2. Qui a écrit l’Apocalypse ?
« C’est moi, Jean, qui entendais et voyais ces choses. » (Apocalypse 22, 8)
Mais qui est ce Jean ? Est-ce le Jean, fils de Zébédée, que Jésus a appelé avec son frère Jacques sur les bords du lac de Galilée pour en faire un des douze apôtres, ou est-ce un autre Jean ?
Blanc – Jean est un nom courant à l’époque de Jésus. Dans les évangiles nous connaissons d’ailleurs au moins un autre personnage qui porte ce nom, c’est Jean le baptiste le cousin de Jésus. Ce n’est donc pas parce que l’auteur de l’Apocalypse se présente comme s’appelant Jean qu’il s’agit de Jean l’apôtre. D’ailleurs le texte ne le précise jamais. L’auteur revendique d’être « prophète » mais pas apôtre. Pire encore lorsqu’il décrit la Jérusalem céleste, il précise que sur ses fondations sont inscrits les noms des 12 apôtres : il le décrit simplement comme si cela n’avait rien à voir avec lui.
Noir – Cette attitude de détachement n’est pas suffisante pour prouver qu’il ne s’agit pas de Jean l’Apôtre. Regarde dans l’évangile qu’il a écrit, il ne se nomme pas lui-même mais parle simplement du « disciple que Jésus aimait ».
Blanc – Je ne voudrais pas te faire de peine mais là tu complique les choses... D’abord, il n’est pas beaucoup plus facile d’être sûr que le 4 évangile a été écrit par Jean l’apôtre… Mais surtout, il y a d’énorme différence de style entre cet évangile et l’Apocalypse : ce qui fait qu’il n’est pas facile d’attribué les deux à une même personne… On ne comprendrait pas que d’un côté Jean aurait écrit son évangile dans un grec simple et soigné et que de l’autre, il aurait écrit l’apocalypse dans un style compliqué et bourré de fautes. Il y a même des différences de vocabulaire difficile à expliquer. Par exemple pour une image aussi centrale que celle de l’agneau, l’Apocalypse dit en fait « petit bélier » alors que l’évangile parle vraiment d’un « agneau ».
Noir – Je maintiens que faire le lien avec l’évangile est intéressant. En effet, comme tu le dis on ne peut pas être sûr à 100% qu’il a été écrit par Jean l’Apôtre, mais c’est la tradition c’est à dire le témoignage vivant de la communauté qui a reçu et conservé le texte qui nous l’apprend. D’ailleurs à la fin de l’évangile de Jean nous avons un aperçu de ce que cela signifie lorsque le texte dit :
« C’est ce disciple (celui que Jésus aimait) qui témoigne de ces choses et les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai » (Jean 21, 24).
Cela signifie aussi que l’apôtre n’est pas seul, mais entouré d’une communauté qui a pu prendre part à la rédaction ou à la révision du texte. Cela peut expliquer des différences de style.
Blanc – C’est vrai que la communauté a un rôle important dans la conservation et la transmission d’un texte. Mais ce qui me gêne dans ce que tu dis c’est qu’il y a aussi eu des groupes pas très « catholiques » qui rédigèrent des textes en faisant croire qu’ils venaient des apôtres. C’est ce qu’on appelle les « apocryphes » comme le texte appelé « évangile de Thomas ». Il y avait même pas mal de texte qui s’appelaient aussi « apocalypse », comme l’apocalypse de Pierre ou de Paul. Comment savoir que l’Apocalypse de Jean n’est pas un de ces faux.
Noir – Je te ferai remarquer que tous tes arguments sur le fait que l’auteur de l’apocalypse ne revendique pas d’être apôtre jouent maintenant en la faveur de l’authenticité de l’Apocalypse. Un faux aurait clairement revendiqué d’être écrit par un apôtre. Mais tu as raison d’être inquiet et les premiers chrétiens se sont aussi posé la question. Vers le 5e siècle dans la partie orientale de l’Église on a d’ailleurs écarté l’Apocalypse par crainte qu’elle soit un apocryphe, mais la partie occidentale l’a toujours gardé et finalement elle est revenue même en Orient.
Enfin, il faut dire que des auteurs chrétiens parmi les plus anciens que nous ayons après le Nouveau Testament, comme par exemple Justin de Naplouse ou Irénée de Lyon, attribuent sans crainte l’Apocalypse à Jean l’Apôtre. Même s’il reste des doutes légitime, il y a aussi de bonnes raisons d’avoir confiance en cette tradition.
frère Pierre de Marolles
Frère Pierre de Marolles est frère dominicain de la province de Suisse. Après des études à Fribourg, En 2021, il poursuit un doctorat à Louvain-la-Neuve, où il continue de travailler sur l'Apocalypse.
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