes puissent librement choisir leur camp, mais le mal part perdant dès le départ !
S’il semble ici-bas avoir le dernier mot, ce n’est que parce que les apparences sont trompeuses : c’est pourquoi une révélation est nécessaire ! Et cette révélation a été apporté par Jésus Christ qui malgré l’échec apparent de la croix, a vaincu le mal par le bien ! C’est paradoxalement ce que les images de l’Apocalypse viennent dévoiler. Des images pour aller plus loin que les apparences !
frère Pierre de Marolles
Frère Pierre de Marolles est frère dominicain de la province de Suisse. Après des études à Fribourg, En 2021, il poursuit un doctorat à Louvain-la-Neuve, où il continue de travailler sur l'Apocalypse.
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