4. Les animaux vont-ils au ciel ?
Les personnes sensibles aux fragilités de notre vie et aux catastrophes diverses qui nous environnent, se posent immanquablement la question de la destinée de notre monde. Cependant, cette destinée, au regard du plan de Dieu depuis la Création, semble se résumer à une destinée commune à toute la création, en commençant par la commune destinée des hommes et des animaux.
Depuis les commencements, dans la Bible et plus lointain que la Bible, la destinée de l’humanité et des animaux semble être un projet unique dans le plan de salut de Dieu. Les textes fondateurs de la Bible et même de notre humanité semblent le confirmer.
Dans le récit de la Genèse il est intéressant de constater que la corruption de l’humanité provoque la colère de Dieu non pas seulement contre l’humanité méchante, mais aussi contre les animaux et les oiseaux. Dieu décide donc de détruire son œuvre tout entier à l’exception de Noé, un homme juste qui avait trouvé grâce aux yeux de Dieu (Genèse 6, 5-12). Pour réaliser ce projet, il demande à Noé de construire une arche dans laquelle seront préservés Noé, sa famille, mais aussi sept paires (mâle et femelle) de chaque espèce d’animaux purs, une paire de chaque espèce d’animaux impurs et sept couples d’oiseaux de toutes les espèces (Genèse 7, 1-5).
Drôle et même intrigante justice de Dieu. L’homme est méchant et Dieu décide de le punir. Mais il n’est pas puni tout seul. Avec lui sont punis les animaux et les oiseaux. De même, un seul homme plaît à Dieu, il le sauve avec sa famille, les oiseaux et les animaux aussi bien purs que impurs. Il y a certainement là un message et une réponse qui concernent la destinée commune de notre monde. Il y a même une interpellation à prendre conscience de la force de destruction massive des choix de l’homme. Il y a une responsabilité de ce dernier dans la pérennité de notre monde. Les erreurs de l’humanité ont aussi une conséquence sur les animaux et l’ensemble de la création.
Dans l’arche pendant près de soixante jours, on peut imaginer, comme le montrent les films sur le Déluge, comment les fils et belles-filles de Noé ont dû s’occuper des animaux pour les garder en vie. Et aussi, ces animaux ont assurément permis de produire pour l’homme ce qui est nécessaire pour sa nutrition. Il y a comme une complémentarité entre les hommes et les animaux. Il y a comme un projet divin harmonieux d’interdépendance qui suggère une conscience à l’auto-préservation dans la responsabilisation de l’homme en ce qui concerne la protection des animaux et des êtres vivants en général.
Plus loin dans le récit du Déluge (Genèse 8, 6-12), cette destinée commune se vérifie. D’abord le corbeau et ensuite la colombe vont être pour Noé et sa famille des éclaireurs. Grâce à eux, Noé et les siens connaîtront que la fin du déluge est proche. Ces autres êtres, créés à côté de l’homme, peuvent être pour lui une unité de mesure dans les choix de développement qu’il opère. Leur disparition est le signe du déséquilibre que peut entraîner le mauvais usage des biens de la création.
Désormais, la mission de l’homme se résume à veiller à la conservation de l’espèce créée et à assurer sa prospérité avec toute la tendresse et la prudence que cela requiert : « …qu’ils pullulent sur la terre, qu’ils soient féconds et se multiplient sur la terre » (Genèse 8, 15-19). Le dénouement heureux de ce récit se fait certainement à cette condition, Dieu est résolu à ne plus détruire la terre (Genèse 9, 12-17). L’arc-en-ciel du récit du Déluge, est le signe de l’alliance noué entre Dieu et l’homme pour que la Création tout entière soit sauvée.
La fin de l’évangile de Marc signale en effet ce désir immense de Dieu de sauver non pas seulement l’humanité, mais toute la Création. C’est pourquoi la dernière injonction de Jésus ressuscité à l’endroit de ses disciples, lorsqu’il les envoya proclamer la Bonne Nouvelle, précise que c’est en direction de toute la Création (Marc 16, 15). Une destinée commune des hommes et des animaux est sans doute le projet de Dieu, car il envisage pour lui un royaume où ses disciples vivent harmonieusement avec les animaux, mêmes les plus féroces (Marc 16, 18a. 19-20). La fragilité de la Création exige d’elle une interdépendance harmonieuse et selon l’ordre du Créateur, qui invite au respect de chacune des créatures (Romains 8, 20-39).
Il est donc évident qu’une solidarité des êtres vivants s’impose pour permettre au monde nouveau de se construire et d’être harmonieusement pérennisé.
Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. (Genèse 1, 31a).
frère Bernard Didier Ntamak Songué
En 2021, frère Didier vit et étudie l'Ancien Testament au couvent de Jérusalem. Il s'y occupe de l'immense bibliothèque, après avoir passé de nombreuses années comme aumônier d'étudiant à Douala au Cameroun.
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