4. Les premiers moines
Une personne m’a un jour demandé : « A quoi ça sert un moine ? ». À rien ! Un moine ne sert pas à quelque chose, il sert quelqu’un. Le but de la vie du moine c’est donc la quête de Dieu : Querere Deum ! Chercher Dieu.
Anachorètes et cénobites
Pour cette quête, vous avez deux façons de procéder : Soit, vous le faites tout seul. Ce sont les ermites ou pour faire chic : les anachorètes ! Bon je vous aide, ça veut dire “celui qui s’est retiré du monde”. Soit, vous le faites avec d’autres. En communauté. On les appelle les moines cénobitiques ! Mais alors il vous faut une règle. C’est comme dans une coloc : si vous ne vous mettez pas d’accord sur quelques points fondamentaux, ça devient vite l’enfer !
La règle de saint Benoît
De nombreuses règles ont été écrites et essayées en Orient et en Occident. Mais la Règle de saint Benoît au 6ème siècle, claire et concise, est la plus achevée des règles monastiques.
En effet, elle contient un principe tout simple : Ora et labora. Prie et travaille. Et n’exige rien d’autre que ce que chaque moine peut donner. Elle s’inspire des expériences et règles antérieures ainsi que des Psaumes et du Nouveau Testament. Elle commence par ce conseil « Ecoute mon fils » et finit par cet encouragement « tu parviendras ». Composée de 73 courts chapitres, elle prône la stabilité, l’obéissance à l’abbé, l’humilité, le respect du silence et l’équilibre entre les tâches. En résumé, dans une journée, le moine vit trois temps : le service divin qui comprend 7 offices plus la messe, la méditation des textes sacrés appelé Lectio divina et le travail manuel.
La règle devient un best-seller, elle est adoptée dans tout le monde occidental jusqu’à aujourd’hui.
Les monastères
Pour vivre fidèlement leur règle, les moines construisent des monastères : des bâtiments tout spécialement pensés par eux et pour eux. Un monastère est une cité idéale. Pourquoi idéale ? Parce que tout est orienté vers la recherche de Dieu. La quête de l’absolu. Tout ! Les horaires, l’espace, les activités, la communication entre les moines, la nourriture, etc. Il y a donc un but clair et chacun a sa place.
Un peu comme dans une ruche. Vous avez les moines clercs - les diacres et les prêtres - qui passent le plus de temps possible à l’église pour prier et à la bibliothèque pour étudier. Et les moines convers qui font tourner la baraque dans les champs, les vignes, les celliers, l’infirmerie, l’hôtellerie. Et pour gouverner le tout, la reine des abeilles, pardon le Père abbé qui est élu à vie par les moines. Abbé, ça vient de Abba. Pas le groupe de musique mais l’hébreu papa. Les moines sont donc les fils de l’abbé papa.
Le monastère idéal : Saint-Gall
C’est ainsi qu’à Saint-Gall en Suisse on imagine un plan de monastère idéal au début IXème siècle. Tellement idéal qu’il n’a jamais été édifié. Mais ce plan a été diffusé dans tout l’empire de Charlemagne pour inspirer les constructions des monastères. Ce document est très précieux : car il décrit pour la 1ère fois et de façon exhaustive, un complexe monastique bénédictin tel qu’il a été défini lors du concile d’Aix la Chapelle en 816 et dont l’organisation spatiale s'est imposée dans tous les monastères occidentaux jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Vous imaginez l’autorité de ce document !
L’église du monastère est de plan allongé et présente deux sanctuaires opposés, comme dans de nombreuses églises carolingiennes. A l’est l’église possède un transept et un chœur surélevé abritant l‘autel majeur, sous lequel se trouve une crypte, et se termine en abside. Dans cette crypte se cachent les reliques de saint Gall. De l’autre côté, à l’ouest, une autre abside constitue un second sanctuaire à part entière, où devant lui se dressent deux tours rondes.
Au sud de l’église sont construits les lieux d’habitation des moines. Pour la 1ère. fois en Occident, ils sont organisés autour d’une cour carré qu’on appelle le cloître. Le carré c’est symboliquement le monde terrestre. Par opposition à l’église qui, elle, représente le monde céleste.
Cette cour est bornée à l’est par un bâtiment, qui abrite au rez-de-chaussée la salle du chapitre : où chaque soir les moines se réunissent autour de l’abbé pour expliquer un point de la règle, décider ensemble des projets et de l’organisation du monastère mais aussi se demander pardon pour les manquements et les fautes durant la journée.
A l’étage, on trouve un dortoir avec 77 lits. Sacrée coloc dis donc ! Le dortoir conduit d’un côté directement à l’église et de l’autre aux bains et latrines.
Au sud du cloître, se tient le réfectoire qui est un lieu fondamental de la vie monastique. Un peu comme dans la coloc. Les moines s’y retrouvent plusieurs fois par jour sauf pendant le Carême (un seul repas par jour) avec une alimentation un peu austère. Oubliez les clichés du moine gras et ventripotent.
Dans le complexe monastique, vous avez aussi tous les bâtiments liés au soin du corps, avec l’infirmerie, mais aussi l’hôtellerie pour accueillir les pèlerins et les pauvres de passage. Ainsi qu’une ferme, un potager, un verger et un jardin pour la nourriture terrestre. Enfin un cimetière, lieu du repos éternel des frères. L’ensemble du monastère est délimité par une clôture qui sépare les moines du reste du monde.
Bref, vous êtes dans la cité idéale. Le monastère est une véritable Jérusalem Céleste !
Clémentine Bourdin
Clémentine Bourdin est diplômée d'un master en histoire de l'art et en archéologie, avec une spécialité en architecture médiévale et en art chrétien. Depuis 2021, elle est responsable des collections archéologiques aux Musées de Sens.
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